L’antichambre dans laquelle se trouvait Ravasz était assez intéressante à étudier du regard. Une fresque magnifiquement ouvragée recouvrait ses murs nus pour leur donner plus de charme et d’attrait, comme dans le reste du palais impérial. Ladite fresque était une représentation d’une bataille très connue qu’avait menée l’Empire. Une victoire qui avait retenti dans tout Eurate avec la même intensité : la défaite de la horde d’Atabeï Khan, devant les remparts d’Evalon, le centre du monde civilisé.
Ravasz observait froidement les cavaliers khöz représentés sur l’œuvre. Ils ressemblaient à des démons juchés sur des chevaux. Au-dessus des remparts, les défenseurs étaient peu nombreux, et l’empereur était absent. Puis, un mur plus loin, c’était l’arrivée des renforts inespérés : Hauer Bjarkison, juché sur son blanc destrier, volant au secours de la cité assiégée et de son peuple, qui l’adulait sur l’autre pan de la fresque.
Le baron posvan étudiait avec attention la minutie des détails, l’ostentation avec laquelle était présenté l’événement. Nul doute qu’il devait s’agir d’une commande personnelle du héros de cette histoire, et pourtant, Ravasz ne pouvait s’empêcher de remarquer qu’il y manquait le véritable artisan de la victoire : son frère István. Sur les murs, il n’y avait nulle trace d’un homme de Posvány, nul Paludéen, ni même un chevalier de Besbána. Hauer avait tout fait pour écarter le moindre rival, afin de s’abroger tout le mérite dans les arts, sinon sur le champ de bataille.
- Puisse ton cadavre pourrir éternellement en terre étrangère.
Le murmure lui avait échappé, plus fort qu’il ne l’avait d’abord imaginé. Il remarqua néanmoins, à l’œillade que lui avait lancée Mátyás son garde du corps, qu’il l’avait prononcé un peu trop fort. Il répondit à ce regard par un sourire.
Son frère avait toujours été forcé de vivre dans l’ombre de cet opportuniste de Durdinien, qui s’était attribué tous les succès militaires. La rivalité entre les deux hommes, bien qu’ils n’aient pas été du même rang, avait été féroce. Mais en définitive, on ne peut gagner contre un duc.
Ou le peut-on ?
Mátyás se racla la gorge en voyant se profiler l’ombre d’un laquet.
- L’empereur arrive, je crois, monseigneur.
Ravasz fit volte-face, pour accueillir l’empereur comme il se doit. Préparant une révérence, il attendait le moment propice pour s’exécuter devant le maître incontesté de tout ce qui vivait depuis le bassin d’Opale jusqu’aux montagnes de Terresang.