[Cotereaux] Bifrons
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[Cotereaux] Bifrons ─ Ven 26 Juil - 9:06
Tódor Ujváry
    Tódor Ujváry
    Vagabond
    Comme le dieu Tamas, la cité impériale arborait deux faces aussi opposées l’une à l’autre qu’elles en étaient complémentaires, et indissociables. La capitale était à la fois un lieu de haute culture, de grands jardins, de monuments extravagants et extraordinaires venus d’une époque jadis prospère. La ville foisonnait des plus brillants esprits, des plus riches fortunes, et des plus grands nobles de l’Empire. Cependant, dans les bas-fonds d’Evalon la Grande, un tout autre monde évoluait : celui des journaliers, des dockers, des truands aux mains rouges, et autres âmes perdues dont la place dans les rouages de la ville était pourtant primordiale. Chacun était à sa place, chacun faisait ce qu’il devait faire. Une société à deux faces, mais faite d’une seule et même pièce.


    Fut un temps où Tódor aurait pu se réclamer du monde d’en-haut, de ces chevaliers aux nobles desseins plein de droiture et d’honneur. A présent, il foulait les rues mal famées de quartiers moins respectables, simple journalier toujours levé aux aurores pour être le premier sur les lieux de son nouveau travail, afin de ne pas se faire prendre sa place. Il passait des journées à décharger des caisses sur les docks et le soir à surveiller un gouge plus ou moins honnête et fréquentable. Chaque nuit, usé, il revenait en sa chambre et dormait comme une pierre quelques heures, avant d’être rappelé par les premiers rais du soleil. Il avait peu de temps pour s’occuper de Mirella, son enfant. Néanmoins, dans l’auberge qu’il fréquentait, il payait également une jeune femme pour prendre soin d’elle en son absence. D’où les heures intenables qu’il se devait d’effectuer, afin de vivre. Ou plutôt, de survivre.


    Et c’est lors d’une de ces interminables soirées à observer des hommes boire et se lamenter sur leur vie injuste que Tódor rencontra une personne qui allait peut-être changer sa vie. La taverne attirait pas mal de monde ces temps-ci, mais ce soir, il y avait énormément de gens. Venus des quatre coins de la ville, il y avait des travailleurs, des voyageurs, voire des mercenaires. Tout un bouillon de populace assez hétéroclite. Tódor, lui, avait une lame à son côté, la sienne. Il était sans doute étrange de voir un homme de supposée basse extrace se munir d’un tel ouvrage, si bien que certains pensaient qu’il s’agissait là plus d’un larcin que d’un véritable héritage. Ces médisantes personnes, cependant, se faisaient fort de se la fermer. Après tout, c’était lui qui possédait l’épée, non l’inverse.


    Et parmi ce fouillis d’hommes et de femmes, certains à l’haleine avinée, d’autres aux mains lestes, était assis la personne qui allait permettre à Tódor d’espérer autre chose. De se relever de la fange dans laquelle il s’était enfoncé...
    Pour l'heure néanmoins, aucun des deux n'avait conscience de leur présence respective. L'un regardait les tables, tandis que l'autre en occupait une. Cependant, l'homme assis à cette tablée n'était pas le seul : d'autres la partageaient avec lui, dans une partie de cartes endiablée. Un vieux jeu originaire d'Evalon : le Jeu de l'Empereur. Pour gagner, une part de hasard, mais aussi une part de stratégie. Malheureusement pour les fanfarons attablés autour de notre homme, ce dernier était en forme, et en veine. Il plumait sans pitié ses adversaires, qui commençaient à se transformer en gens de mauvaise foi.

    Le plus grand des trois pendards frappa de son poing sur la table et lança :


    - Non mais attendez, c’est impossible ! J’avais le Maréchal et le Chancelier, et voilà que l’autre chançard nous sort un Empereur de nulle part !


    Un autre cracha par terre un glaviot de la taille d’une noix, et rétorqua :


    - Moot, fais gaffe. J’crois pas qu’il soit très honnête ce type. Il nous retourne depuis une heure…


    Il se tourna vers l’intéressé, se penchant un peu en avant.


    - Pas que j’t’accuse de quoi que ce soit, le drôle… Mais comment ça s’fait que tu parviennes à systématiquement nous mettre la pâtée ?


    L’atmosphère était lourde au sein de la taverne. Mais à cette table, plus que lourde, elle était surtout fétide.
    Re: [Cotereaux] Bifrons ─ Ven 26 Juil - 17:33
    Arthur Reinhardt
      Arthur Reinhardt
      Mercenaire

      Reinhardt
      Arthur

      NOM
      Prénom

      [Cotereaux] Bifrons


      Me voilà dans l'une des tavernes des tréfonds de la capitale, un endroit idéal pour croiser toutes sortes de gens aux compétences diverses et variées. Un endroit parfait pour essayer d'apercevoir quelques bonnes têtes de futurs mercenaires, qui n'attendent que d'être recruté par les soins.

      Mais le recrutement, ce n'est pas pour maintenant. Afin de bien faire connaissance avec les habitués et les touristes, il me faut tout d'abord assez d'argent pour payer les consommations. La taverne est pleine de monde, et surtout, un peu de tout. Je navigue à travers la foule, épée à la hanche et chouette sur l'épaule. Été se fait petite sur mon épaule, elle n'apprécie pas vraiment être entourée d'autant de gens. J'aperçois un groupe d'hommes entrain de jouer aux cartes, avec des mises sur la table. Une belle occasion pour se faire de l'argent. Je ne dirais pas que je suis bon aux cartes, mais je suis chanceux. Le jeu de cartes originaire de la ville n'a rien de compliqué dans son mélange de chance et de stratégie.

      Je reste une petite heure autour de la table, empochant partie après partie tous les gains. Pendant ce temps Été semblé s'ennuyer sur mon épaule, alors elle observe les gens autour de nous. Alors que j'empochais mes nouveaux gains, au nez et à la barbe de mes trois adversaires, l'un d'eux frappe durement sur la table avec son poing. Sous la surprise, Été hulule un peu et secoue ses ailes. Les trois hommes semblent las de perdre leur argent, et commencent à sous-entendre que je triche. Moi tricher ? Je suis certainement la personne la plus honnête ici.

      L'un d'eux se tourne vers moi, se penchant un peu en avant. J'observe tour à tour les trois hommes avant de répondre d'un ton calme.

      - "Je suis un homme chanceux, voilà tout. Vous pouvez fouiller mes manches, vous ne trouverez aucune tricherie." dis-je.

      L'atmosphère est clairement plus lourde dans la taverne, mais particulièrement à cette table. Je reste sur mes gardes, prêt à sortir mon épée en cas de menace de la part des 3 hommes. Après tout, j'ai un honneur à défendre, hors de question d'être inquiété par 3 inconnus. J'ai une allure sympathique, voire bonne poire, ce qui fait souvent de moi la cible des criminels dans leur genre. Mais il est clair qu'ils n'ont pas vu mon visage sérieux.

      Re: [Cotereaux] Bifrons ─ Mar 30 Juil - 7:25
      Tódor Ujváry
        Tódor Ujváry
        Vagabond
        La réponse du mercenaire, si elle avait le mérite d’être claire, ne semblait pas satisfaire la gueusaille attablée, sans doute avide de bien plus qu’un peu d’argent perdu. Le dénommé Moot, grand type aux épaules larges, un docker assez connu de la rive droite, leva son doigt qu’il secoua de gauche à droite en grondant dans sa barbe. Apparemment, la réponse ne le satisfaisait pas le moins du monde.

        - T’as d’la chance tu dis ? Moi j’crois plutôt que t’es un genre de sorcier !

        Là, ce fut au tour des autres hommes à la table de regarder Moot avec suspicion. Mais la grande armoire s’expliqua en pointant du doigt l’oiseau à l’épaule du joueur incriminé :

        - Regardez, il se balade avec une chouette ! Si c’est pas un animal de magicien, j’me coupe les doigts !

        Il était de notoriété publique que les petites gens des villes et surtout des campagnes croyaient encore en d’anciens mythes à dormir debout, et craignaient plus que tout le surnaturel et l’ésotérique. Malheureusement pour le mercenaire, ces gens du commun foisonnaient partout en Eurate, et offraient une vision grotesque de ce à quoi pouvait ressembler la justice populaire.

        Le second gredin acquiesça vivement du chef et s’empressa d’ajouter :

        - Crésattva ! Mon cousin s’est fait ensorceler par un de ces types avec un oiseau sur l’épaule, parole ! Il a été malade pendant des semaines !

        Le troisième, confiant, rajouta d’un ton sarcastique:

        - Et si vous r’gardez bien, ses cheveux sont de la même couleur que son animal. Moi j’vous le dis, c’est un signe !

        Les trois hommes étaient sur le qui-vive. L’un d’eux avait d’ailleurs déjà sorti discrètement un surin, le cachant sous la table, prêt à bondir au moindre faux pas. Tout semblait se tendre comme un muscle sous l’effort, quand soudain, une quatrième voix détourna l’attention des malfrats. Une voix grave, au léger accent posvanéen.

        - Un signe de quoi ?

        Ils tournèrent légèrement le visage vers celui qu’ils connaissaient alors sous le nom de Mika. Ils lâchèrent un soupir de frustration. Il n’était pas très aimé par ici, mais personne n’osait franchement l’embêter. Moot répondit quand même :

        - Un signe qui concerne pas les gens du marais.

        Mika posa la main sur le pommeau de l’épée pendant à son côté, et fit un quart de tour de la table avant de répondre.

        - Et les gens qui peuvent te mettre dehors, Moot ? Je te signale que ce n’est pas la première fois que tu causes des remous ici. Bors t’accepte encore par amitié pour ta sœur, mais je ne suis pas Bors, rappelle-toi.

        Moot lui lança un regard furieux. Puis il pointa l’homme à la chouette :

        - Ce type est un sorcier ! Il a triché avec ses dons de voyant pour nous plumer aux cartes !

        Mika roula des yeux, qu’il posa sur le jeune homme. Il devait avoir tout au plus atteint son quart de siècle, et si la chouette à son épaule était une ostentation des plus extravagantes, l’épée à son côté ne ressemblait pas du tout à une baguette magique. Il adressa à l’intention de celui-ci, sur un ton léger :

        - Il semblerait que chaque personne à jouer avec Moot et ses gars se transforme en voleur ou en jeteur de sorts. Pratique, n’est-ce pas ?

        Les esprits échauffés commençaient carrément à bouillonner. Mais aucun des trois hommes ne voulait se lever, ni piper mot. Moot était devenu presque pivoine, et les deux autres se lançaient des regards emplis de fiel.
        Re: [Cotereaux] Bifrons ─ Mar 30 Juil - 13:18
        Arthur Reinhardt
          Arthur Reinhardt
          Mercenaire

          Reinhardt
          Arthur

          NOM
          Prénom

          [Cotereaux] Bifrons


          Ma réponse ne semble clairement pas satisfaire mes trois partenaires de cartes, sans aucun doute avides de mes gains. L'un d'eux, dénommé Moot je crois, un type aux larges épaules, lève son doigt qu'il secoue ensuite de gauche à droite en grondant. Apparemment, il ne semble guère satisfait de ma proposition de fouiller mes manches. L'homme m'accuse alors d'être un sorcier. Les autres hommes d'autres suspicieux envers lui, commencèrent à trouver des explications, comme la présence d’Été, ma chouette, sur mon épaule.  

          La situation commence légèrement à m'échapper puisque les croyances surnaturelles du bas-peuple peuvent s'avérer dangereuses. Je suis debout devant eux, une main sur la garde de mon épée, prêt à me défendre. Un second gredin acquiesce avant de s'empresser d'ajouter un terme que je ne comprends pas. Il raconte devant tout le monde une histoire saugrenue à propos d'un cousin s'étant fait ensorceler par un type avec un oiseau sur l'épaule, et étant tombé malade pendant plusieurs semaines. Un troisième en rajoute une couche, voyant-là un signe entre le plumage de ma chouette et la couleur de mes cheveux.

          La situation se tend énormément, et je reste sur les gardes car les hommes comme eux n'ont guère d'épée pour se battre mais des poings et des petites lames. Une voix grave et masculine intervient pour obtenir notre attention, l'homme avait un léger accent. Je ne reconnais pas l'homme qui se dresse à l'encontre des malfrats, mais ceux-ci lâchent un soupir de frustration. L'homme posa la main sur le pommeau de son épée à sa hanche,  il bouge autour de la table menaçant le grand Moot. Pour le moment, je laisse la situation entre les mains de l'inconnu puisqu'il semble connaître les malfrats.

          J'observe l'homme qui m'observe également, puis il prit la parole d'un ton léger à mon intention.

          - "Pratique en effet, je crains qu'il ne veuille pas lâcher l'affaire avant d'avoir prit une correction. Qu'en pensez-vous ?" dis-je tout bas.

          Je ne connais absolument pas l'homme, mais celui-ci me paraît déjà fort sympathique. Nos esprits sont échauffés, prêts à se battre en plein milieu de la taverne à côté d'autres gens. Toutefois, aucun des trois hommes ne semble vouloir se lever, ni piper mot. Néanmoins, le dénommé Moot est rouge pivoine, et les deux autres lancent des regards emplis de fiel. Je soupire doucement face à cette situation tout à fait imprévue. Même ma chouette semble ressentir la tension puisqu'elle observe les hommes avec intérêt.


          Re: [Cotereaux] Bifrons ─ Ven 13 Sep - 6:52
          Tódor Ujváry
            Tódor Ujváry
            Vagabond
            Mika, qui toisait toujours le curieux hobereau à la crinière blanche, lui répondit platement :

            - On m’emploie ici justement pour éviter que les clients se donnent des corrections.

            Le Posvan n’en avait peut-être pas vraiment la dégaine avec ses habits qui n’étaient plus de la première fraîcheur, mais l’épée pendant à son côté n’était pas là de manière anodine. En tant que vigile au service du tenancier, il aurait été de très mauvais ton qu’il prenne part à une rixe au sein de la taverne qu’il devait surveiller. Et ce même si cela faisait longtemps que mettre une raclée à Moot le démangeait. En entendant le docker derrière lui souffler quelques insultes concernant les gens de son comté, Mika finit tout de même par susurrer au jeune porteur de chouette :

            - Cependant, ce qui se déroule en dehors d’ici n’est pas de mon ressort.

            Il sourit légèrement. Si l’intéressé sortait, il était sûr que les trois hommes allaient vouloir le suivre et tenter de lui plonger la tête dans le fleuve. Moot était bien trop sanguin et rancunier, et ses deux amis, Aimeri et Jeannot, n’étaient que l’ombre de ses mauvais coups. Mika n’avait aucune raison d’aider le soi-disant sorcier à se débarrasser de ces gredins, sinon pour faire un peu le ménage devant la porte de son employeur, et bien leur faire comprendre qu’il ne se laissait pas insulter comme un charretier par des bouseux dans leur genre.

            Mika laissa l’idée germer dans la tête du supposé tricheur, qui semblait avoir assez de jugeote pour cela. Le hibou n’était-il pas l’emblème de la sagesse ? Une qualité qui manquait cruellement aux trois bêtes de somme en face de lui. Le Posvan reprit alors sa ronde, laissant à nouveau la table aux joueurs échaudés. Moot, qui n’avait pas décoléré, jeta une œillade à ses deux comparses, avant de lancer à son adversaire :

            - Hey, Blanche-Neige ! La partie est terminée, tu peux t’en aller de cette table. J’crois que t’es plus le bienvenue ici.

            Il renâcla un instant, avant de lâcher un gros glaviot bien répugnant dans la chope du fauconnier. Les deux comparses du docker lâchèrent chacun un rire de hyène fort déplaisant à l’oreille, tandis qu’ils s’agitaient de spasmes ridicules. Mika vit l’affaire de loin. Main posée sur le pommeau de son épée, il observa l’énorme bestiau cracher dans le verre de celui qui l’avait plumé.

            « Mauvais joueur, comme toujours. »

            Mais peut-être était-ce la dernière fois qu’il jouait. Car s’il sortait de cette taverne à la suite de l’homme aux cheveux blancs, ce serait sans doute la dernière fois qu’il ennuierait la clientèle.
            Re: [Cotereaux] Bifrons ─
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