Histoire
Son père était chevalier de la baronnie de Uzé, son grand père, et tous leurs pères avant eux l’étaient également. C’est un chemin tout tracé sur lequel on vous place avant que même que vous n’ayez appris à marcher. Et gare à celui qui chercherait à sortir des sentiers battus. Ca a été le cas pour quelques uns des frères de Maïeul, mais pas lui. Il suivait docilement ce qu’on lui demandait d’être, de faire. Ca lui allait très bien comme ça.
Même si il suivait les traces de son père, et de tous les hommes de sa famille, Maïeul n’a pas réellement pu profiter de la présence de ce dernier, ni de sa mère d’ailleurs, trop occupée Dieu ne sait où … et il ne vaut peut être mieux pas qu’Il le sache.
La grande majorité du temps, il était confié à sa nourrice, la douce Annabelle avec ses boucles rousses et ses joues pleines. Il y est davantage plus attaché qu’à sa mère. Quand à sept ans, il a été mis au service d’un écuyer en tant que page, la séparation fut très difficile pour le jeune Maïeul. D’autant plus que l’écuyer fut dur avec le garçon, il le battait, et l’assigna aux plus basses besognes, et ce durant septs années. Maïeul ne dit trop rien durant cette période, réfrénant toutes ses pulsions de rébellion au dépit de quelque chose de bien plus sombre et malsain. Il faisait bien son boulot, docilement, ce qui lui valut de bonnes recommandations lorsqu’il devint lui même écuyer.
Il venait d’avoir quatorze ans quand il entra au service d’un chevalier, Eljas, dépendant d’une des baronnies du domaine. Eljas était un homme aussi séduisant que dangereux. Adroit dans le maniement de l’épée, c’était également un fin orateur et Maïeul fut rapidement séduit, voyant en lui un maître, un modèle.
N’étant pas dupe, Eljas joua de cette attraction à son compte.
Ca faisait deux ans et demi qu’il portait son écu avec docilité … quand Eljas passa réellement à l’attaque. Ils revenaient tous les deux d’une quête tranquille et faisaient une pause sur les hauteurs, dans un pré verdoyant.
-Viens, Maïeul … approche.
Deux doigts levés dans la direction du jeune homme, il lui fit signe d’approcher alors qu’il se prélassait dans l’herbe, son cheval broutant au loin.
Maïeul était plongé dans un livre, mais à l’appel du chevalier, il obtempéra docilement. Placés comme ils étaient le jeune garçon surplombait Eljas qui était couché sur l’herbe, même lorsque Maïeul se mit à genoux à ses côtés.
Le chevalier dégagea son visage qu’il avait recouvert d’un linge et observa longuement le jeune garçon avant de prendre la parole.
-Ca te fait quel âge aujourd’hui ? Presque dix sept ans … Tu es devenu un beau jeune homme.
Sa remarque surprit beaucoup Maïeul qui acquiesce quand même d’un signe de tête, poli. Un fin sourire indescriptible commençait à fendre le visage du Chevalier dont le regard semblait devenir de plus en plus insistant, et intimidant pour l’écuyer qui finit par baisser le regard.
-... et pourtant si innocent.
Cette fois, c’est un petit rire grave qui lui échappa tandis qu’il se relevait sur un coude. Ainsi, lorsque Maïeul releva son regard timide, il se trouvait beaucoup plus proche de lui.
Depuis le début il avait vu en le Chevalier Eljas un bel homme … avec son visage fin et ses longs cheveux noirs qui contrastent merveilleusement avec ses yeux gris. Et le Chevalier l’avait bien remarqué, conscient de ses charmes. De son côté, l’homme se destinait exclusivement aux charmes masculins, et il ne mentait pas lorsqu’il disait de Maïeul qu’il était beau. Mais il avait raison, il était encore très innocent, trop pour voir ce qui s’apprêtait à lui tomber dessus …
Ce fut doux au début. Eljas se montrait attentionné, le guidant dans la découverte de son corps, du sien … Il lui apprit le plaisir, la séduction. L’ivresse. Il lui montra comment plaire, comment manier les mots aussi bien que son épée. Guidé par l’adoration qu’il lui portait, Maïeul le suivit aveuglément, très studieux, apprenant vite. Il aimait l’amener avec lui partout où il allait, l’exposer aux yeux de tous. A eux deux, ils charmaient les foules.
Bien sûr, il était hors de question que quelqu’un sache ce qu’ils partageaient dans l’intimité. Eljias a toujours veillé à ce que ses préférences restent secrètes et ça ne l’empêchait pas de charmer la gente féminine pour donner le change. Il aimait aussi voir que Maïeul se servait de ses enseignements …
Mais la douceur laissa progressivement place à une jalousie possessive, et violente. Il aimait le voir avec des femmes à son bras. Il était vraiment très doué pour les attirer et les charmer. Mais de retour chez lui, il aimait montrer à Maïeul à quel point il lui appartenait. C’est ainsi que son corps commença à se couvrir de marques. Indélébiles.
Et Maïeul aimait ça … Il aimait cette domination. Il aimait cette douleur. Et plus les marques apparaissent, et plus il s’enfonçait dans ce masochisme malsain. La folie le gagnait, grandissait de plus en plus. Elle s’était d’abord nourri des premiers sévices subis dans son jeune âge, puis elle devenait de plus en plus sombre, de plus en plus fort … Pour finalement un résultat explosif.
A ses vingt et un ans, Maïeul se fait adouber par Eljas. Et je vous laisse deviner comment ils ont fêté ça …
Car même une fois fait Chevalier, Maïeul resta fidèle à son bourreau. Il était désormais grand, de même carrure qu’Eljas. Leurs forces se valaient, rendant leurs échanges que plus violent encore. Maïeul, plein de fougue et de folie, se plaisait à provoquer son maître pour toujours plus de sensation, toujours plus de force … Jusqu’à chercher de plus en plus à avoir le dessus sur l’homme au regard gris.
Eljas pouvait sentir toute la force de son écuyer; il se rendait bien compte qu’il avait de moins en moins de maîtrise sur lui. Et, alors qu’il se retrouvait, essoufflé, bloqué sous le jeune homme, il avait pu voir cette éclair fou briller dans son regard ocre. Il en avait eu des sueurs froides.
Il sévit donc encore plus … C’est à ce moment là que Maïeul perdit un oeil. Mais ce fut la dernière fois qu’il porta la main sur lui. Le jeune chevalier, fou de rage, l’avait provoqué en duel. Un duel à l’épée … Un soir pluvieux.
Un duel à mort …
Au lever du jour, Maïeul quitta les Iles d’Uzé. Il prit le premier bateau marchand … Il avait 24 ans. Il plaquait tout, laissant tout derrière lui, se fichant totalement des conséquences de ses actes. Il n’y aurait plus que lui et sa folie.
Ainsi, il devint un chevalier sans Château, un voyageur solitaire, libre. Un inconnu à l’aura aussi séductrice que mystique. Il vivait des richesses qu’il avait emmagasiné, puis des rencontres qu’il faisait et laissait derrière lui. Il savait manipuler les esprits, les charmer, leur faire peur pour obtenir ce qu’il recherchait, un abris temporaire, une chaleur, un plat chaud… Il était habile, et n’avait aucuns remords à jouer des faiblesses d’autrui. Il voulait voir le monde, en découvrir toutes les facettes pour se trouver un nouveau but.
Lorsque la guerre de Durdinis éclata, il en resta éloigné tout en étant suffisamment proche pour en connaître les tenants et aboutissants, savoir quels intérêts il pourrait en retirer, si tant est qu’il y en ait. Mais rien n’attira trop l’attention de Maïeul qui continuait à récolter des informations sur toute l’organisation politique des environs.
Aujourd'hui, Maïeul est arrivé à la Croix des Espines avec un but bien précis. Il a entendu parler d’une Tyssia Novigrad, d’une noble barbare qui cherche à récupérer ses biens … Il aurait certainement une place à prendre dans cette aventure.