Re: [EVENT]Assemblée des ducs (été 1250) [réservé aux ducs] ─ Sam 6 Juil - 12:54
Magdalena de TejadaDuchesse
Avec surprise, Magdalena entendit Théodore s'exprimer le premier : elle n'avait pas escompté cela, mais le duc semblait de la même trempe que son père et parla avec clarté, par de belles paroles qui pouvaient paraître un peu creuses. Après tout, il était encore si jeune, tout juste placé à la tête de son fief, et c'était bien là les mots auxquels on pouvait s'attendre de sa part. Toutefois, il eut la sagesse — et l'honnêteté — de reconnaître que la loyauté était certes une belle chose, mais qu'il fallait bien plus que cela pour prétendre à la dignité suprême : la fin de son discours était un peu plus surprenante, et fit naître un fin sourire sur le visage de la duchesse qui dévisageait son vis-à-vis avec une attention soutenue.
Voilà qui était bien amené, il fallait le reconnaître : son retrait des affaires politique était un gage de neutralité, mais on ne pouvait toutefois se faire trop d'illusions à ce sujet. Théodore était le fils d'Alastor, et l'attitude de Courage à son égard montrait bien que l'alliance étroite qui unissait leurs personnes se voyait tacitement renouvelée par cette seule filiation. Le duc de Néra lui-même ne tarda pas à le confirmer en exprimant son soutien de vive voix, et contrairement à toute attente, se garda bien de se présenter lui-même avant de se ranger derrière la candidature du volgéen. Voilà qui venait bouleverser les prévisions : tout le monde, du moins à Mellila, avait été certain que l'ambitieux néréen ne manquerait pas cette occasion là de raffermir son pouvoir. Peut-être ne s'agissait-il que d'une manœuvre de façade, et peut-être nourrissait-il d'autres projets : difficile d'en juger pour le moment, mais la chose ne manquait pas d'intérêt. De surcroît, Magdalena s'en sentait un rien soulagée. Les relations avaient beau s'être apaisée depuis le fâcheux incident impliquant Cristobal, elles étaient loin d'être revenues à une confortable cordialité et se trouver en porte à faux vis-à-vis du nouvel empereur n'aurait sans doute rien arrangé de ses propres affaires.
Le silence qui suivit demeura fort bref : Ferenc prit la parole, croisant le regard de Magdalena qui s'était posé sur lui avec son acuité coutumière, et une imperturbable sérénité. Rien d'étonnant, là, et à mesure qu'il déployait son projet, une sorte de sourire flotta sur ses traits, un rien songeur. C'était un soldat, qui parlait : concis, efficace, avec à cœur la défense de l'empire et l'affirmation très claire de leurs positions face à leurs voisins qui, il fallait bien le reconnaître, s'étaient fait trop entreprenants, ces dernières années. Contre le discours trop vide de Théodore, Ferenc s'affirmait en homme d'action et proposait une solution bien concrète qui était le fruit des délibérations avec ses propres vassaux : par-devers tout le désamour qu'elle portait à ses voisins du nord, Magdalena ne pouvait nier qu'il voyait fort juste. Les côtes de son duché étaient bien trop exposées aux attaques, et quoiqu'elle gardât toujours l'espoir de renouer des relations diplomatiques avec les sultanats du sud, on ne gouvernait pas avec de simples espérances.
Pour autant, il fallait bien faire justice à Théodore, et elle ne pouvait trancher si aisément entre eux. Laissant filer un moment de silence pensif, consciente du poids qu'auraient ses paroles, Magdalena se redressa en croisant devant elle ses longues mains brunes. Elle les contempla un à un, et esquissa un léger signe de tête.
–Je crois que nous sommes tous d'accord sur un point : l'unité est cruciale pour l'avenir de l'empire, et celui qui ceindra la couronne se devra de la garantir pour faire face à nos ennemis. Ser Ferenc a souligné avec justesse les points faibles de notre défense, et je me range à cet avis, quoique je le trouve d'une ambition peut-être encore hors de notre portée. Néanmoins, puisque le soutien de Néra vous est acquis, Ser Théodore, il me revient en partie de trancher entre vous. Ser Ferenc fait honneur à sa carrière militaire en s'exprimant comme il l'a fait : auriez-vous un projet semblable ? Je ne puis encore me prononcer sur le fait de simples mots, aussi honorables fussent-ils. Il est sans doute fort tôt pour cela, mais si je dois appuyer votre candidature, il me faut entendre de plus concrètes choses sur ce qu'il adviendra de l'empire entre vos mains.
De nouveau, son regard balaya l'assemblée. Elle parlait avec son calme coutumier, avec précautions et prudence, mais on percevait toujours chez elle une sorte de sévérité un peu froide qui lui était bien nécessaire, puisque s'abstenant de concourir au milieu d'eux, elle se trouvait forcée d'y faire un choix.
Et s'il y avait bien une chose qui était évidente chez la duchesse de Mellila, c'était bien qu'elle ne prenait aucune décision à la légère, quitte à accorder un temps considérable aux réflexions préalables. La prise de parti de Courage était hâtive, pour elle, mais bien compréhensible : elle ne pouvait néanmoins en faire de même, puisque n'étant tenue par aucune alliance, et bien plus isolée que ne l'étaient les autres. Ferenc n'était probablement pas plus apprécié qu'elle, mais il avait à son contraire l'atout de poids d'être un des défenseurs d'Eurate, sous le feu constant des ennemis qui pressaient aux frontières du nord : il en jouerait encore, à n'en pas douter, mais elle devait lui accorder bien plus de crédit qu'au jeune Théodore, sachant combien même les plus belliqueux pouvaient être des atouts cruciaux dans les temps de troubles.
–Vous êtes un guerrier dans l'âme et par la force des choses, ser Ferenc, reprit-elle en s'adressant directement à lui, cette fois. C'est une chose précieuse, car nous savons fort bien quel est le prix de la paix qui est la nôtre, et quel tribut les duchés de Volg et de la Croix des Épines paient pour garantir nos frontières. Vous parlez fort justement de la nécessité d'avoir des yeux et des oreilles partout où la menace rôde, mais qu'en ferez-vous ensuite ? Serez-vous un empereur guerrier qui mènera la conquête, ou bien n'avez-vous projet que de maintenir ce qui est déjà nôtre ?
Une fois de plus, elle les regarda, un à un, et éleva un rien la voix :
–Et qu'en sera-t-il, messeigneurs, de Durdinis ?
Magdalena avait bien conscience que ses questions seraient peut-être mal accueillies par l'orgueil de l'assemblée. Pourtant, c'était avec sa précision habituelle qu'elle avait parlé, rassemblant une à une les informations et les faits, rien que les faits dans toute leur froideur élémentaire, qui lui étaient nécessaires. La nature des réflexions qui en découlaient demeurait difficilement discernable, mais on percevait sans peine l'esprit en marche qui faisait tourner ses rouages et décortiquait méticuleusement la situation. Les plus habiles, ou ceux qui étaient familiers d'elle, pouvaient peut-être présager de ce qui aboutirait, mais pour autant qu'elle le sache, aucun de ceux qui étaient présents ne pouvait y prétendre.