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[Araigne] Sous la terre traîne le Sauveterre
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[Araigne] Sous la terre traîne le Sauveterre ─ Mar 15 Oct - 9:14
Ravasz Bátor
    Ravasz Bátor
    Baron
    Quand Rémi avait été capturé par ces hommes aux cottes noircies et froides, il avait cru que c’était la fin de ses petits manèges. Ironie du sort, c’était avec un sac noir sur la tête qu’on le traînait vers sa destination. Combien de fois n’avait-il pas pris pareille mesure avec un client ou un informateur à asticoter ? Goûter son propre poison était plus désagréable qu’il ne l’aurait imaginé, car l’angoisse pavait son cœur, et que ses pieds traînaient au sol. Mains liées, il ne pouvait faire grand-chose d’autre que de compter les virages, les mètres, sentir les odeurs et l’humidité ambiante. Il était sous terre, sans aucun doute. Mais les galeries se faisaient nombreuses, et il avait vite abandonné le compte.


    Jeté sans ménagement par terre, il se tortilla comme un ver, grognant quelque prière à l’un des Trois qui daignerait encore l’entendre malgré son karma pourri. Le silence s’étira un petit instant de plus, avant qu’une voix familière ne lance :


    - Le voici, monseigneur. Très dur à trouver, plus encore à rapporter.


    Il reconnaissait cette voix. C’était l’un de ces hommes à la cotte noire, celui avec le visage plus laid qu’une morue crevée. Alors qu’il se demandait quel genre de truie mal engoncée pouvait donner naissance à un veau si abject, une autre voix, calme, dit sur le ton de la conversation :


    - Bien joué, Mátyás. Tu peux lui retirer le sac, maintenant.


    Un bruit métallique. Des rivets qui s’entrechoquent.


    - En êtes-vous sûr, monseigneur ?


    - Si je te le dis.


    Une main lui agrippa l’épaule, et soudain, le voile noir fut levé. Nulle lumière ne l’aveugla, car seule la lueur des torches éclairait cet endroit vil et crasseux, humide et obscur. Rémi tourna la tête de droite et de gauche, se demandant s’il était dans un cachot. Il était cependant déjà certain d’être en cave, sans aucune barrique pour le réconforter.


    Devant lui se tenait un noble efflanqué. Il n’y avait qu’à voir ses beaux habits et son visage bien propre pour deviner qu’il n’était pas n’importe qui. Rémi avait toujours été un bon juge des gens, encore une ironie fort cocasse dans son cas. Le type devant lui coupa court à ses réminiscences :


    - Tu es celui que l’on appelle Sauveté.


    Ce n’était pas une question. Forcément, car il ne l’aurait pas capturé ni fait amener ici s’il n’était pas déjà au courant. Rémi se faisait rarement avoir, mais ici, la situation paraissait fort en sa défaveur. Il décida donc, contre toute attente, de jouer la carte de l’honnêteté.


    - Sauveté, Sauveterre… C’est l’un ou c’est l’autre, messire, prenez celui qui vous plaît le plus.


    Le laideron qui s’appelait Mátyás lui décocha un regard qui aurait pu être tiré d’une arbalète. Le nobliau, lui, ne sembla pas lésé par son manque de convenances. Il rétorqua même :


    - Sauveterre, ce sera très bien. J’ai une proposition à te faire.


    La partie semblait tout à coup s’exposer au vent du changement. D’une situation très très pourrie, Rémi était passé à une situation pourrie mais solvable. Un sourire factice exposa ses chicots et plissèrent ses traits crasseux.


    - Je suis toute ouïe, monseigneur.


    Les lumières des torches vacillèrent. Un courant d’air venait de s’engouffrer dans la pièce basse et humide, faisant frissonner Rémi. Un homme d’armes, sans hésiter, se dirigea alors en dehors de la pièce, allant voir de quoi il en retournait. Le seigneur devant lui continua :


    - Tu es un sacré truand, Sauveterre. Du moins, c’est ce qu’on m’a dit de toi. Or, je me rends compte que si tu étais si étonnant que ce que l’on m’a rapporté, je n’aurais pas pu t’attraper si facilement. Mais tes amis t’ont vendu. Pour un maigre prix, d’ailleurs.


    Rémi ne se départait pas de son sourire, pourtant, une légère colère grondait dans son estomac. Les salauds de pauvre l’avaient vendu, alors ? Il s’était toujours méfié de ses compagnons d’infortune, et en avait lui-même vendus aux autorités ou à des particuliers pour le profit. Mais il semblait qu’aujourd’hui, l’ironie avait décidé de se joueur partout de lui.


    - Je te donne deux choix. Le premier est une condamnation pure et simple pour tous tes crimes, du meurtre au larcin, ainsi que toute sanction suivant ce jugement. Le second est une amnistie, à condition de me jurer fidélité, et de travailler pour moi, sous ma protection.


    Rémi fronça les sourcils. Encore une fois, la situation venait de changer. Troublé mais content, il acquiesça d’un mouvement du chef et ricana :


    - Allons monseigneur ! C’est un choix assez facile à faire, et je crois que vous connaissez déjà ma réponse… Mais ne vous joueriez-vous pas de moi, par hasard ?


    L’homme devant lui croisa les bras.


    - Je suis on ne peut plus sérieux. J’ai besoin d’un homme comme toi, Sauveterre. Un gredin sans aucune retenue, qui serait prêt à mettre la main là où un chevalier rechignerait même à lancer ne serait-ce qu’un regard. Ou me serais-je trompé sur ton compte ?


    Rémi réfléchit. Depuis qu’il avait suriné cette vieille femme pour lui voler un bijou, il n’y avait plus eu une seule situation dans laquelle il aurait pu montrer le moindre état d’âme. Il se demanda soudain quand il avait commencé à être un parfait salaud. La réponse vint tout de suite, et le fit sourire, mais un sourire véritable cette fois-ci. Il avait toujours été un grand salaud.


    Il hocha de nouveau la tête, et dit sur un ton qui semblait presque courtois :


    - Aucune situation ne pue assez la merde pour que je n’y fourre mon gros tarin, votre seigneurie.


    Un murmure de désapprobation parcourut les soldats aux cottes noires autour de lui. Rémi avait beau être en position de faiblesse, il n’avait jamais su parler autrement qu’avec un vocabulaire fleuri, surtout lorsqu’il parlait la langue verte. Le noble trancha :


    - Fort bien. Jure-moi allégeance, et je m’assurerai que rien ne t’arrive. Ce, jusqu’à ce que tu tentes quoi que ce soit contre moi, auquel cas tu payerais bien mal ton erreur.


    Rémi acquiesça rapidement. Il avait beau être une immonde crevure, il était une immonde crevure intelligente. Pourquoi trahir celui qui l’empêchait tout simplement de marcher vers la potence ?


    - Je vous serai fidèle, monseigneur, et que les Trois me dévorent les entrailles si je manque à ma parole.


    Parole maintes fois éprouvée, et rarement tenue. Mais cette circonstance-ci était différente des autres.


    - Puis-je savoir qui vous êtes, seigneur ? Et qui je sers ?


    Le noble leva un doigt, qu’il agita.


    - En aucun cas. Je suis simplement « Monseigneur » pour toi. Peut-être que lorsque tu feras tes preuves, je te ferai assez confiance pour te donner mon véritable nom.


    Cela sonnait comme un peut-être qui n’arriverait jamais. Mais en vérité, Rémi Sauveterre n’en avait rien à faire. Peu lui importait l’identité de ce mystérieux commanditaire, tant qu’il lui permettait de rester en vie et, qui sait, de prospérer. Il lança un sourire chaleureux à Mátyás, et lui déclara avec arrogance :


    - Allons tronche de blèche ! Ton maître est aussi le mien maintenant ! Tu m’enlèves ces liens ?


    Les yeux du guerrier se révulsèrent, et un pas suffit pour qu’il se retrouve devant lui et lui assène un poing rageur, qui fit sombrer Rémi dans l’inconscience...