Son caractère
Un homme est apparu sur la place de la capitale. Vêtu d'un vêtement sombre, il traverse l'espace ouvert d'une démarche rapide et assuré. Son regard, froid et déterminé, permet à tout le monde de comprendre qu'il ne veut pas être dérangé. C'est Angus Black, l'ombre de la Comtesse. Celui qui la conseille depuis qu'elle possède des terres.
Les gens murmurent à son passage, au fur et à mesure qu'il s'avance sur la place accueillant le marché ce jour-là. Il est connu pour être d'un calme olympien, sans faille. Un calme que beaucoup de personnes interpretent comme un manque de sentiment. Un homme le bouscule, riant à gorge déployé, mais un simple regard glaciale le rappelle qui se trouve ici. L'homme se fond en excuse avant de s'enfuir dans la foule. C'est souvent l'effet qu'il produit sur les gens. Sa capacité à maintenir les gens à distance sans en avoir l'air, son esprit fin et sa détermination implacable font peur. Mais plus que sa personnalité froide, c'est sa volonté de mener à bien les projets de la seule personne qui l'intéresse dans ce monde qui effraie les gens. Car, dans le comté, tout le monde le sait, qu'il ferait tout pour elle. Même tuer. Et cela lui conférait une certaine aura mélant prestige et inquiétude.
Ce que personne ne sait, et que Angus ne laisse savoir à personne, ce sont les deux seules choses qui le font sortir de cet état de froideur. La première, et la plus importante, réside dans la Duchesse elle-même qui est capable de provoquer des sentiments incontrôlables en lui comme la colère. La seconde, et la moindre mais sans doute la plus visible, son amour pour les chevaux qu'il collectionne et aime prendre soin.
Son histoire
Angus était venu voir Apollania. Sa chère, très chère petite soeur. Montant les marches qui menait à l'étage où celle-ci l'attendait dans la petite chambre, le conseiller de la comtesse ne pouvait s'empêcher de replonger dans ses souvenirs.
Il était né un jour d'automne, dans une petite famille bourgeoise de la principauté d'Isedra. Famille sans histoire qui possédait un commerce florissante dans la capitale de la Baronnie dans laquelle ils vivaient. Fausto et Milena étaient connus pour une exemplarité sans faille, promettant ce qu'ils pouvaient et faisant toujours bon compte. A tel point que leur réputation alla jusqu'aux oreilles de Julius, le baron. Ce dernier avait des problèmes avec son intendant qui n'hésitait pas à se servir dans les caisses de la comté. Soucieux de se trouver quelqu'un de fiable, il se tourna vers Fausto et lui proposa le poste d'intendant. Ce dernier, fort surpris, accepta et confia la gérance de sa boutique à son cousin en qui il avait fort confiance.
Angus se rappelait alors de l'arrivée de leur famille au château. Le petit garçon qui devait avoir 6 ou 7 ans avait toujours été habitué à courir entre les jambes de ses parents, apprenant et aidant tout en jouant dans cette boutique qui avait été sa maison pendant sa tendre enfance. Donc déménager dans un palais, qui plus est luxueux, avait été une chose étrange. Habillé de ses plus beaux habits pour rencontrer la famille souveraine sur ces terres, il avait rencontré le comte Julius et sa sublime femme Luciela. Sublime femme qui fut le premier amour du jeune garçon. Angus ne put s'empêcher d'en sourire, ce béguin pour la baronne ayant duré jusqu'à ses douze ans lorsqu'il aperçut la baronne embrasser passionnément son époux. Secouant la tête en continuant à grimper l'escalier, il repensa aussi à ce moment où il avait vu Lyriannah pour la première fois. Une petite fille avec qui Angus ne tarda pas à devenir ami.
La porte apparut enfin et il s'arrêta devant. Cela avait été une douce époque où il avait passé son temps à jouer avec Lyriannah, apprenant aussi le métier de l'intendant. Mais toute jeunesse avait une fin et la sienne avait terminé quand la douce Meliana fut emportée par la fièvre, laissant une famille dans la douleur. Et un époux effondré. Les deux s'adoraient à un tel point que la perte de Meliana rendit fou Fausto. Angus, à partir de ce moment là, dû prendre soin de ses deux petites soeurs et du poste d'intendant de son père. Difficile quand on a tout juste 17 ans et qu'on préférerait faire les 400 coups avec sa meilleure amie.
La main sur la poignée, Angus se dit que cela avait été une époque compliquée pour lui. S'occupant des affaires tout en essayant de faire croire à tout le monde que Fausto continuait à faire son travail, le jeune homme avait appris à user de son esprit et à être indépendant. Mais les choses s'étaient compliqués quand il avait compris que son père commençait à avoir des comportements suicidaires. Finalement, l'homme s'éteignit en quelques mois.
Ce qu'il n'aurait jamais pu deviné, ce serait la somme immense de dette qu'il lui laisserait. Trop intègre, Fausto n'avait pu se résoudre à voler dans les caisses du baron et avait dépensé un argent qu'il n'avait pas. Mort, tout était revenu à Angus, tout comme la garde de ses deux petites soeurs. Les créanciers se firent de plus en plus pressant, de moins en moins discret, avec ce jeune homme qu'ils comptaient escroquer. Au point où, un jour, ils l'entrainèrent dans un coin pour le battre. Ils croyaient qu'il lui donnerait plus par la crainte de la mort. Résistant aux coups, Angus ne s'était pas attendu à la silhouette frêle de Lyriannah se faire bouclier. Il se rappelait exactement de ce qui s'était passé, de la peur de voir sa plus proche amie mourir alors que le sang teintait sa robe, et de la douleur qui avait irradié dans tout son corps pendant qu'il la portait à travers la ville pour aller au dispensaire. Un moment décisif de sa vie qui les avait lié à jamais.
Ce moment fatidique d'ouvrir la porte lui rappela un autre moment dans sa vie. Angus avait réussi à reprendre les rennes de sa vie et à succéder de façon acceptable à son père. Julius avait été un bon baron, acceptant avec sagesse les erreurs et appréciant les efforts que le jeune homme faisait. Même si il avait eu du mal à gérer sa nouvelle place en tant qu'intendant et à éduquer ses deux petites soeurs alors qu'il n'était qu'un jeune homme, il avait été assez heureux. Et c'était sûrement grâce aux encouragements de son amie de toujours : Lyriannah. Mais les choses avaient changé quand cette dernière avait eu seize ans. Un accident soudain avait emporté ceux qu'il considéraient alors comme ses mentors : le baron et sa femme. La mort dans l'âme, il avait été celui qui lui avait annoncé la triste nouvelle. Angus se rappelle encore très bien du regard de sa tendre amie alors qu'elle prenait en compte ce qu'il venait de lui dire. Il l'avait regardé fuir sans réagir, pensant qu'elle avait seulement eu besoin d'espace. Mais quand les heures s'étaient écoulées et que sa douce silhouette ne réapparaissaient pas dans les couloirs du château, on avait commencé à avoir peur pour elle. La peur au ventre, il l'avait cherché, même quand tout les autres avaient abandonné, avant de la retrouver en larme sous un arbre. Ce jour-là, il se promit qu'il prendrait soin d'elle à jamais comme elle l'avait fait quand il en avait eu besoin. Il l'épaulerait à jamais.
Alors que la porte s'ouvrit et qu'il découvrait la silhouette de sa petite soeur enfouie sous les couvertures, Angus se rappelait avec une certaine douleur les quelques mois qui avaient suivi son dernier souvenir. Ces derniers avaient été douloureux pour Lyriannah tandis qu'il l'épaulait pour prendre ses décisions. Étendant son influence sur les personnes du château mais plus en plus sur ceux de l'extérieur, il commençait à se faire un nom parmi les siens. S'était-il attendu, à ce moment-là, à ce qu'un cousin lointain de celle qu'il avait apprit à aimer comme une femme lui impose un mariage de convenance ? Non... Encore moins après avoir passé la nuit avec celle-là même, suite à un chantage affectif où il avait mis de côté son intégrité pour se laisser aller à la passion qui le dévorait chaque jour. Le coeur brisé, il ne put que pousser sa bien aimée dans les bras de son époux, car ainsi était sa place. Comme il l'avait pensé, le mariage de Lyriannah fut un coup difficile pour lui. La cérémonie où il avait croisé son regard au moment fatidique, la consommation du mariage parce qu'il était un des proches de Lyriannah... Une période sombre où Angus enferma ses sentiments sous clé pour ne devenir que quelqu'un de froid. Ne plus rien ressentir. Se plongeant dans son nouveau travail d'intendant pour le nouvel époux de Lyriannah, il se tourna vers l'art des armes. Il fit la rencontre d'un maître d'épée namarrien appelé Aldo qui lui enseigna un art furtif mais très utile.
Les années et les maris passèrent, son amour pour Lyriannah l'avait consumé jusqu'à la moelle et l'avait détruit. Tuer était devenue une de ses fonctions. Travaillant à agrandir le patrimoine de celle qu'il aimait plus que sa propre vie, Angus en profitait pour se construire un réseau de marchand et de connaissance dans l'optique d'aider Lyriannah. Professionel, intelligent mais inflexible, il commençait à se forger cette réputation d'homme de fer de l'ombre. Mais mieux valait cette réputation que celle d'un homme qui succombait d'un amour impossible alors que, un an à peine après avoir tué son ancien époux, Lyriannah en épousait un autre. Un autre à qui elle fut fidèle cette fois-ci et pendant quatre longues années ! Quatre longues années où Lyriannah, sans vraiment se retenir, débordait de joie dans ce mariage qui finit par devenir un mariage d'amour. Délaissé, la colère remplaça peu à peu l'amour et la passion. Même si il lui resterait à jamais fidèle à cause de la dette qui les lies, il se promit de ne plus jamais succomber aux charmes de sa belle comtesse tout en continuant à être un parfait intendant.
Une main posée sur l'épaule de sa petite soeur, qui ne réagit même pas au contact, lui fit comprendre que quelque chose était arrivé. Comme d'habitude, il s'occuperait de tout et avec efficacité. C'était ainsi son travail..