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La note et la fleur [Mélusine]
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La note et la fleur [Mélusine] ─ Sam 9 Déc - 18:23
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    La note et la fleur [Mélusine] M0210erlyin dressa son visage vers le ciel et huma l’air. Il puait ; c’était de bon augure. C’était une odeur lourde, presque poisseuse, chargée d’effluves de fruits trop murs, de viandes rôties, de fange, d’alcool et de sueur. C’était une odeur de vie.

    Beaucoup fuyaient ces quartiers populaires où s’entassaient une faune bigarrée, tantôt pitoyable, tantôt glorieuse. Merlyin, lui, recherchait cette compagnie, loin des cours sophistiquées et ampoulées qui semblaient plus froides que le marbre de leurs murs. Ici les gens vivaient vraiment ; ils n’avaient pas vraiment le choix, la mort était toujours si proche qu’ils la tenaient à l’écart dans le bruit et la fureur de leurs fugaces existences.

    Le ménestrel rajusta son baluchon sur son épaule et s’engagea dans cette rue le sourire aux lèvres. Décidément, Evalon risquait bien de lui plaire. Ses faubourgs au moins.
     
    Après quelques minutes à s’enivrer de toute cette agitation, Merlyin s’immobilisa devant une façade ornée d’une enseigne au nom évocateur ; L’outre percée. Cela aussi était de bon augure. Avec un tel nom, nul doute que l’établissement devait accueillir plus que son quota de fêtards avinés. Ce genre de clientèle était facile à dérider et ils avaient généralement le pourboire aussi généreux que leur haleine était chargée.

    Rajustant sa tenue pour soigner la première impression, il poussa la porte d’un geste vif pour s’assurer d’attirer tous les regards. La battant cogna contre le mur et un silence se fit dans la salle. Merlyin se fendit de son plus beau sourire…


    * * *

    Des années de métier… Tout s’était déroulé sans accroc. Il avait joué sa partition à la perfection et l’aubergiste était entré dans sa dance plus facilement qu’un duc n’entre en guerre. Les termes de l’accord étaient les mêmes que d’habitude ; le ménestrel était nourri et logé en échange de sa prestation et il gardait le droit de faire la quête.

    Merlyin soupesa sa bourse. A peine quelques pièces de bronze. Il avait intérêt à être particulièrement en verve ce soir….

    Déposant son baluchon sur sa couche, il entreprit de regarder autour de lui. La chambre était propre et une bonne flambée réchauffait la pièce. C’était plus qu’il n’avait espéré.
    Il s’assit à son tour sur la couche et entreprit d’accorder son luth, laissant ses pensées vagabonder en fixant les flammes.

    C’est alors qu’elle arriva. Insidieuse, traitresse, comme toujours. Elle était montée dans les recoins de son esprit, rongeant avidement son cœur. Il s’était revu enfant, loin là-bas chez ses parents, à la veillée. C’est là que la mélancolie l’avait retrouvé. Elle galopait à présent, emplissant chaque parcelle de son âme. Soudainement la chambre était devenue trop grande, trop froide et surtout trop vide. Il secoua la tête avec force. Il ne pouvait pas rester là. Il lui fallait de la compagnie, n’importe laquelle. Et un verre. Ou plusieurs peut-être. Tant pis pour sa bourse. Il aurait intérêt à être vraiment bon ce soir…
    Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Sam 9 Déc - 23:31
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      La note et la fleur [Mélusine] M0211erlyin tira une dernière note de son luth en laissant mourir sa voix. Tout autour, les chants et les rires résonnaient. La soirée commençait plutôt bien et, à en juger par le sourire satisfait de l’aubergiste, il avait déjà donné satisfaction à son employeur. Les chansons à boire n’étaient sans doute pas les plus glorieuses pour un ménestrel mais elles avaient ceci de bon : elles incitaient justement à boire. Et des clients qui boivent était ce qui rendait les aubergistes heureux.

      Quant à lui, il avait également atteint son but. Pris dans la fièvre de la soirée, le ménestrel en avait mis de côté tous ses "petits tracas". Cela ne durerait pas mais c'était toujours bon à prendre. Avec un peu de chance, il finirait par aller se coucher aux premières lueurs du jour, tellement épuisé que son esprit n'aurait pas le temps de s'égarer avant d'être appelé sur de sombres rivages.

      Déposant son luth, Merlyin descendit de l'estrade improvisée et se frayant un chemin entre les chaises en désordre. Les quelques tapes dans le dos et les choppes levées sur son passage étaient ses lauriers et il atteint finalement le comptoir avec un sourire aux lèvres.

      - Brave homme, je crois qu'il est temps que nous fassions affaire vous et moi. Ou plutôt l'un de vos meilleurs breuvages et moi.

      Joignant le geste à la parole, il déposa sur le comptoir quelques écus de bronze dont le tenancier se saisit prestement.

      Une fois son verre à la main, Merlyin s’accouda au comptoir et regarda l’assistance. La salle n’était peut-être pas bondée mais il y avait ce soir assez de client pour qu’elle soit animée. Les discussions naissaient facilement, les exclamations et les rires fusaient ça et là, les chansons paillardes étaient reprises en cœur. A chaque fois qu’un client se tournait vers lui, le ménestrel levait son verre pour le saluer.

      Oui, c’était le genre de soirées qui affectionnait. Une de celle où la vie chasse toute la noirceur du monde pour quelques heures. Une de celle qu’il voyait par les fenêtres lorsqu’il… non, surtout ne pas y penser !

      Il secoua rageusement la tête puis sera les dents de rage. Pas maintenant, pas encore.

      Tout compte fait, ce n’était pas tant le genre de soirée qui affectionnait que le genre de soirée qu’il lui fallait. Il lui en fallait encore plus. Encore plus de fièvre, encore plus de chants, encore plus de bruit.

      Il vida son verre d’un trait puis fendit la foule avec grâce avant de bondir sur une table inoccupée sous les exclamations satisfaites du public. De son public.

      Il commença alors à taper du pied avec vigueur, bientôt accompagné par toute la salle.

      - Gentils seigneurs et gentes dames, connaissez-vous la danse de l’ours ?

      Quelques grognements de satisfactions et autres acquiescements bruyants lui répondirent.

      - Fort bien ! Alors suivez mes pas si la tête ne vous tourne point encore de trop. Pour cela il me faut une galante compagnie.

      Il sauta à nouveau de la table et se dirigea vers l’une des serveuses et l’entraina à sa suite. La jeune femme essaya un instant de résister, prétextant qu’elle devait faire le service mais, une œillade plus tard, elle se laissa finalement entrainer.

      Quelques pas de danse plus tard, la salle commença à s’animer. Les clients tapaient du pied, des mains ou cognaient leur chope sur la table. La jeune femme s’était prise au jeu et, après l’avoir gratifié d’un clin d’œil, il la laissa continuer seule pour se saisir de son luth.

      Il entreprit de jouer un air endiablé, poussant sa comparse à danser fiévreusement pour le plus grand plaisir de l’auditoire. Les notes sortaient presque toutes seules et ses doigts bougeaient si vite sur les cordes que l’on aurait dit l’instrument possédé par le diable.

      Alors dans son esprit le blanc se fit. Un blanc éclatant, vierge de toute souillure. Plus rien n’existait que le moment présent. Il n’était plus que l’extension de son instrument, plus que l’exutoire de la foule.

      Qu’importe de quoi serait fait demain, le jour se lèverait bien assez tôt pour s’en préoccuper. Pour l’heure, la salle lui était toute acquise et rien ne semblait pouvoir lui résister.
      Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Mar 12 Déc - 18:19
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        La note et la fleur


        Elle rangea dans sa sacoche qu'elle portait en bandoulière, la lettre après l'avoir relue une dernière fois. Elle qui avait voulu voir le monde, voulu comprendre, connaître ses différentes cultures avait enfin accepté de se poser pour servir l'ordre. Comment refuser les demandes de la trinité de toute manière. Elle était simplement l'expression de leur volonté sur cette terre qu'elle foulait. Quelle que soit la voie qu'ils empruntaient pour lui parler, elle se devait de les écouter. Cette fois, elle se devait de rejoindre Evalon pour aller soigner l’enfant d’un ami.

        Elle leva son visage pour l'offrir aux rayons du soleil avec un sourire émerveillé sur ses lèvres charnues. Elle expira longuement avant de poser ses ravissants yeux bleus sur le chemin qui menait à taverne. Mélusine ne fréquentait pas ce genre de lieux, mais elle ferait exception pour son ami.

        C’est la silhouette d’un homme qui avança dans les ruelles appuyées sur son bâton, car Mélusine voyageait toujours ainsi. Vêtue comme un homme, cachant ses courbes gracieuses sous d’amples vêtements d’un tissu épais. Elle avait appris très tôt que l’ordre ne protégeait pas toujours les femmes qui prenaient le risque de s’éloigner sans protection. Elle n’était pas une farouche combattante, mais savait toutefois se défendre avec son bâton, pour peu que l’homme ne soit pas aguerri aux armes, c’est pour cela qu’elle avait pris l’habitude de ressembler le plus possible à un homme.

        Ce n’est qu’une fois dans la taverne, sous le regard de quelques curieux, qu’elle laissa glisser sa capuche sur ses épaules, libérant sa crinière couleur blanche avec un soupir de soulagement. La voilà enfin arrivée. Elle fendit la foule rapidement pour se porter au chef de l’établissement qui fut bien heureux de l’accueillir. Elle disparut avec lui un certain temps et ne réapparut que plus tard dans la soirée après avoir placé la jambe de l'enfant dans une attelle et lui avoir fait boire quelques remèdes.

        [...]

        Elle avait fait son possible et pour la remercier, l’homme lui avait offert sa plus belle chambre et un repas qu’elle dégustait tranquillement tout en observant le troubadour qui donnait spectacle. L’homme avait su mettre une bonne ambiance, c’est sur. Mélusine avait plusieurs fois bougé la tête en rythme avec la musique sans pour autant bouger de sa place confortable, son bâton de marche reposant contre le mur à côté d’elle.

        Malgré son air doux et amusé, c'est le meneur de la soirée qui accaparait toute l'attention de la clerc... Ou plus précisément la manière qu'il avait de capter l'attention, de conquérir son public. Une recherche d'attention.... Mélusine secoua sa chevelure en chassant les pensées qui commençaient à se former dans son esprit. Elle n'était là pour travailler...



        Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Mer 13 Déc - 0:15
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          La note et la fleur [Mélusine] M0212erlyin posa à nouveau son luth et se laissa tomber plus qu’il ne descendit de la table. Il se sentait toujours totalement épuisé à la fin de ses prestations dans les auberges. Loin de la retenue et de la délicatesse dont il fallait faire preuve dans les cours des puissants, ce genre d’exercice demandait au moins autant d’énergie que de talent. Merlyin aimait à croire qu’il possédait les deux et ce soir il s’était évertué à en convaincre son auditoire.

          Passées ces quelques secondes où il cherchait à reprendre son souffle et où il semblait redevenir ce simple humain si quelconque, le ménestrel s’efforça de retrouver sa superbe. Il se redressa, serra dans ses poings ses doigts endoloris et entrepris de fendre la foule avec la prestance d’un conquérant. Il savourait pleinement ces quelques instants d’une gloire aussi vaine qu’éphémère où chaque tape dans le dos était la plus belle des richesses.

          Dans son esprit, cet état de grâce perdurait encore, tenant en respect les vagabondages indomptables de ses pensées. Il savait pourtant que cela ne durerait pas. Déjà les clients retournaient à leurs verres et à leurs conversations. Il redevenait anonyme et offrait ainsi son flanc à la mordante solitude.

          Qu’à cela ne tienne, si l’homme public devait s’estomper pour ce soir, il lui fallait trouver un auditoire plus réduit. Il balaya des yeux la salle animée de l’auberge en espérant y croiser un regard, un signe, comme une invitation. Ce qu’il trouva ne manqua pas de le surprendre… ni de faire naitre un sourire sur ses lèvres. Aurait-il pu rêver meilleure compagnie ? Si le Trimurti existait bel et bien alors il devait être dans les petits papiers de Rajas pour qu’il lui offre un tel présent.

          Ravi de l’opportunité qui s’offrait à lui de s’amuser un peu, Merlyin fendit la foule sans quitter des yeux l’intense regard d’azur qui le fixait.

          Se parant de son sourire le plus assuré, et par là même le plus feint, il s’installa à la table de la jeune femme. Il savourait plus que tout cet instant, ce regard qui naissait chez tous les humains, homme comme femme, lorsqu’il s’imposait ainsi. Ces pupilles qui se dilataient légèrement, ces lèvres entre ouvertes d’une façon quasi sensuelle, ces sourcils qui s’abaissaient un peu tandis qu’une légère ride se formait sur le front étaient un trésor aux yeux du ménestrel. Il fut pourtant surpris par la poétique beauté qui se dégagea de ce visage presque enfantin encadré d’albâtre. Rajas lui jouait sans doute effectivement un tour à lui faire perdre ainsi sa contenance savamment travaillée.

          Merlyin chassa rapidement son trouble et espéra qu’il avait été assez fugace pour que nul ne s’en soit aperçu. Surtout pas elle. Il n’était jamais bon de perdre ainsi son avantage en particulier en cet instant. Une discussion était une bataille et celle qu’il s’apprêtait à livrer promettait d’être passionnante.

          Tandis qu’il retrouvait sa contenance, le ménestrel laissa s’écouler quelques secondes. Il fut pourtant celui qui fronça les sourcils en premier. La jeune femme aurait dû être plus désorientée que cela. Elle était certes surprise mais son regard ne le quittait pas et semblait plus intrigué, inquisiteur même, qu’effarouché. Voilà qui était tout aussi inhabituel que passionnant. Il s’était attendu à une joute à sens unique, peut-être la jeune femme lui offrirait-elle une danse en duo.

          Son intérêt piqué au vif, le ménestrel pris le temps de détailler la jeune femme. Sa tenue d’homme en disait long sur son expérience de la nature humaine. Malgré son jeune âge apparent, elle savait déjà comment se protéger des insistants regards masculins. Cela ne suffisait cependant pas à cacher le charme que la délicate carnation de ses lèvres apportait à son visage. Même la blancheur extrême de ses cheveux, qui aurait dû jurer avec son air juvénile, apportait sa touche à l’ensemble. Mais plus que son apparence, c’était la profondeur de ce qui se lisait dans son regard qui vous donnait envie d’y plonger.

          Sans doute Merlyin aurait-il dû être séduit par cette jeune religieuse mais il était à cette heure plus envouté qu’autre chose. Sans qu’il comprenne pourquoi, ce qui lui était assez insupportable, il s’était établi entre eux une sorte de fascination mutuelle. Ils semblaient être deux félins qui tombaient nez à nez au détour d’une rue sans trop savoir sur le territoire duquel ils se trouvaient.

          Refusant de jouer selon des règles qui n’étaient pas les siennes, Merlyin s’évertua à jouer sa partition.

          - Et bien, Rajas lui-même doit avoir été touché par la grâce de ma musique pour m’envoyer ainsi une si précieuse fleur. Celle-ci a-t-elle des épines qui me piqueront au vif ou ses pétales auront-il la douceur d’une rosée d’aurore ?
          Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Ven 15 Déc - 20:39
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            La note et la fleur


            Il ne fallut pas longtemps pour qu’elle ne s'aperçoive qu'à son tour le ménestrel l’observât avec attention. Surprise, bien sûr elle l’était, mais son regard saphir resta accroché à lui analysant chacun de ses gestes, de ses mouvements pour traverser la foule et arriver jusqu’à elle.  Il y avait quelques choses d'aériens dans son déplacement, une forme de pas de danse savamment étudié. . Toute autre femme aurait pu être intimidée par l’homme et son charisme. Mélusine avait eu sept frères et chacun d’eux avait laissé son empreinte en elle tout comme sur son bâton de marche. Chacun d’eux lui avait appris sur l’âme humaine et plus particulièrement celle des hommes.

            Elle se contenta alors de lui sourire prenant le temps de détailler son corps élancé et droit, comme s’il cherchait à attirer la lumière ainsi sur lui. Puis lentement elle remonta jusqu’à son visage où brillait un sourire qui ne plaisait pas à Mélusine. Il n’y avait dans ce sourire rien de naturel. Voulait-elle gratter sous le vernis pour chercher ce qui s’y cacher ? La réponse ne tarda pas. Mélusine aimait plus que tout comprendre. Lorsqu’il arriva enfin à sa hauteur, elle se contenta de hausser les sourcils et de l’écouter.

            Finalement, elle sourit, secouant ses mèches blanches autour d’elle donnant l'impression qu'elle bougeait un voile. Elle se décala délicatement à l'autre bout du banc et lui montra la place à côté d’elle. Elle ne replongea son regard saphir dans ses prunelles qu’une fois le ménestrel installé à côté d’elle. Elle murmura rapidement d’une voix douce et sereine, pourtant teintée d’amusement.

            -Est-ce qu’habituellement, les femmes rougissent ou perdent leurs moyens avec ce genre de phrase ?

            Son regard lui rappelait celui de Thomas, son troisième frère. Il avait pris la fâcheuse habitude de sourire ainsi lorsqu’il voulait cacher à la face du monde qu’il n’allait pas bien. Mais ici, cet inconnu cherchait-il à cacher autre chose qu’une envie de vaguement jouer avec une jeune clerc ? Si c’était le cas alors, les dieux ne l’avaient pas mis sur son chemin pour rien. Ce qu’elle n’était pas sûre, c’est de ce qu’ils attendaient d’elle.

            - J'attendais un peu moins facile de la part d'un artiste.

            Elle lui renvoya un sourire espiègle. Elle n'était pas prête à jouer le jeu de la séduction, mais elle ne le renvoyait pas pour autant, s'il voulait autre chose qu'un simple jeu de séduction.



            Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Dim 17 Déc - 19:58
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              La note et la fleur [Mélusine] B11ien que surpris, Merlyin ne se démonta pas. La demoiselle avait du répondant, c'était inattendu... et fichtrement intéressant ! S'il y avait bien une chose plus divertissante que de faire tourner la tête d'une petite écervelée, c'était bien de batailler ferme pour arracher un sourire sincère à un esprit affuté.

              La partie changeait du tout au tout et Merlyin se vouta légèrement pour s'accouder à la table. Sans qu'il en soit vraiment conscient, son langage corporel avait changé au fur et à mesure que son intérêt s'éveillait. Ses mouvements perdaient un peu de leur superbe pour adopter un air plus félin, presque carnassier.

              Il ignora les quelques haussements de sourcils qui accompagnèrent ce changement. Il était entièrement concentré sur ce petit bout de femme qui semblait vouloir lui tenir tête.

              - En effet, les idiotes et les innocentes tombent si facilement en pâmoison que s'en est parfois grotesque... et tellement ennuyant. A l'évidence vous n'êtes ni l'une ni l'autre ma chère. Cela fait de vous quelqu'un... ma foi, d'intéressant je suppose. Quelqu'un qui m'intrigue tout du moins.

              Merlyin dévisagea un peu mieux sa partenaire de jeu. Il avait été trop sûr de lui et n'avait pas vu ce qui était à présent évident. Bien sûr qu'elle n'était pas une sotte. Ses gestes étaient timides mais assurés, son regard intense mais acéré. Elle n'était pas si belle qu'il l'avait cru au départ, c'était plutôt qu'il se dégageait d'elle un charme magnétique, un charisme intense et brûlant. Si elle n'avait pas été s'empêtrer dans ces vêtements d'homme informe, elle aurait fait une courtisane hors pair. En était-elle même consciente ?

              - Et ce charmant minois qui semble vouloir m'en remontrer a-t-il un nom ou ai-je tant l'air d'un vilain gredin que vous n'avez peur que je vous le dérobe ?

              Même si ses paroles s'étaient faites plus acerbes, le ménestrel ne s'était pas déparé de son sourire jovial et de sa bonne humeur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il passait un excellent moment.
              Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Sam 30 Déc - 21:03
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                La note et la fleur


                Le regard surpris qui s’afficha sur le visage du ménestrel fut une belle victoire pour Mélusine. Elle n’était pas une fille facilement impressionnable et il venait de comprendre son erreur. Pourtant, loin de s’en offusquer, il sembla au contraire y trouver du plaisir. C’était bien sa veine de tomber sur un homme qui ne comprenait pas ce que non voulait dire. Le voilà qui changeait sa façon de bouger, de parler ou de la regarder… Mauvais signaux, très mauvais… C’est à cause de cette petite lueur dans son regard qu’elle ne décida simplement de couper court à ce jeu idiot de séduction pour enfant.

                Elle avait la possibilité maintenant de le rabrouer suffisamment durement pour qu’il ne tente pas de revenir ou de faire durer la discussion. Elle se pinça les lèvres en proie à l’indécision. Maudite était sa curiosité, car elle voulait savoir ce qui se cachait derrière ce personnage qu’il jouait si bien pour les autres… Finalement, elle haussa les épaules avec nonchalance et lui offrit un sourire aimable, tout juste ce qu’il fallait pour qu’il ne s’enfuie pas en courant.

                -Je me nomme Mélusine Hautfort et je n’ai point peur, car le Trimurti est avec moi.

                Elle lui renvoya un regard amusé et une lueur espiègle y dansait alors qu’elle pencha son visage comme si elle l’examinait sérieusement. Au bout de quelques secondes elle reprit la parole d’ou l’on pouvait entendre l’amusement dans chacune de ses paroles.

                -Vilains dites-vous ? Peut-être que si vous retiriez ce regard de séducteur, je pourrais mieux juger si c’est le cas et si vous me donniez votre nom à votre tour ménestrel ?

                Elle avait décidé de se faire joueuse pour approcher l’homme sans lui faire peur. Ce genre de personne aimait les femmes d’esprit pour peu qu’elle ne vît pas plus loin que la carcasse. Elle ferait donc comme si elle ne voyait pas… Pour le moment tout du moins. Mais, comment approcher exactement ce qu’elle voulait sans lui faire peur ? À cette question elle n’avait pas trouvé de réponse, tout comme elle n’était pas encore sûre de vouloir forcément la réponse à ce qu’elle avait aperçu.



                Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Mer 10 Jan - 0:04
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                  La note et la fleur [Mélusine] M0212erlyin commençait à hésiter quant à la conduite à tenir. Il était assez évident qu'il avait capté l'attention de la jeune femme tout comme il était évident que ce n'était pas pour les raisons qu'il avait imaginé de prime abord.

                  Peu importait finalement. Tout ce qui comptait c'était de prolonger la soirée, de garder l'esprit occupé, de repousser le plus possible la solitude. Certains jours, le ménestrel en venait même à se dire qu'il aurait été préférable d'être entourés d'ennemis que d'être seul. Heureusement pour lui, la jeune nonne ne semblait pas devoir se ranger dans cette catégorie. A bien y regarder, elle semblait même vouloir se montrer amicale.

                  Merlyin s'étonna presque de cette attitude. A bien y réfléchir, il était assez inhabituel qu'il provoque cette réaction. Il était plutôt habitué à des attitudes plus tranchées. Parfois il exerçait une certaine fascination sur ses interlocuteur, moins souvent qu'il ne s'en vantait d'ailleurs, parfois il suscitait l'hostilité et le rejet, heureusement guère plus souvent et parfois enfin il n'obtenait d'un mépris plus ou moins poli. Il sentit soudainement une boule lui nouer le ventre. La situation prenait un tour tout à fait différent à présent qu'il y avait en enjeu. Avant tout, la rassurer. L'effaroucher ou la heurter était bien la dernière des choses à faire.

                  - Veuillez pardonner cette méprise demoiselle. Mon sourire ne se voulait que bienveillant. Je me nomme Merlyin de Blancport, ménestrel de mon état. Je n'ajouterai pas le sempiternel "pour vous servir" tant il me semble inapproprié ici. Je doute que ma vocation ait guère d'attrait pour une personne telle que vous. Peut-être en revanche accepteriez-vous ma simple compagnie à votre table ?

                  Merlyin se sentit soudainement hésitant dans le choix de ses mots. Pourquoi fallait-il ainsi que cette conversation prenne tant d'importance à ses yeux ? Il ressentait une impérieuse envie de lui plaire. Non pas de la séduire mais simplement de lui faire bonne impression. Pourquoi ? C'était ridicule... De l'amour ? Grotesque, il ne la connaissait pas. C'était autre chose. Quelque chose d'indéfinissable. Quelque chose qui réveillait un besoin profondément enfoui en lui. Une faiblesse, une meurtrissure fortement ancrée. Quelque chose d'extrêmement désagréable donc. Il ne s'amusait plus du tout.

                  Il sentit soudainement qu'il avait totalement occulté le monde extérieur et qu'il avait, l'espace d'un instant, laissé tomber le masque sur son visage. Il sentit le froncement de ses sourcils, le rictus désagréable de ses lèvres pincées et le regard terne de la lassitude. Il s'efforça de se reprendre avant que quelqu'un ne le remarque. Non, avant qu'elle ne le remarque. Les autres ne comptaient pas.

                  Il soupira et s'agita sur sa chaise, refoulant son envie de tourner les talons.


                  - J'aurai aimé vous dire à quel point votre regard me fascine mais vous n'y verriez qu'hypocrisie et présomption de ma part. Je voudrai vous dire que je trouve votre prénom charmant mais vous n'y verriez qu'un grossier stratagème pour vaincre votre méfiance. C'est  généralement l'effet que je produis sur les femmes d'esprit. Cela ne me pose habituellement aucun cas de conscience. Pas ce soir pourtant. J'aurai été sincère en vous disant cela et je ne trouve pas le cœur à être raillé. Cela me surprend moi-même.

                  Merlyin soupira à nouveau. Pour la première fois depuis bien longtemps quelque chose avait éveillé son intérêt. Pour la première fois depuis bien longtemps il désirait quelque chose. Et pour la première fois depuis bien longtemps il voulait fuir la discussion. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez lui ?

                  - Dame Mélusine n'en prenez pas ombrage mais je ne me sens le cœur à cela. Je suis sans doute fatigué...

                  Il se leva avec ce qui ressemblait presque à un geste d'humeur et de dépit. A cet instant il se haïssait plus qu'il n'aurait su le dire. Il jeta à la jeune femme un regard chargé de plus de désarroi qu'il ne l'aurait cru et quitta la table pour aller s'installer à une table libre dans un recoin plus calme de l'auberge. Il sortit son luth et entreprit d'en pincer machinalement les cordes, en proie à ses plus sombres démons.
                  Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Mer 24 Jan - 20:01
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                    La note et la fleur


                    Elle avait pu suivre sur son visage le cheminement de ses émotions. Elle qui avait tenté de ne pas l’effrayer, elle avait complètement raté son coup. Bien qu’il lui répondit avec amabilité, elle avait su qu’il s’était complètement refermé avant que les mots ne franchissent ses lèvres. Elle pencha la tête légèrement sur le côté, attentive, alors qu’il finit tout de même par se présenter. Pourtant avant qu’il ne se décidât consciemment à la quitter, elle l’avait compris et elle resta un instant partagée entre deux réactions.

                    Devait-elle le laisser partir ainsi et retourner à ses affaires sans plus s’inquiéter ? Où devait-elle aller lui parler ? Elle se mordit les lèvres indécises, tandis qu’il s’éloignait pour s’isoler. Elle l’observa quelques longues minutes sans bouger. Ils n’avaient finalement pas échangé et pourtant, elle si le Trimurti l’avait placé sur sa route, ce n’était certainement pas pour rien.

                    Elle soupira et se releva tranquillement avant d’attraper son bâton de marche. Elle se faufila ensuite à travers la salle jusqu’à lui, bien qu’elle n’était toujours pas sûre de savoir quoi lui dire. Elle se planta finalement devant lui un sourire aimable et un regard doux sur les lèvres. Elle se pencha sur lui pour que sa voix lui parvienne sans avoir à parler fort.

                    - Je n’avais pas l’intention de vous railler, ne confondez pas femme d’esprit et femme mondaine… On peut avoir de l’esprit et apprécier une bonne discussion avec un voyageur.

                    Elle s’assit à côté de lui posant son bâton sculpté sur ses genoux. Son regard azur embrassa la salle.

                    -Dîtes moi, monsieur Blancport, seriez-vous d’humeur à me parler de vos voyages ?

                    Elle n’était pas sure du tout de bien s’y prendre, ni que ce fut une bonne chose. Pourtant, il y avait eu dans sa détresse quelque chose qui l’avait interpelé. Au moins s’il préférait vraiment être seul, elle ne quitterait pas la taverne en ayant l’impression de n’avoir pas fait son devoir envers lui. Elle s’arracha au spectacle de la salle pour reposer son regard sur le ménestrel guettant le moindre gestes lui indiquant s’il voulait la voir partir ou non.



                    Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Dim 4 Fév - 0:31
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                      Invité
                      Après quelques instants de réticence, Merlyin se détendit et ne pipa mot lorsque la jeune femme s’assit à ses côtés. A dire vrai, il se demandait encore pourquoi il avait eu une réaction aussi violente. Ce n'était certes pas dans ces habitudes de s'emporter ainsi. Perdre son sang froid était la plus mauvaise habitude qu'un ménestrel pouvait avoir. Il n'y avait rien de tel pour figer une salle entière et détruire toute la connivence que vous aviez mis de longues minutes à instiller.

                      Fort heureusement, Le jeune homme n'avait pas fait de coup d'éclat et son mouvement d'humeur était passé inaperçu de tous. Enfin de tous sauf elle. Il était évident qu'il n'y avait pas grand chose qui devait lui échapper. Bien que n'y connaissant pas grand chose, Merlyin se mit à penser qu'elle devait être une très bonne prêtresse. Le genre auquel les crédules en mal d'absolution se confessent aisément.
                      Merlyin exécrait ce genre de personnage incapable d'assumer ses propres faiblesses et trop lâche pour chercher la solution à leurs problèmes en eux-même. La confession avait ceci de bon qu'elle vous absolvait de toute responsabilité.

                      Merlyin continua à pincer les cordes de son instrument, de plus en plus paisiblement. On disait que l'instrument d'un ménestrel était le reflet de son âme. C'était vrai pour qui savait écouter. La plupart des badauds présents dans la salle, tous même sans doute, n'avaient pas dû remarquer la différence mais les notes s'étaient faites moins anarchiques, moins tranchées, coulant à présent tel un ruisseau paisible. Dans ces moments là, le ménestrel vivait une étrange symbiose avec son luth. Son état d'esprit influait sur sa mélodie et celle-ci influait sur son état d'esprit.

                      Ne sentant pas le regard de la jeune prêtresse sur lui, Merlyin se laissa aller encore quelques instants à jouer, travaillant un peu plus le rythme, entraînant quelques cassures dans les temps morts et ajoutant quelques envolées lorsque l'instant s'y prêtait. Le ruisseau avait pris un peu de vitesse et il serpentait entre les rochers, se canalisant puis accélérant, éclaboussant la rive, avant de s'allonger à nouveau lascivement dans un terrain plus herbeux.

                      Merlyin avait toujours vu sa musique tel un cours d'eau, sans trop savoir pourquoi. Dès qu'il fermait les yeux, il voyait ce torrent jaillir et s'élancer dans d'oniriques paysages. Il oubliait alors la technique et devenait architecte, sculptant la nature pour donner forme au ruisseau. La mélodie suivait alors d'elle-même les frasques de son imagination.

                      Au détour d'un méandre, il avait entendu la question de la jeune femme, lointaine et pourtant si présente. Il se prit à sourire en réalisant que la jeune prêtresse avait dans sa voix des notes aériennes qui se mariaient à merveille avec sa musique. Il eu soudainement envie de l'entendre encore, ne serait-ce que pour compléter le tableau qui s’esquissait dans son esprit.

                      - Vous parler de mes voyages ? Je n'y vois pas d'autre inconvénient que la crainte de vous lasser. A dire vrai il n'y a rien de vraiment passionnant à mon histoire. Je vais de taverne en taverne pour apporter un peu de joie aux gens du commun et accessoirement gagner de quoi vivre. Si ma foi vous ne craignez pas l'ennui, je consens ma foi volontiers à vous répondre, ne serait-ce que pour me faire pardonner de mon comportement.

                      Merlyin n'avait pas cessé de jouer pendant qu'il parlait et il fixait toujours le vide, en proie à ses visions oniriques. Toute son attention était pourtant portée en direction de la jeune femme.
                      Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Lun 12 Fév - 21:15
                      Anonymous
                        Invité
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                        La note et la fleur


                        Alors qu’elle s’assied, Mélusine se rendit compte que le ménestrel est complètement absorbé dans son monde. Une nouvelle manière d’en apprendre plus sur le ménestrel, de manière plus discrète toutefois. Elle put remarquer chaque changement de note, de rythme dans la mélodie qu’il jouait de manière distraite. Il y avait quelques choses de bien plus envoutant dans cette musique que ce qu’il avait pu jouer avant. Comme si elle pouvait finalement toucher une partie de son âme qu’il cachait précieusement…

                        Elle ferma les yeux et se laissa porter par la musique. Elle pouvait aisément se remémorer ce ruisseau coulant paisiblement juste à côté de la maison de ses parents. Comment elle aimait y tremper ses pieds avec ses frères lorsque ses parents avaient le dos tourné. Elle n’avait pas le droit d’y aller, bien sûr. Pourtant, le plaisir de l’eau glissant sur sa peau était presque aussi irrésistible que de pouvoir partager un moment complice avec ses frères…. Soudain, sa vision changea et elle ne se trouvait plus avec ses frères, mais derrière le couvent de l’île de Nacre. Elle avait de l’eau jusqu'au mollet et elle était en train de faire le mur… Le rouge lui monta légèrement aux joues alors qu’elle tenta de repousser ce souvenir-là.

                        Enfin, la mélodie se fit plus calme, plus posé la ramenant doucement à l’instant présent. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres, comprenant que si elle avait eu accès à son âme, il l’avait lui aussi entraîné à parcourir la sienne. Un bien joli pouvoir qu’avait le ménestrel sans le savoir. Peut-être qu’un jour, les dieux le lui montreraient. Elle se surprit à siffloter à son tour, bien qu’un peu faux et s’arrêta rapidement en rougissant légèrement de honte.

                        Elle ouvrit à nouveau ses yeux et profita de sa réponse pour ne pas s’attarder sur sa gêne. Avec un peu de chance, il n’aura même pas qu’un vilain oiseau l’avait vaguement accompagné dans sa mélodie. Elle se mordit un instant les lèvres avant de reprendre le contrôle et lui répondit d’une voix douce et pourtant assurée.

                        - Vous n’avez nullement à vous faire pardonner quoi que ce soit. Tous les voyages sont passionnants, c’est en voyageant que l’on fait des rencontres intéressantes.

                        Elle se tourna enfin pour le regarder à nouveau, lui offrant un sourire sincère et chaleureux, bien qu’une partie d’elle restait bouleversée par ce que lui avait fait ressentir sa musique.




                        Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Mer 14 Fév - 0:57
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                          Invité
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                          Merlyin eut une petite moue. Il avait espéré l'espace d'un instant que la jeune femme se raviserait. Même s'il adorait raconter des histoires, le jeune homme avait toujours considéré que ça propre existence était un bien piètre sujet. C'est en partie pour cela qu'il avait pris l'habitude d'enjoliver - c'était un doux euphémisme - son passé. Pourtant, Il avait l'intuition qu'il serait cette fois difficile de leurrer son auditoire.

                          - Souffririez-vous que je m'accompagne avec mon luth ? Cela m'aide à me concentrer et, si mon histoire ne parvient pas à éveiller votre intérêt alors au moins ma musique vous bercera-t-elle.

                          L'expérience avait doté le ménestrel d'un solide sens de l'observation et même de quelques rudiments de psychologie pratique. Il n'avait donc pas manqué de noter que sa mélodie avait touché quelque point plus tendre dans le cœur de la jeune prêtresse. Ne pas lui révéler, par un chemin certes un peu détourné, qu'il l'avait remarqué était bien entendu au-delà de ses forces. Pourtant, il ne pris pas la peine de savourer son effet et se concentra sur son instrument.

                          Rapidement, une mélodie, maîtrisée, millimétrée même, en sortit.

                          Au temps de jadis, chez le grand roi d'au-delà des mers
                          Vivait la cour la plus somptueuse qui soit
                          Chacun y vivait dans le faste, chacun y vivait dans la joie
                          Chacun sauf un, chacun sauf un
                          Car il était un jeune homme qui se languissait
                          D'un amour fou et irraisonné
                          Car il aimait le chant la poésie et la danse
                          Maîtresses capricieuses des âmes errantes
                          Il se languissait tant et tant qu'un jour il alla voir son roi
                          Lui demandant congé, lui demandant congé
                          Pour son amour aller pourchasser
                          Chacun à la cour se rie de lui qui quittait tout pour rien
                          Chacun à la cour se rie de lui qui partait loin sans espoir aucun
                          Chacun sauf une, chacun sauf une
                          Car la princesse se languissait de ce beau jeune homme
                          Qui par son silence avait ravi son cœur
                          De longues années le jeune homme parcouru le monde, chassant chimère, suivant légendes
                          Et ne s'en revint à la cour qu'après tant de temps
                          Que la cour tumultueuse à jamais s'était tue
                          Chacun s’en était allé, chacun s’en était allé
                          Chacun sauf elle, chacun sauf elle
                          Parmi les feuilles mortes l'attendait la princesse
                          Fidèle à son cœur depuis le premier jour
                          Fidèle à son cœur depuis le premier regard
                          Elle lui offrit son amour et bien plus encore mais ne récolta qu'un sourire
                          Hélas belle amie lui dit le jeune homme. Je chéri votre amour mais ne peut le recevoir
                          Car à courir les muses mon cœur s'en est empli
                          Et je ne puis plus être aimé que des déesses et des fées
                          D’aucunes sauf d’elles, d’aucunes sauf d’elles
                          Qui m'ont fait compagnon de l'amour
                          Qui m'ont fait trouvère pour toujours


                          Merlyin laissa les dernières notes de musiques mourir lentement en savourant son effet. Autour d'eux, les clients s'étaient tus pour l'écouter chanter.

                          Satisfait de son effet, le ménestrel se tourna vers la prêtresse. Bien entendu elle n'avait pas été dupe... Il ne s'en sortirait donc pas par une pirouette... Résigné, il se pencha à nouveau sur son luth. Les notes qui naquirent cette fois étaient moins sophistiquées, moins travaillées, plus chargées d'innocence et de candeur juvénile aussi. Elles évoquaient le passé, l'enfance et ses illusions.

                          Longtemps j'ai rêvé mes voyages
                          Perdu dans des pensées volages
                          Souvent j'ai quitté une vie qui n'en était pas une
                          Enviant le Soleil comme la Lune

                          Plus que le bonheur ou la misère
                          C'est l'ennui qui m'a bercé naguère
                          Las de ne pas vivre, las de ne pas mourir, j'ai fui un foyer
                          Laissant père et mère et tout ce que je ne savais plus aimer
                          S’ôtant alors des Espines, je me jetais sur les routes
                          De Melila en Nera, sans un projet mais sans le doute[/i]

                          Merlyin interrompit son chant tout en laissant la musique s'écouler. Elle s'était teintée de mélancolie et quelques sonorités trainantes s'y mêlaient parfois. Il laissa les notes prendre le pas avant de reprendre.

                          Voyez ma dame, rien que de très ordinaire.
                          De quoi mortellement blesser la muse du trouvère.
                          Une enfance par trop quelconque pour un esprit rêveur.
                          Pas assez de panache, pas assez de grandeur.
                          Alors d'un luth me fit une amie
                          Une amante même que je nommais "ma mie"
                          Les humains par leur nature souvent déçoivent
                          Car l'intérêt pensent-il qu'à eux seuls ne doivent
                          Tandis que la musique offre sans rien demander en retour
                          Le chaland dans son cœur est avare en amour


                          Merlyin sentait la mélodie lui échapper aussi s'interrompit-il à nouveau. Il était bien trop vulnérable quand il se prêtait à cet exercice et la mélancolie alors semblait se tapir au plus prêt de lui, prête à bondir. Refusant de se laisser gagner, le ménestrel raffermit son emprise sur ses notes et revint à une trame de fond plus simple tandis qu'il poursuivit sur le ton de la conversation.

                          - En Melila comme en Nera je n'ai pas trouvé ce que je cherchais. Je n'ai d'ailleurs pas su ce que je cherchais réellement. L'amitié ? L'amour ? Des attaches ? Un peu tout cela sans doute. Je crois que je cherchais avant tout un sens à tout cela, à cette grande farce qu'est l'existence des gens du commun. Et puis, n'étant pas certain de vraiment exister, j'ai renoncer à demander pour ne plus que donner. J'offre ma musique, contre une juste rémunération s'entend. J'offre aux autres ce que je ne peux obtenir, suscitant ces émotions qui me restent étrangères. Dès lors, mes pas me guident de ville en ville, sans but, vivant au jour le jour de plaisirs simple sans autre espoir que ceux du quotidien.
                          Re: La note et la fleur [Mélusine] ─ Dim 4 Mar - 10:43
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                            La note et la fleur


                            Elle avait bien vu la moue sur son visage. S’il avait espéré échapper à devoir se raconter, c’était seulement, car il ne la connaissait pas. Sa curiosité était, bien connue par sa famille et ils savaient que rien ni personne ne la dissuadait lorsqu’elle avait décidé quelque chose. Pourtant l’espace d’une seconde, elle crut que l’homme allait se défiler.

                            Finalement, lorsqu’il demanda d’être accompagné de son instrument de musique, elle soupira discrètement rassurée et lui fit signe de faire comme il lui convenait. Qu’importe qu’il s’accompagne de musique, si cela lui laissait croire que la musique était plus intéressante que l’histoire. Bien sûr, elle savait qu’il avait perçu son émoi en l’écoutant la première fois. N’était-ce pas le but de tous musiciens ? Elle sourit aimablement et le laissa se lancer.

                            La première partie n’était la que pour faire son petit effet et elle en eu la confirmation en voyant la salle se taire peu à peu pour l’écouter lui. Non, ce n’était pas son histoire à lui et un simple échange de regard entre eux, l’incita à reprendre son récit. un très léger sourire de satisfaction traversa son visage lorsqu’enfin, il lui donna ce qu’elle voulait entendre. Et elle le laissa finir observant de manière différente l’homme et la salle… La manière dont il captait toute la lumière et l’attention.

                            L’attention, c’est exactement cela ! L’homme avait besoin d’attention. Elle aurait pu détailler plus loin sa pensée, mais la musique avait cessé et il attendait une réponse à tout ceci. Son regard se fit plus doux alors qu’elle se pencha pour murmurer à son oreille quelques mots.

                            -Il n’y a rien de mortellement ennuyeux à écouter un musicien qui cherche une réponse. Certains la trouvent dans la religion, d'autres dans la musique… Mais n’avez-vous vraiment aucune idée de ce que vous cherchez ?

                            Elle recula à la fin de ses mots pour plonger son regard clair dans celui du musicien. Elle prenait encore une fois le risque de le voir fuir devant sa question. Qu’importe, il avait besoin d’aide et elle avait mise sur son chemin pour le guider. Qu’il l’accepte ou pas !



                            Re: La note et la fleur [Mélusine] ─
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