Sous le regard bienveillant des montagnes de Durdinis au nord, la baronnie de Montillat réunit à la fois terres arables parsemées de communautés paysannes, sombres forêts embrumées teintées de mystère et le tout chapeauté par une ville fortifiée surplombée d'un château aux épais remparts qui surveille le domaine d'un oeil paternel.
Après avoir participé au sauvetage de Tyssia Novigrad pour la faire quitter la cité impériale d'Evalon, le baron Charles de Montillat est à présent l'un de ses soutiens les plus francs pour lui accorder le rang de comtesse.
Les terres dirigées par Charles de Montillat sont, avant tout, reconnues pour leur fertilité. Autrefois recouverte de forêts épaisses, la baronnie a bien conquis les deux tiers de ses terres arables sur cette dernière, par la force des bras et de la volonté. Désormais cantonnée à la frontière est et nord de Montillat, les sombres bois restent tout de même un endroit impressionnant, chargé de légendes inquiétantes et de dangers. Le banditisme notoire, les animaux sauvages et la superstition locale font que les Montillais ne s'aventurent jamais bien près de l'orée de la forêt, de peur de disparaître.
Hormis ces oasis sauvages de ci de là, la majorité du territoire est recouverte de champs, de pâturages, de fermes, d'élevages. Des petites communautés paysannes parsèment les vastes terres arables, chacun considérant presque le village voisin comme une terre étrangère. Un mode de vie éminemment rural, mais qui sert la prospérité de l'ensemble. En effet, le commerce, si on peut l'appeler ainsi, s'organise comme suit. Chaque petit exploitant revend ses excédents à la capitale, Elbe, là où de riches négociants jouent un rôle de centralisation en achetant les produits de plusieurs de ces paysans pour ensuite les exporter au-delà des frontières de la baronnie. Une sorte d'arbre d'exploitation, mais qui permet à la cité d'Elbe d'être le maillon central de cet ensemble.
Elbe, parlons-en. Une cité on-ne-peut plus médiévale. Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement ? Ça veut dire des rues et ruelles nombreuses, étroites, des avenues tordues, une place du marché bondée en permanence, une hygiène de vie de piètre qualité par rapport à la campagne, mais l'assurance de pouvoir être plus proche du seigneur de ces terres. C'est cela, Elbe. Il n'y a pas grand chose à dire de plus, excepté qu'elle est entourée de fortifications parfois en bois, parfois en pierre et que l'imposant et austère château de Varchava. Une austérité rassurante, car ses épaisses murailles et ses hautes tours qui projettent leur ombre sur les quartiers les plus proches du monticule où il est bâti font entrevoir aux habitants une forteresse invincible -c'est tout relatif- à-même de les protéger si jamais le danger venait frapper aux portes de la cité.
Seulement, il est des maux que de hauts murs ne peuvent arrêter. La peste frappe, comme partout ailleurs, la baronnie de Montillat. Alors que la baronne Judith, la femme de Charles, continue de veiller aussi bien que possible sur les possessions familiales, elle et son époux ne peuvent que tenter de rassurer, de loin, leur population qui se meurt petit à petit. La baronnie traverse probablement ses heures les plus sombres.
La devise des Montillat le laisse très bien deviner, la pierre angulaire de la baronnie, pour tous ses habitants, c'est la piété envers le Trimurtisme. Même les seigneurs de ces terres reconnaissent ne devoir réelle servitude qu'envers les Trois. Une philosophie de vie partagée par tous les habitants de Montillat. Les églises sont au moins aussi nombreuses que les villages, la parole des prêtres au moins aussi influente que celle du baron. C'est pour cette raison que, malgré des moeurs frivoles, pour Charles comme pour sa femme, le plus grand secret est entretenu pour que jamais cela ne passe les murs du château. Judith, la baronne, reçoit régulièrement la visite de quelque vicaires venus lui faire part de leurs inquiétudes concernant telles ou telles questions. En général, cela tourne autour de leurs privilèges qui sont immenses au sein de la baronnie. C'est peut-être d'ailleurs pour cela qu'ils sont si peu regardants sur la sexualité débridée de leurs seigneurs.
En effet, l'église du Trimurtisme, à Montillat, est véritablement le ciment qui soude tous les habitants entre eux. Avec le soutien de la noblesse locale, les prêtres s'occupent de l'éducation, des cérémonies, mais également de lever certains impôts et, surtout, ils sont souvent de riches propriétaires terriens. Des terres qu'ils louent aux paysans, à la manière de n'importe quel seigneur, à la différence que les serfs sont bien moins frileux à l'idée de servir le Trimurtisme qu'un administrateur ordinaire. Religion et noblesse travaillent donc main dans la main à maintenir la paix et l'ordre au sein de la baronnie. Ces derniers temps, les vicaires sont également une formidable aide pour gérer les victimes directes ou collatérales de la peste. Administrant des sacrements aux malades, rassurant, réconfortant les familles. La baronnie de Montillat est devenue un peu de ça, une famille. Très attachés aux traditions, à leurs terres et à leur foi, les Montillais sont des gens simples, humbles, mais fiers de ce qu'ils sont. La tranquillité est le mot d'ordre et l'étranger est rarement bienvenue, que ce soit dans un des nombreux villages ou même à Elbe.
Le mysticisme, en dehors du Trimurtisme, est également très répandu. Les forêts nimbées de brouillard à l'est sont un terreau fertile à des tas de légendes macabres. Les loups sont redoutés, chassés, on répand des rumeurs de monstruosités. En bref, les bardes apprécient beaucoup retrouver l'inspiration dans les auberges chaleureuses de la baronnie de Montillat, car il suffit de tendre l'oreille pour entendre une nouvelle histoire abracadabrantesque, parfaite pour composer une balade.
En ce qui concerne la politique du baron, c'est plutôt à sa femme qu'il faut demander. Souvent en déplacement à la capitale, Charles est tout de même un seigneur aimé de ses sujets, car ils aiment sa femme. Judith est une régente compétente, qui règne à merveille d'une main de fer sur ce territoire qui pourrait mal voir une femme avec autant de pouvoir. Elle a su, grâce à son mari mais également grâce à sa force de persuasion convaincre l'Eglise et les nobles dissidents de la baronnie qu'elle pouvait être aussi sévère que bienveillante. La potence sur la place d'Elbe fonctionne peut-être un peu trop souvent au goût de certain, mais une femme ne peut régner tranquillement qu'en exerçant une juste sévérité. Même si la capitale rebute par son hygiène déplorable et ses rues chaotiques, on ne peut retirer à Judith que, depuis son installation en tant que régente, la criminalité urbaine a chuté drastiquement. Les vols, les agressions, les meurtres avec préméditation se font de plus en plus rares, pour le plus grand soulagement de tous.
J'ai dit criminalité urbaine, oui, car il ne faut pas oublier que la richesse de la baronnie va, au moins au quart, pour le seul baron installé à la capitale. L'armée de Montillat est faible, et cette faiblesse se remarque particulièrement lorsque l'on s'approche des forêts à l'est. Les bandits de grand chemin y font purement et simplement la loi. Les troupes du baron ne peuvent rien faire, car trop peu nombreuses et pas assez entraînées. Fort heureusement, aucune route commerciale ne traverse ces bois, mais les canailles restent un fléau notoire que toute la fermeté du monde ne pourra pas endiguer. Pas pour le moment en tout cas.
Femme de Charles de Montillat depuis l'année 1230. Âgée de trois ans de moins que lui, elle connait son époux depuis aussi loin qu'elle se souvienne et ils forment un couple modèle. Tous les deux de mœurs très frivoles, tous les deux appréciant l'exercice du pouvoir, le baron se satisfait à la capitale et elle en tant que régente de la baronnie. Le couple a plusieurs enfants qu'ils ont envoyés en nourrice dans la famille de Judith, afin de les protéger de l'avidité de leurs potentiels ennemis jusqu'à ce qu'ils soient en âge d'être formés à la succession de leur père.
On ne peut pas dire que l'armée de Montillat brille par sa puissance. Et pour cause, seules des recrues, des volontaires ou les orphelins trouvés dans la rue, commandés par la petite noblesse locale, constituent les troupes montillaises. Le territoire n'est pas connu pour sa dangerosité. Il partage une frontière minuscule avec Durdinis, la plus grosse partie étant sous la responsabilité du territoire voisin, il n'y a aucune raison valable d'investir plus que cela dans des troupes. Nous l'avons dit plus tôt, les bandits des bois ont beau être une gêne, ils ne freinent en rien l'économie locale. Ils font simplement peur et forcent la baronnie à importer son bois, mais c'est tout.
Si on regarde de plus près cette "immense" armée, on trouve la classique infanterie, qui s'occupe du maintien de l'ordre dans Elbe, ses alentours et les divers grands axes qui partent de celle-ci, mais également un régiment d'archers. Le château du baron de Montillat, ainsi que les murailles qui encerclent la capitale sont garnis d'archers. Certes peu expérimentés, certes peu nombreux, mais ils participent à renforcer une sensation de sécurité si chère aux habitants de ce territoire sans histoire. Voilà, en définitive, à quoi sert réellement l'armée montillaise, à rassurer bien plus qu'à combattre.