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Mala vida
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Mala vida ─ Jeu 23 Mai - 19:45
Idir Alvarez
    Idir Alvarez
    Danseur
    La fortune sourit aux audacieux, dit le proverbe. Et si elle souriait à Idir, qui, au nombre de ses rares qualités, ne manquait pas d'audace, ce sourire était bien aigre, et lui tirait des dents noires et bien gâtées. Qui eut cru que la liberté fut si mauvaise aux pauvres gens ? Ah, il en regrettait presque sa servitude, parce que c'était là vie ingrate et bien pénible, mais à tout le moins avait-il vêture sur le dos et nourriture à se mettre sous la dent, ce qui n'avait été guère le cas jusque là : l'hiver n'avait été qu'une succession d'infortunes et de naufrages et le printemps ne révélait point plus de bonté, à croire qu'il s'était mis à dos quelque puissance mauvaise pour ses vilaines manies.

    De mauvaises combines en fuites éperdues, le danseur avait échoué ses guêtres usées à Evalon, où il espérait pouvoir trouver, faute de cieux cléments, à tout le moins le moyen de se refaire assez de provende pour se nourrir un temps et réfléchir à un avenir qui n'était que nuées obscures et cieux bouchés. Elle avait bien mauvais goût, cette liberté jetée comme un os à un chien famélique !

    Pour autant, il ne se laissait pas démonter, non plus qu'il ne se décourageait : cela aurait signé son arrêt de mort, après tout, et s'il y avait bien une chose à laquelle le mellilien était attaché, c'était sa propre peau. Il ne lui restait plus guère qu'elle, de toute façon, et elle lui collait aux os comme à un miséreux. De fait, lui qui s'enorgueillissait d'un rien de superbe avait bien pris la poussière et les temps maussades ne l'avaient pas épargné. Cela ne rendait que les choses plus dures, parce que quand on fait de mensonges et de faux semblants son fond de commerce, il y a parfois des écueils insurmontables : celui d'avoir la mise d'un crève-la-faim comptait au nombre de ceux-là.

    Ce soir-là, il avait échoué dans une taverne honnête qui prospérait sur le dos des marchands de passage, des compagnies d'hommes en arme, et de toute la population qui avait un peu plus de deniers en poche que la moyenne. Terreau fertile, riche en gras ignorants et en figures benêtes de citoyens qui n'avaient que trop peu vu du pays, et en oreilles grandes ouvertes aux boniments du danseur qui pour l'heure s'ingéniait à dire la bonne fortune et à faire passer des vessies pour des lanternes.

    Il avait réussi à appâter un gibier de choix en la personne d'un boutiquier à la bedaine prospère et à l'entendement étroit, qu'il menait en bateau depuis un moment déjà. Idir feignait comme à l'accoutumée son accent d'Outre-Mer et vantait les mérites d'herbes mystérieuses qu'il avait gardées par-devers lui après sa traversée de la mer. Il fit son couplet habituel : il était natif de Tassilie, grand seigneur autrefois, poussé par les vents de l'infortune jusque dans les bras de l'empire qui lui avait fait bien mauvais accueil, et voilà qu'il sortait les violons et jouait de sa misère apparente -et bien réelle, il n'eut pu tromper personne sur ce point- pour soutirer une somme coquette à son badaud qui buvait ses paroles. Le petit paquet d'herbes qu'il tenait de lui vendre n'était en fait que les reliquats de quelque chose ramassé dans un fossé sur la route, et se révélait être, après un examen attentif, rien d'autre que des choses courantes qu'un paysan affamé aurait trouvé tout juste digne de jeter dans sa soupe en temps de soudure.

    Mais par la magie des paroles mielleuses d'Idir, ce devenait un remède mystérieux, une sagesse ancestrale venue de pays lointains, et avec un air de conspirateur, voilà qu'il baissait la voix pour confier le secret de cette chose.

    - Oh, sidi, vous m'en direz des nouvelles : voilà qui fera merveille pour vous redonner force et vigueur, disait-il avec son accent d'opérette, non que je gage qu'un gaillard comme vous en manque. Mais vous savez comme moi, eh bien, de la vigueur, on n'en a jamais assez à revendre en certaines affaires, n'est-ce pas ?

    Il lui fit son petit sourire égrillard, un petit coup de coude complice, baissant encore la voix. L'autre eut un rire fat, et Idir reprit :

    - Ne le répétez à personne, surtout, mais il se murmure dans mon pays que c'est ainsi que nos grands seigneurs font pour honorer leurs harems, car un homme aussi cultivé que vous n'ignore sans doute pas que nous aimons à avoir plusieurs femmes. Ma main à couper, messire, vous ferez fureur auprès des dames.


    Il poursuivit son boniment pendant un moment encore, tout bas, arborant sa mine de sot trop innocent, laissant tout loisir à son homme de croire qu'il était en train de duper et plumer proprement ce pauvre tassilien qui feignait tant de ne rien connaître des us et de la monnaie euratienne. Il en furent quittes pour une somme qui semblait dérisoire pour un remède si miraculeux, mais qui en vérité valait bien de s'être mouillé les chausses au petit matin dans le coin d'un fossé. Et au moins aurait-il de quoi manger et dormir au chaud, ce qui, après les saucées mémorables qui avait lessivé la capitale ces derniers jours, était un soulagement sans aucune mesure.
    Re: Mala vida ─ Sam 25 Mai - 12:30
    Arthur Reinhardt
      Arthur Reinhardt
      Mercenaire

      Reinhardt
      Arthur

      Alvarez
      Idir

      「  L'Impasse 」


      Évalon, grande capitale séculaire de l'Empire d'Eurate, centre administratif de l'empire et siège du pouvoir royal. Voilà comment était connu de tous la cité. La ville était immense, prospère et ses bâtiments charmaient les yeux des visiteurs. J'avais choisi de déposer mes bagages ici, avec mes mercenaires, bien loin de Terresang. La capitale était desservie par un fleuve et de nombreuses rivières, créant ainsi un centre commercial très important. Beaucoup de gens passaient ici chaque jour, et tout autant de clients potentiels. Diverses grandes guildes possédaient déjà leur siège ici, et cela parfois bien avant ma naissance. 

      Aujourd'hui, j'avais décidé de directement tenter ma chance dans une taverne, mais pas dans n'importe quelle taverne. Une honnête et prospère enseigne, qui vivait grâce aux marchands de passage dans la ville, un lieu bourré de potentiels clients. Pour une fois, je décidais de lâcher un peu de leste et de commander une boisson, parmi toute la gamme d'alcools, je choisis une sorte de cidre doux, idéal pour garder la tête froide. J'observais depuis le bar le reste de la salle, presque rempli d'hommes et de femmes discutant calmement sans hausser le ton. 

      D'ici, je pouvais voir quelques gros hommes bien vêtus, un ou deux hommes en armes, et un individu se détachant particulièrement du lot. L'homme en quête avait un teint plus mâte que n'importe qui d'autre ici, et ses vêtements étaient légèrement décorés différemment. Il discutait avec un petit homme à la bedaine assez proéminente, tandis que son interlocuteur semblait posséder un accent. Je peinais à entendre la discussion depuis ma position, mais j'arrivais parfois à discerner quelques mots dans un moment de calme ambiant. Je récupérais mon gobelet, bien décidé à m'approcher un peu plus du duo afin d'entendre leur conversation. J'ajustais mon sac à dos, dans lequel dormait Été en attendant qu'elle puisse sortir prendre l'air.  

      L'homme expliquait à son interlocuteur qu'il était natif de Tassilie, qu'il était autrefois un grand seigneur et qu'il avait pris la mer pour l'Empire, ou quelque chose dans ce genre. L'homme racontait une vie de malheur qui aurait ému n'importe qui. Ce bougre semblait vouloir vendre un petit sac d'herbes spéciales à son naïf acheteur, pour une somme assez dérisoire. J'étais très sceptique au sujet de cette histoire, néanmoins, au fond de moi, j'aurais été très curieux de découvrir des herbes médicinales venant d'ailleurs. L'étranger maniait le verbe avec beaucoup de délicatesse et de subtilité, un véritable travail de professionnel de la vente. J'étais assez impressionné puisqu'il était clair que cet homme était meilleur que moi. Mais finalement, les mystiques herbes n'avaient aucune vertu médicinales, seulement réputés pour aider les hommes en manque de vigueur, pathétique et décevant. Je haussais un sourcil sceptique lorsque l'étranger vanta les mérites de ses herbes, et encouragent les futures prouesses sexuelles de son client. Vu sa bedaine, je doutais sincèrement qu'il puisse satisfaire une femme, ou même qu'il survive tout court à autant d'efforts physiques. 

      Je secouais la tête en pensant à cette histoire tirée par les cheveux, et finalement je détournais le regard de cette vente tout à fait grotesque. Je finis mon gobelet que je déposais sur le bar, avant d'ouvrir mon sac pour vérifier qu’Eté était en bonne santé. Je caressais doucement le haut de son crâne couvert de plumes, puis je refais le sac que je gardais cette fois contre mon torse, afin que personne ne puisse appuyer dessus en me bousculant. J'observais néanmoins l'échange entre mes deux voisins, puis j'observais plus en détail le visage bronzé de celui qui se présentait comme un homme ruiné.

      Re: Mala vida ─ Jeu 30 Mai - 17:18
      Idir Alvarez
        Idir Alvarez
        Danseur
        L'affaire ne tarda pas à être rondement conclue, au grand plaisir d'Idir qui reçut avec une gestuelle obséquieuse les pièces sonnantes et trébuchantes que son pigeon de marchand lui cédait avec d'autant plus de bonne grâce qu'il s'était visiblement persuadée qu'il s'en tirait à fort bon compte, dans cette histoire. Ah, qu'il était doux, le son de ces piécettes qui tombaient dans ses paumes ! Elles chantaient leur content de bière et de soupe chaude, assez pour lui combler le ventre creux et réchauffer ses membres transis, parce que s'il y avait une chose sur laquelle le vagabond ne pouvait mentir, c'était la misère qui était la sienne.

        La faim lui creusait la face et allongeait encore sa mine aigue, et ses vêtements sales et décousus lui pendaient aux os comme des frusques d'épouvantail, révélant en dessous de la chemise crasseuse les flancs creux et la silhouette sèche d'un homme bien trop peu accoutumé à manger à sa faim. Son poignet bandé sous la manche qui retombait largement sur ses mains alertes cachait autant la marque qu'il portait depuis son enfance que celle, encore toute récente, qui la rendait enfin caduque mais qui n'avait cessé de suppurer et de le faire souffrir depuis son départ de Mellila.

        Puisqu'il n'avait plus à se soucier ce soir de son souper et du reste, Idir s'empressa d'aller trouver un coin plus tranquille et se fit servir une bolée de ragoût et un plein pichet de vin que, comme tous les désargentés de son espèce, il buvait largement coupé d'eau saumâtre pour le faire durer. Son regard fureteur ne manqua pas de remarquer qu'on l'épiait avec intérêt, et croisant le regard de l'homme qui avait eu l'air de prêter une attention soutenue à son manège, il se contenta d'un salut qu'il voulut poli, mais ne put tout à fait retenir sa mine circonspecte, qui dissipa quelque peu les allures d'étranger affable qu'il voulait se donner.

        Dans son coin, il tâcha de se faire oublier autant que possible, le temps au moins d'en finir avec sa pitance, sans cesser toutefois de guetter les alentours. Mû autant par habitude que parce que l'auberge était bondée à cette heure, il s'était assis en tailleur à même le dallage crasseux de l'établissement, dans un recoin un peu isolé du reste. Son poignet recommençait à le lancer de façon insistante : il avait pu faire fi de la douleur jusque là, mais elle semblait rattraper le temps perdu en se manifestant avec encore plus de vivacité.

        Finalement, délaissant un instant le contenu de son assiette qu'il engloutissait avec d'autant plus d'avidité qu'il ignorait quand se présenterait le prochain repas de la sorte, il défit discrètement le bandage et jeta un regard mauvais à la blessure, qui ne lui fit guère meilleure mine. Il regrettait que ses contes ne soient que de beaux mensonges, tiens, et que son paquet de feuilles de pissenlits défraîchis ne soient guère plus que de vulgaires herbes à soupe.

        Ah, que n'eut-il donné pour avoir à portée de main un remède pareil à ceux qu'il vendait... Il se demanda si son client du soir allait s'apercevoir de la supercherie. Au moins, cela lui nettoierait le foie de la bière qu'il ingurgitait à présent à grands flots.
        Re: Mala vida ─ Mar 4 Juin - 18:49
        Arthur Reinhardt
          Arthur Reinhardt
          Mercenaire

          Reinhardt
          Arthur

          Alvarez
          Idir

          「  L'Impasse 」



          La vente assez frauduleuse ne tarda pas à se conclure, au grand contentement des deux hommes. Le petit paquet d'herbes soi-disant aphrodisiaques fût échangé contre une bourse de pièces sonnantes. J'observais avec curiosité le visage creusé, et la mine allongée de l'homme à la peau mâte. Ses vêtements sales et décousus qui lui pendaient au corps étaient de très bons indicateurs. Je pouvais facilement deviner sous les vêtements la silhouette maigre d'un homme qui ne mangeait pas à sa faim. Ces indices me poussaient à pardonner la malhonnêteté de l'homme, puisqu'il mentait pour pouvoir manger à sa faim.

          Je me détournais du bar pour observer l'homme s'empresser d'aller dans un coin de la salle pour commander un repas. De son regard fureteur, il remarqua mon intérêt pour son précédent petit manège, et il me salua d'un air poli. Je lui rendais la politesse, sans être tout à fait satisfait, une impression me hantait. Je décidais d'attendre que l'homme ait fini son repas avant d'agir. J'avançais à travers la foule afin de me rapprocher de l'étranger, entrain de jeter un oeil à son bandage au poignet. Assit directement sur le sol, il avait délaissé son repas pour défaire son bandage. Je continuais de m'avancer d'un pas sûr vers l'homme, cette fois un peu plus motivé. S'il était blessé, j'avais certainement là une occasion d'engager la conversation.

          - "Bonjour, es-tu blessé ?"

          Avant que l'homme ne puisse agir, je remarquais une petite partie de la blessure cachée par sa main et les bandages. Je m'accroupis face à lui, et ouvrais doucement le sac que je portais contre ma poitrine. Je poussais doucement Été, ma chouette, pour atteindre un petit sachet d'herbes, un mélange spécial de ma conception. J'ouvris doucement le petit sac pour en montrer le contenu.

          - "Je suis médecin, entres autres. Voici un mélange d'herbes pour calmer l'inflammation de ta blessure, et soulager la douleur." dis-je en lui tendant le sachet.


          Re: Mala vida ─ Mer 5 Juin - 18:35
          Idir Alvarez
            Idir Alvarez
            Danseur
            Tout occupé à se morfondre sur son sort, Idir ne remarqua que du coin de l’œil l'homme qui s'approchait : il escamota son bandage sous sa manche, mais trop tard, et l'inconnu s'enquit d'icelle avec une courtoisie à laquelle répondit une grimace confuse. Il balaya tout ceci d'un revers de main indolent et offrit à l'homme son sourire le plus innocent qui lui faisait une face de ravi de crèche.

            - Oh, rien de bien grave, répondit-il avec une amabilité feinte, reprenant derechef son vrai-faux accent tassilien.

            Il sourit encore, avec la mine obtue des petites gens qui essaient de se dépêtrer poliment d'une sollicitude encombrante. Cela resta lettre morte, car déjà le bonhomme s'était accroupi face à lui et ouvrait un sac d'où émergea une tête emplumée à laquelle Idir ne put s'empêcher de jeter un regard curieux et un rien suspicieux. Ignorant avec tact les herbes qu'il lui tendait, le danseur oscilla du chef avec perplexité, faisant mine de chercher ses mots.

            - Est-ce une façon de votre pays de garder des oiseaux dans vos fontes ? Pauvre bête, elle mérite mieux que d'étouffer dans vos bagages.

            En vérité, il se fichait bien de l'oiseau et de son état : il cherchait surtout à éluder les questions et à ne pas le laisser se mêler de ses affaires. Trop d'interrogations allaient venir ensuite, et en bon menteur qu'il était, Idir savait que moins on en disait, mieux l'on se portait. Il y avait des oreilles grandes ouvertes aux alentours, et si so manège n'avait pas échappé à cet homme, d'autres que lui en avaient eu vent également. Mieux vallait se jouer de prudence et ne pas éveiller les soupçons sur ce qu'il était véritablement : pas sûr que son histoire de tassilien exilé sous la pluie euratienne tienne bien long quand on verrait sa marque d'esclave, bien trop ancienne pour coller à son récit.

            Les yeux du mellilien s'attardèrent un moment sur celui qui lui faisait face : trop propre sur lui, trop jeune et trop frais pour être honnête, à son avis, et il y avait quelque chose dans son attitude qui lui inspirait la plus franche antipathie. Les gens comme ceux-là avaient une place spéciale dans le purgatoire personnel de celui qui hier encore, était leur esclave et se pliait littéralement en quatre pour leur bon vouloir. Trop soigné, trop intact, pas assez de bonne et saine usure au travail et au grand air : il avait une délicatesse de jouvencelle, celui-là, et il se demanda même s'il ne pouvait pas à lui aussi lui soutirer quelque chose.

            Néanmoins, quand il lui fallut serrer les dents comme un diable pour ne pas trahir la gêne qu'il subissait à mouvoir son poignet marqué au fer, Idir fut bien obligé de se rendre à l'évidence. L'humidité des dernières semaines et les mois à patauger dans les bas fonds et dans la crasse avaient transformé une brûlure par ailleurs tout à fait banale en véritable supplice qui menaçait de lui ficher la gangrène jusque dans les os. La main qui avait saisi son gobelet de vin, comme pour prouver à son interlocuteur que tout allait bien, trembla un peu, se crispa, et il manqua de laisser tomber le récipient sur ses genoux. Lui qui était d'ordinaire si habile et si gracieux se sentait comme un oiseau amputé d'une aile.

            Après un moment, Idir reposa ses yeux de chat, verts et or à la lueur des lampes, sur le soldat.

            - Ce n'est peut-être pas si bénin, après tout, reprit-il en grimaçant une mine contrite. Je n'ai hélas rien à t'offrir en retour, sidi, pour ce que tu veux bien me donner. On dit que la charité est vertu en vos terre, en feras-tu preuve à mon égard ?
            Re: Mala vida ─ Ven 7 Juin - 19:33
            Arthur Reinhardt
              Arthur Reinhardt
              Mercenaire

              Reinhardt
              Arthur

              Alvarez
              Idir

              「  L'Impasse 」



              Alors que je m'approchais de l'homme assit sur le sol, celui-ci recouvrit rapidement sa blessure et cacha son bandage sous sa manche. Je le vis vaguement grimacer avant de m'offrir un visage ravi. Il répondit à ma question, avec un accent prononcé. Il souriait encore, mais d'une expression peut-être un peu gênée.

              Cependant, j'étais déjà entrain de fouiller dans mon sac pour trouver quelques herbes médicinales. Je poussais doucement Été pur attraper un petit sachet, tandis que l'oiseau observait ce qui se déroulait à l'extérieur du sac. Agenouillé devant l'homme, je tendais d'une main les herbes et de l'autre je tenais le sac. L'homme ignora toutefois mon geste pour fixer avec perplexité Été, et il semblait chercher ses mots. Je levais un sourcil perplexe à mon tour lorsqu'il prit la parole.

              - "Les oiseaux ne sont pas admis dans l'établissement. Et de toute façon, il est plus prudent pour elle de rester à l'abri dans le sac, car elle serait effrayée par les ivrognes."

              Je gardais mon mouvement en suspend tandis que l'homme saisissait son gobelet, visiblement rempli d'un mélange rougeâtre assez clair, certainement du vin coupé à l'eau. Sa main tremblait un peu et me semblait crispée. Un moment passa durant lequel Été fit quelques bruits avec son bec. L'homme face à moi reposa son regard sur moi, et il reprit la parole. Finalement, il changea d'avis et accepta les herbes avec une mine grimaçante et contrite. Je souris doucement avant de lui répondre.

              - "On peut surement s'arranger. J'ai des herbes, et toi, tu as du talent avec les mots. Je t'échange les herbes contre un peu de ton temps. Qu'en dis-tu ?"


              Re: Mala vida ─ Lun 10 Juin - 17:59
              Idir Alvarez
                Idir Alvarez
                Danseur
                Idir fixa longuement son interlocuteur avec ses longs yeux chatoyants qui ne cillaient guère plus que ceux de la chouette dont le crâne rond dépassait à présent de la besace ouverte. Tout, chez cet homme, évoquait une sinuosité coriace, usée, rompue de misère qui lui rongeait les flancs et ternissait le rien de superbe et de grâce qui lui restait encore. La gestuelle fluide, les attitudes soignées et l'élégance naturelle se distinguaient encore, par touches, si bien qu'à tout prendre, on se fiait un peu à ses contes de prince déchu, parce qu'il arrivait encore en la matière à se donner le change.

                Finalement, avec un sourire aimable, il haussa légèrement les épaules.

                - Eh bien, cela semble un marché honnête, sidi.

                Il porta le bout de sa main à son front, puis à son cœur, en signe de gratitude, comme le faisaient les melliliens, et fit l'esquisse d'une courbette en raflant le remède dans la main de l'inconnu.

                Idir n'était pas sot : il eut fait beau voir qu'il acceptât sans y regarder à deux fois les herbes mystérieuses d'un malandrin trop serviable, même dans une taverne relativement bien fréquentée comme celle-ci. Le paquet disparut dans les replis de ses vêtements, et il se promit d'aller visiter une sienne connaissance qui avait science en la matière pour s'enquérir de la nature de ceci, une fois que l'autre aurait décampé. Pas question de se mouiller de la sorte sans savoir dans quelle médecine il mettait les pieds, et son savoir en la matière était bien trop pauvre pour qu'il puisse juger de l'efficacité de ce qu'on lui donnait.

                Pour autant, le danseur n'avait pas très envie de rendre service aussi aisément : lui qui venait de monnayer à grand frais un riche pigeon savait très bien combien il pouvait être aisé d'exploiter la détresse de son prochain. Mais pour le moment, il n'avait guère le choix, sinon celui de la méfiance. Si ce qu'on lui donnait était un peu efficace, il aurait soulagé sa blessure un moment, et sinon, eh bien, cela ne ferait que s'ajouter à la longue liste de ses déconvenues. Songeant cela, il se prit à détailler mieux encore la mise et l'allure de son interlocuteur, des fois qu'il aurait à lâcher subrepticement son nom ou sa description dans l'oreille de petites frappes avides de détrousser un élégant.

                - De quoi pourrais-je te servir ? S'enquit-il très poliment, gardant par-devers lui ces pensées, et affectant encore cette mine un rien naïve.
                Re: Mala vida ─ Dim 16 Juin - 14:38
                Arthur Reinhardt
                  Arthur Reinhardt
                  Mercenaire

                  Reinhardt
                  Arthur

                  Alvarez
                  Idir

                  「  L'Impasse 」


                  L'étranger me fixa assez longuement, ce qui me mit légèrement mal à l'aise. Il me dévisageait, observait la moindre parcelle de mon visage, puis de mon corps. Été le regardait, tandis que d'une main je faisais attention à ce qu'elle ne sorte pas du sac. Finalement, il afficha un sourire aimable, haussant légèrement les épaules puis reprenant la parole. L'homme accepta le marché avec un signe de gratitude, ce qui me fis sourire.

                  - "Je me nomme Arthur Reinhardt."

                  Je continuais d'observer l'homme face à moi, qui me semblait hautement dans le besoin. Une impression me disait qu'il se méfiait toujours de moi, ce que je pouvais comprendre. Toutefois, je ne savais guère comment remédier à cela, à part en continuant d'être honnête envers lui. Alors que l'homme tendait l'oreille pour demander le service dont j'avais besoin, je remettais mes pensées en ordre pour lui répondre.

                  - "Il se trouve que j'aurais besoin d'apprendre à manier les mots aussi bien que toi. Pour mon travail, j'ai besoin d'approcher des clients, généralement des gens ayant de l'argent. Pour cela, je dois savoir les flatter, les rassurer, et leur montrer que je suis l'homme de la situation afin qu'ils m'engagent. Tu saurais faire ? Je n'ai absolument pas ce genre de compétence, et je déteste même cet aspect de mon métier."


                  Re: Mala vida ─ Dim 23 Juin - 10:58
                  Idir Alvarez
                    Idir Alvarez
                    Danseur
                    De nouveau, Idir posa ses yeux très profonds sur l'homme, face à lui. Sa figure maigre se fit attentive, recevant le nom et la confidence du service qu'il avait à demander avec la même circonspection. Il parut songeur, et réfléchit un moment, mais néanmoins, sa longue main grêle -celle qui ne le faisait pas souffrir- se déplia pour lui accorder une de ces franches poignées de mains que les melliliens aiment à s'échanger pour sceller un accord.

                    - Je m'appelle Idir,
                    répondit-il. Idir el Anwwar ibn Saleh Al Hadji.

                    Ses doigts rêches relâchèrent leur prise sur la paume du néréen, mais son regard attentif ne le quitta pas et le considéra encore un instant, avant de laisser poindre un soupçon d'amusement. Le blondinet était peut-être un rien plus malin qu'il n'en avait l'air, tout compte fait, et pour ce qui était d'embobiner son prochain, il fallait bien avouer que le danseur avait un don tout naturel pour cet art si subtil. Finalement, ils allaient peut-être pouvoir s'entendre plus que prévu, si tant était qu'Idir n'était pas en train de se faire avoir comme un bleu. Pour le moment, il n'avait d'autre choix que d'y croire, et de se fendre de quelques conseils bienvenus : peut-être pour rien, mais à tout prendre, il était dans une situation qui lui laissait bien peu le choix de faire la fine bouche.

                    - C'est que cela prend tu temps, sidi, et je ne manie pas votre langue aussi bien que la mienne, hélas. Pour autant, je crois pouvoir t'enseigner deux ou trois choses.

                    Idir lorgna le fond son gobelet et l'acheva d'une gorgée, puis le remplit de nouveau. Il avait replié ses longues jambes maigrichonnes contre lui pour se mettre plus à son aise, le dos appuyé contre le mur du recoin où il avait trouvé sa place.

                    - Pour autant, reprit-il avec un sourire complice, ce n'est pas quelque chose qui s'apprend le ventre vide et la gorge sèche : je n'ai plus guère avec moi que le nécessaire pour m'éviter de dormir à la belle étoile, car tu me vois en grande infortune, hélas. Je veux bien t'apprendre, mais ta générosité irait-elle jusqu'à nous faire porter un peu plus de vin ? C'est qu'il délie même les plus engourdies des bouches, et si tu veux faire grande merveille par tes mots, c'est une étape que je crois nécessaire.

                    Et c'était qu'il avait soif, lui aussi, et que, le Trimurti lui en soit témoin, il n'était pas venu le jour où il aurait la grandeur d'âme de laisser passer une occasion de boire ou manger à l'oeil. Le ton de sa voix avait un peu changé, à présent, et il s'était départi de cette défiance latente qui lui figeait le visage et l'attitude dans une tension rentrée : il semblait plus à son aise, ou feignait de l'être, et on lui retrouvait la même tranquillité et la même bonhomie sympathique qu'il avait eue avec son client de tantôt. On lui aurait vendu le bon dieu sans confession, à celui-là, avec sa mine efflanquée de pauvre hère rompu de misère, ses oripeaux fanés et son sourire aimable qui fendait ses traits aigus.

                    - Je te vois être un homme honnête, ce me semble, et c'est une qualité qu'on apprécie partout. Pour autant, eh, je dois te le dire, sidi, elle te desservira parfois. Il faut apprendre à être honnête, le plus vrai, le plus digne du monde, tout en arrangeant un tout petit peu les faits à ta convenance. Un bon marchand ne dit pas les défauts de ce qu'il vend, il en fait des qualités, tu vois ? Je pourrais te dire que ce cruchon est un peu vide et pas très propre, mais je pourrais aussi te le vendre comme une pièce d'artisanat dont l'usure démontre la solidité.

                    Et si Idir ne manquait visiblement pas d'habileté en paroles, il était aussi tout à fait évident qu'il ne manquait pas non plus d'esprit, derrière le dehors un peu benêt qu'il essayait de se donner. Ses yeux verts avaient un rien de malice, voire de malignité, et comme beaucoup de ses compatriotes, la probité la plus exemplaire paraissait s'assortir d'une filouterie tout à fait aiguisée.
                    Re: Mala vida ─ Mer 26 Juin - 18:22
                    Arthur Reinhardt
                      Arthur Reinhardt
                      Mercenaire

                      Reinhardt
                      Arthur

                      Alvarez
                      Idir

                      「  L'Impasse 」


                      Les yeux de l'étranger se reposèrent sur moi, d'une façon bien plus profonde. Il semblait toutefois bien plus attentif à mes paroles depuis que je m'étais présenté à lui. Je lui expliquais brièvement la raison pour laquelle j'avais besoin de ses talents, sans préciser mon véritable métier. Bien sûr, je n'avais aucunement besoin de ses talents pour des affaires illégales, loin de là. Le dénommé Idir m'offrit une poignée de main très melliliens pour sceller notre accord, me dévoilant son nom complet, ou du moins, un nom. Je n'étais pas certain de pouvoir mémoriser son nom complet, et je blêmis un instant lorsqu'il l'annonça.

                      - "Enchanté Idir. Je m'excuse d'avance, mais je ne suis pas sûr de pouvoir mémoriser ton nom au complet." dis-je d'une voix légèrement gênée.

                      Je me sentais de plus en plus mal à l'aise en voyant le mellilien me regarder de la sorte. L'instant d'après, son regard arrêta de me dévisager, pour laisser place à un léger amusement.

                      - "Il me faudra du temps et de la pratique. Comme n'importe quelle autre discipline en ce monde. On n'apprend rien facilement." dis-je d'une voix déterminée, un petit sourire sur le visage.

                      Idir s'installa de façon à être plus à l'aise contre le mur, ce qui me laissait un peu de place pour m'installer devant lui. Je déposais mon sac à côté de moi, en prenant garde qu’Été ne puisse pas s'échapper. Idir reprit la parole, un sourire presque complice sur le visage. J'avais bien constaté que l'étranger m'en demandait toujours un peu plus, cependant, cela ne me dérangeait pas. Dans le pire des cas, s'il me roulait, je savais à quoi m'en tenir pour retrouver sa trace. J'étais un mercenaire, pas un enfant de chœur, je n'aurais pas de scrupules à tuer un homme ayant trahi ma générosité. Je fis un signe à l'aubergiste avec la cruche pour qu'il nous apporte une seconde cruche de vin, à mes frais.

                      Tandis que l'aubergiste allait remplir une cruche de vin, Idir sembla se détendre légèrement. Le ton de sa voix indiquait qu'il était moins méfiant à mon égard, la tension entre nous avait également diminué. À moins qu'il ne feigne d'être plus à l'aise, difficile à dire. Doucement, je retrouvais en lui l'homme que j'avais observé au bar, en train de plumer un client. Une sorte d'attitude de gentil bonhomme vivant dans la simplicité. Presque un enfant de chœur remplit d'innocence. Il était clair qu'Idir cachait bien son jeu puisqu'il avait su voir une partie de moi, mon honnêteté. Il avait bien raison, je n'étais pas un menteur, ni même quelqu'un capable d'enjoliver les choses.

                      - "Je comprends ce que tu dis Idir, retourner un peu la situation et l’embellir." dis-je en comprenant l'idée.

                      Idir semblait clairement posséder l'habillé que j'avais vu en lui. J'étais également bien certain qu'il ne manquait pas non plus d'esprit, et qu'il cachait bien ses talents sous son air un peu simplet.


                      Re: Mala vida ─ Jeu 27 Juin - 18:08
                      Idir Alvarez
                        Idir Alvarez
                        Danseur
                        Idir chassa l'excuse d'un revers de main.

                        – Peu t'importe, sidi, ces noms n'ont plus aucune valeur en ces terres. Idir suffira.

                        La face brunie du mellilien s'éclaira d'un sourire ravi lorsque Arthur accepta, et de fort bonne grâce, de pourvoir au remplissage de leurs coupes. Sitôt que le tavernier revint avec du renfort, il prit soin de les servir tous les deux : quoique rendue un rien plus malaisée par sa blessure, la gestuelle du danseur avait cette souplesse qui trahissait une habileté remarquable. Cela collait bien à ce qu'il semblait être, après tout, car on y trouvait la même élégance gracieuse que dans le reste de sa personne, de sa manière de se tenir jusqu'au moindre de ses gestes. Pourtant, cela voisinait avec la misère la plus noire, et ce corps coriace, la peau tendue sur ses os secs comme des ronces privées d'eau.

                        Il éleva son gobelet à l'adresse de son patron du soir et savoura d'autant plus sa première gorgée que celle-ci lui était offerte.

                        –L'embellir, oui, suffisamment pour attirer l'attention de ton homme. Il en va du verbe comme de la pêche : il faut tendre les appâts, point trop gros, sinon on s'en défie et on n'y mord pas, et point trop menus pour ce qu'ils doivent tout de même ouvrir l'appétit.

                        D'un œil, tout en gobant quelques bouchées de pain, il détailla de nouveau Arthur. Des appâts, lui n'en manquait certainement pas, et sans doute faisait-il tourner quelques cœurs ça et là. Il était bien dommage qu'une si belle figure manquât à ce point de talent pour le verbe : l'un et l'autre agissant de concert étaient de nature à ouvrir bien des portes, et Idir en savait quelque chose.

                        –Je ne te vois néanmoins pas en si grande infortune qu'il te faille aller chercher les conseils d'un exilé miséreux, reprit-il. Dis moi, quelle est tienne profession qui nécessite tant d'habileté à la palabre ? Je te devine sans peine être un homme de guerre, ne serais-tu point un de ces mercenaires qui se vendent, eux et leur bras, pour servir aux plus nobles ?

                        Point besoin d'être grand génie pour deviner cela : quoiqu'il fut bien vêtu et beaucoup trop propre sur lui pour être tout à fait honnête, Arthur n'avait rien d'un aristocrate ni d'un bourgeois. Sans doute connaissait-il quelques revers de fortune, et ces gens-là, comme beaucoup, vivaient toujours un peu sur la brèche, à courir après les subsides et les emplois.
                        Re: Mala vida ─ Jeu 11 Juil - 17:41
                        Arthur Reinhardt
                          Arthur Reinhardt
                          Mercenaire

                          Reinhardt
                          Arthur

                          Alvarez
                          Idir

                          「  L'Impasse 」


                          Je hochais la tête à la réponse d'Idir concernant ces noms de famille, j'étais rassuré de savoir qu'il ne serait pas vexé en cas d'oubli. J'acceptais d'offrir une nouvelle cruche de vin à Idir afin de sceller notre bonne entente. Le tavernier ramena une coupe pour moi, et il prit soin de remplir nos coupes de vin. Je goûtais le nectar d'une petite gorgée car j'étais assez peu friand de vin.

                          Malgré sa blessure, le danseur semblait posséder une certaine agilité et une élégance gracieuse visible dans ses mouvements et ses gestes. J'observais avec curiosité l'homme à côté de moi, essayant d'imaginer son allure avec quelques bons kilos supplémentaires. Certainement un bel homme, dommage que la misère lui colle aux os. La discussion reprit après que nous eûmes savouré un peu notre vin, enfin, surtout lui.

                          - "Je comprends, ce que tu dis a du sens." dis-je en comprenant.

                          Idir reprit la parole, soulevant cette fois quelques interrogations à mon encontre. Je n'étais pas réticent à lui avouer ma profession même s'il était difficile de croire que je pouvais être un chef mercenaire vendant ses services aux plus riches. Pourtant, Idir avait remarqué que j'étais un homme de guerre, sans doute grâce à mon épée et mes mains un peu calleuses. Je lui souris doucement lorsqu'il sembla comprendre de lui même.

                          - "C'est cela. Je suis mercenaire, j'ai fondé il y a quelques temps une compagnie dans cette ville. En tant que chef, la tâche de trouver des clients me revient. Je n'aime pas mener la discussion avec les clients, et j'ai beaucoup d'autres tâches. Je dois m'entraîner avec mes hommes, les soigner et gérer l'administration." dis-je d'une voix légèrement lasse.

                          Je devais régulièrement convaincre les nobles et les fortunés d'engager nos services. Ce qui était souvent long, fastidieux et ennuyant. Je détestais cet aspect de mon métier, mais j'étais bien obligé de sacrifier de mon temps pour le faire. Temps, que j'aurais préféré investir dans mes entraînements et dans l'amélioration de mes compétences médicales.

                          Re: Mala vida ─ Mer 24 Juil - 18:06
                          Idir Alvarez
                            Idir Alvarez
                            Danseur
                            Idir eut une de ces mines éloquentes lorsque Arthur acquiesca à ses paroles, avec cette arrogance de va-nu-pieds qui lui était si familière. Bien sûr que cela faisait sens, tiens. Il pouvait être le plus fieffé menteur de la création, quand il se décidait à dire vrai, il n'y allait pas de main morte, et si quelqu'un était doué dans ces joutes là, c'était bien lui.

                            L'air curieux, il adopta très naturellement une de ces poses biscornues qui semblaient lui être si confortables mais le faisaient ressembler à quelque insecte aux membres noueux, sirotant son vin tout en grapillant de sa main valide les morceaux de pain et de ragoût dans son assiette. Le regard était attentif, encore une fois, et les oreilles buvaient les paroles avec d'autant plus d'attention que le filou qu'il était ne perdait jamais une occasion de trouver peut-être quelque chose à tirer de tout ceci.

                            - Je vois, répondit-il, pensif. C'est que l'ouvrage doit manquer en temps de paix, mais je gage qu'un homme intelligent et plein de ressources doit trouver aisément à se faire employer. Après tout les grandes gens de ce monde ont toujours besoin de gens pour se salir les mains à leur place, pas vrai ?

                            Idir lui fit un clin d’œil et goba sa bouchée avant de reprendre.

                            - Tu as l'air d'avoir du pain sur la planche, il est vrai. N'y a-t-il personne dans ta compagnie qui puisse faire office de porte parole ? Quelqu'un qui sache parler à ta place, pour te laisser le loisir de te préoccuper de tes affaires les plus urgentes ?


                            De nouveau le danseur le fixa d'un regard curieux, mâchonnant son repas, avant de recracher un morceau trop dur, sans plus de manières. Il ne songeait à rien de particulier, en disant cela : l'idée de se faire engager lui-même lui déplaisait un peu, parce qu'il avait assez soupé de la vie en communauté et qu'il n'aimait pas trop la perspective de se retrouver à servir quelqu'un d'autre. On ne se défait pas des habitudes d'une vie d'esclave aussi facilement, il fallait bien l'avouer. D'un autre côté, ce serait une perspective un rien plus réjouissante que l'infortune qui était la sienne à présent, parce qu'il aurait peut-être plus à manger et de meilleurs lieux où dormir.

                            De surcroît, son homme semblait une bonne pâte, bien trop honnête pour son propre bien : il ne doutait pas un instant qu'il n'aurait aucun mal à l'embobiner en cas de problème, et le cas échéant, Idir se savait bien assez doué pour fuir.

                            Oui, peut-être bien que c'était une solution, après tout. Restait le problème encombrant de son mensonge, dont il faudrait bien se défaire tôt ou tard. On peut affabuler à loisir, mais Idir savait très bien que plus cela durait, plus le danger grandissait : il pouvait se donner le change aisément, mais à la longue, il y avait trop de choses qui pouvaient le trahir, à commencer par le nombre de gens qui, ici et là, connaissaient son visage. Il attendit, cependant, préférant laisser à son interlocuteur le loisir d'en venir lui même à une conclusion identique à la sienne. C'était toujours bon pour l'ego des autres, de leur faire croire qu'ils avaient eu seuls les idées qu'Idir pouvait leur insuffler.
                            Re: Mala vida ─ Mer 31 Juil - 9:10
                            Arthur Reinhardt
                              Arthur Reinhardt
                              Mercenaire

                              Reinhardt
                              Arthur

                              Alvarez
                              Idir

                              「  L'Impasse 」



                              La discussion tournait plutôt bien, Idir me donnait même quelques petits conseils qui n'avaient l'air de rien, mais qui étaient plutôt véridiques. Il sirotait son vin tout en grappillant de son autre main quelques morceaux de pain et de ragoût dans son assiette. J'expliquais à Idir la véritable nature de mon travail de mercenaire et les responsabilités qui sont les miennes. Il écoutait de façon attentive avant de me répondre.

                              - "Les mercenaires ne sont pas seulement une force d'attaque, ils sont aussi qualifiés pour protéger. En temps de paix, je mise surtout sur la protection des riches. Ils ont toujours peur d'êtres attaqués." dis-je simplement avant de boire une gorgée de vin. - "Non je n'ai personne de confiance." dis-je.

                              Idir me regardait d'un air un peu curieux en mâchonnant son repas, et d'un coup, il recracha un morceau sans trop de manières. Je le regardais un peu surpris mais sans m'en formalisé davantage. Je réfléchissais à nos situations respectives, et aux dernières paroles d'Idir. Pas besoin d'être une lumière pour faire deux plus deux. J'avais besoin d'un beau parleur, et j'avais actuellement sous la main un beau parleur au chômage et ayant bien besoin d'un travail. Il était presque évident qu'il m'avait tendu une perche pour me faire réfléchir de cette exacte façon, ce qui prouvait ses compétences.

                              - "Tu ne serais pas tenté de prendre ce rôle pour moi ? Tu as besoin d'un job, et j'ai besoin de me dégager du temps. Si tu acceptes, je te donnerai une commission sur chaque contrat que tu négocieras et un petit salaire par semaine." proposais-je simplement en le regardant dans les yeux.

                              Re: Mala vida ─ Mer 31 Juil - 17:19
                              Idir Alvarez
                                Idir Alvarez
                                Danseur
                                Comme cela avait été le cas à plusieurs reprises au cours de la conversation, Arthur répondait aux ironies à peine perceptibles du danseur par une sorte de sérieux très raide qui l'amusait un peu, mais laissait surtout présager une certaine étroitesse d'esprit qui devait bien le desservir, quand il s'agissait de jouter à fleurets mouchetés pour négocier une affaire. Le mellilien le regarda se justifier avec le plus grand aplomb en esquissant une sorte de sourire amusé et désolé à la fois, puis secoua légèrement la tête.

                                - Ah, sidi, j'ai bien long à t'apprendre sur cette partie, je le vois bien.

                                Quand le mercenaire en vint à la conclusion voulue, la figure brune du danseur se fendit d'un sourire en coin qui creusa encore plus ses traits maigres. Etrangement, il resta silencieux, un moment. Ses yeux verts et bruns, d'une teinte incertaine à la lueur des lampes, balayèrent la salle derrière l'épaule de l'homme, détaillant les visages, les figures, les gens assemblés qui mangeaient, buvaient et conversaient à qui mieux mieux. Pas de trace de son pigeon du soir, ce qui était en soi un soulagement ; autant d'ennuis évités pour cette fois. Il réfléchit encore, retourna dans sa tête cette idée qui leur était venue. Que la fortune, elle qui avait d'ordinaire la trogne si jaune, lui sourit si aimablement ce jour lui était étrange. Il se demanda dans quoi il allait se fourrer, à présent, comme si de tomber de misère en servitude, le destin n'aurait bientôt plus que ses os à ronger.

                                Finalement, il revint à son homme. Sa figure honnête, proprette et à peine usée sous ses boucles blondes, presque de ce blanc de sel qu'on voyait aux fronts des néréens, et sa vêture bien mise de gentilhomme d'armes qui portait haut le fer et la broigne des gens de routes. A tout prendre, n'était-ce point plus enviable ? Comme s'il avait encore le choix.

                                - Tu es bien hardi, reprit Idir sans se départir de ce ton léger. Tu ne sais rien de moi, sinon que je parle, et que je parle fort bien. Veux-tu d'un miséreux dans ta troupe ? Tel que tu me vois, je n'ai rien de plus que ma peau, mes os, et ce qui les couvre. Que feras-tu si tu découvres des vilennies dans mon passé ?

                                Il parlait comme si cela était sans conséquences, sans vraiment y prêter grande attention : l'indolence du ton se faufilait avec un grand naturel, mais là encore, toujours, les yeux fixés sur le mercenaire ne cillaient presque plus, pénétrants et vifs comme des couteaux pour extirper le vrai, lui qui disait si souvent le faux. Dessous l'armure, Idir allait, toujours caché, à un pas de la vérité pour ce qu'elle était bien trop sordide, bien trop nuisible, et qu'il y avait là trop de choses qu'il ne voulait faire connaître à quiconque.

                                La façade était belle encore, pourtant : sourire encore, la mine fière et l'allure élancée de ces gens de l'art qui se forgent à tant de grâces qu'ils en deviennent semblables à des cygnes ou des oiseaux, mais qui vont le coeur pourri de misère et le ventre si vide que cela leur avait englouti l'âme et le reste. Qu'il y croie, à ces beaux mensonges, à la mine affable du tassilien exilé, à ses paroles douces et à cette gaieté étrange qui semblait l'habiter : qu'il y croie et s'y confonde, pour ce qu'Idir avait bien assez de masques pour se donner le change à l'infini.

                                - Et puis, reprit-il en vidant son verre, moi, je ne sais rien de toi. Tu m'offre du travail et tu fus généreux envers moi : pour autant qui me dit que ce n'est là pas qu'un appât pour me faire prendre ?

                                Il oscilla du chef, comme un chat qui hésite.

                                - Moi, je veux bien te suivre, parce que je suis sans le sou et que mes flancs sont las de battre famine sous mes hardes. Je te serais de bon usage, j'ai déjà parlé pour d'autres et je sais jouer du verbe de la sorte. Mais j'ai encore assez de jugeotte pour ne point suivre le premier à faire des promesses, tu sais.

                                C'était idiot, mais disant cela, Idir sentit poindre un plaisir certain. Alors, c'était donc ça de pouvoir décider lui-même de son destin ? De pouvoir poser ses propres conditions, sans qu'on les lui impose ? Diantre, qu'elle pouvait être amère, la liberté, que ce pouvait être une horreur de survivre par ses propres moyens, mais au final, pour rien au monde il n'aurait échangé tout cela. Pour ces miettes-là, ces instants où il pouvait se décider lui-même, cela valait touts les misères de ces derniers mois.
                                Re: Mala vida ─
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