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Almarine de Servalan
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Almarine de Servalan ─ Dim 24 Déc - 15:19
Almarine de Servalan
    Almarine de Servalan
    Artiste peintre

    Almarine de Servalan


    “Ut pictura poesis”



    28 ans
    Originaire de Sairdagne, Néra
    Vassalité : Duché de Néra
    Statut social : Citoyenne
    Son métier : Artiste peintre


    Caractère


    Almarine est le résultat de l'union improbable de deux caractères tellement opposés qu'il ne pouvait en résulter qu'un assemblage chaotique et parfois incohérent. Côté pile, même si elle n'aime pas l'admettre, elle ressemble beaucoup à son père : elle a sa créativité folle, son tempérament enflammé, ses excès d'humeur qui la font parfois passer d'une agitation excessive à la langueur la plus mélancolique. De lui, elle tient aussi la fierté, une sorte d'orgueil farouche qui lui font parfois avoir le verbe un peu trop vif, le goût pour la joute verbale et la confrontation. De lui, aussi, les faiblesses : cet égoïsme instinctif dans lequel elle se réfugie pour ne pas souffrir de ce qu'elle ressent, le déni permanent des failles et des souffrances, l'échappée perpétuelle pour ne pas les affronter. La fêlure du père, ce mal indistinct dont il souffre sans le savoir lui est passé dans le sang, et tout comme lui, elle tente seulement de garder la tête hors de l’eau. Elle craint les ténèbres et la solitude pour ce qu'ils lui rappellent de cette angoisse permanente qu'elle garde au fond du ventre, et ce qu'elle ne peut ou ne veut affronter, elle le fuit.

    Côté face, et c'est ce qu'elle admettra plus volontiers, Almarine a aussi beaucoup hérité de la rigueur sévère de sa mère, de son intelligence vive et de son goût pour un certain ordre, et pour plier le monde à sa volonté. Sans doute n'est-elle pas aussi raisonnable et tranquille qu'elle aime le prétendre, mais sa mère est un modèle auquel elle aspire, par sa dignité souveraine de matrone accomplie qui règne sur une maisonnée prospère. Elles ont la même dureté au fond du cœur, une sorte de réalisme fataliste, presque pessimiste, qui n'accorde sa confiance qu'à bien peu de gens et observe, beaucoup, attentivement, les faits, le gestes, les paroles et les mœurs. Elle manque de tendresse, souvent, faute de savoir l'exprimer, et elle quand elle en fait montre, la douceur et l'amabilité ne sont que de façade : il faut savoir déchiffrer le silences, les subtilités des expressions et de la voix, pour vraiment comprendre.

    Almarine est une sorte d'orage permanent où s'affrontent ces deux facettes qui tour à tour s'imposent et se dérobent. Elle épuise, parfois, par son agitation perpétuelle, qui est une échappatoire bien pratique pour s'éviter d'avoir à réfléchir sur elle-même et sur ses propres sentiments. Elle ne sait que trop bien ce qui arrive quand elle songe à cela, et souvent ce sont des heures bien lugubres qu'elle craint et redoute, tout en les sachant tôt ou tard nécessaire. Si elle sait être solide, et d'une force de caractère peu commune quand il s'agit de mener ses affaires courantes, une certaine lâcheté ne manque pas de se faire jour quand il s'agit de choses plus personnelles et de fait, Almarine souffre continuellement d'une solitude et d'un isolement qui la minent de l'intérieur, faute d'avoir su comment parler de ces choses-là, et s'ouvrir à ceux qui auraient pu l'écouter.

    De l'extérieur, rien ne paraît de tout cela : elle a le contact facile, elle parle souvent beaucoup, mais cela reste toujours en surface et elle ne se lie pas, ou seulement très peu, en demeurant très secrète, même pour ses proches à qui elle présente le masque le plus convenable. Quelques personnes savent contourner l'orgueil qui lui fait refuser de confier ses fêlures et ses faiblesses, mais elles sont trop rares, trop loin, et le commun ne peut se contenter que des apparences qu'elle veut bien se donner et que peu remettent en doute, de surcroît. Aux autres elle paraît solide, brillante, souvent un peu froide, mais l'esprit éclipse le reste : elle est très cultivée, curieuse de tout sans vraiment de discrimination, car autant que les unions charnelles, ce sont les conversations, les débats et les controverses qui l'animent et réveillent une énergie infatigable.


    Physique


    Almarine est une petite femme énergique et sèche, sans guère d'attraits. Elle pourrait presque être laide, avec sa figure trop maigre, ses traits sévères et sa froideur altière qui lui fait le regard dur. Le teint est pâle, livide souvent, faute de soleil, signe d'une vie passée en intérieur. Si elle n'avait l'excuse d'être rousse, comme ses sœurs et comme sa famille paternelle, on l'eut crue malade par faute du teint diaphane et de sa silhouette grêle.

    La peintre est de ces gens qui, par l'allure, compensent le manque de grâce de leur apparence : si au premier abord l’œil cherche en vain chez elle les rondeurs et les charmes qui sont l'apanage des dames de son âge, Almarine frappe souvent par son maintien très digne et l'éclat farouche de ses yeux outremer. La force de caractère transpire chez elle, dans la retenue nerveuse des gestes, dans le mouvement de ses longues mains fines qui accompagnent souvent ses paroles, dans tout ce qu'elle dégage, comme une flamme qui irradie à travers elle. Le sourire est souvent, pointu et le regard perçant, empli d'une cruauté innocente, inconsciente, qu'aiguise sa propension à regarder les gens beaucoup trop fixement. Il y a toujours eu chez elle comme quelque chose de vif, de tranchant, qui donne à son fin visage la même joliesse dérangeante que l’on pourrait trouver aux diamants et aux objets coupants, toutes en angles et en froideur.

    C’est une femme de caractère, et cela se voit : en vérité, on pourrait lire sur elle, sur son fin visage si expressif toute la palette de ses émotions, de la froideur la plus calculatrice à la passion qui l’anime et fait briller ses iris d’un éclat nouveau. Parfois, le tranchant s'émousse, le sourire éclot et les passions viennent tôt ou tard éclairer ses yeux orageux, et rendre un peu de sensualité à ces traits trop minces. En vérité, l’esprit vient en renfort de l’apparence quand elle s’anime, elle se dépouille de sa froideur pour gagner en attraits. A l’œil exercé, elle se trahit souvent, par l'expressivité du regard qu'elle tâche de contrôler, par petites touches subtiles par lesquelles elle se laisse lire du bout des yeux : ce qu'elle tait finit toujours par transparaître dans les attitudes, les gestes, le ton de la voix.


    Histoire


    Il y avait de la pluie, m’a dit ma mère, le jour où je suis née. Une averse crépusculaire, de celles qui mouillent les automnes venteux de la côte, poussée par les alizés marins vers les hauteurs de la ville. Par la fenêtre ouverte, elle disait avoir vu le soleil radieux du soir se mêler aux rideaux de l’ondée et faire comme des draperies d’or liquide et de lueurs ambrés, comme si la lumière s’était soudain matérialisée dans l’eau qui ruisselait des nuages venus de l’océan. Elle s’était réveillée sur cette vision, sur la fenêtre ouverte de sa chambre qui irradiait des reflets superbes sur les toits détrempés, et déjà je dormais sur son sein.

    Je suis née ainsi, un jour de soleil et de pluie, un jour de lumière mouillée et de clartés crépusculaires tandis que soir tombait tout doucement.
    Alors, est-ce ainsi que je suis : toute faite d’obscurités fugaces et de lueurs vives, des impressions mélancoliques et sublimes de ces paysages d’automne, des frissons de la pluie sur les vagues. J’en ai les contrastes, la langueur et les contradictions.


    Ainsi commençaient les premières pages de ce carnet qui fut rempli, des années durant, de l’écriture fine et nerveuse d'Almarine. À trop fréquenter les livres, à trop vivre dans l’ombre des histoires, il lui avait semblé qu’il lui fallait revenir à la sienne, à la source et à l’origine, parce que toute histoire semble importante, et rien ne peut être trop négligé, trop infime, pour être digne d’être consigné.

    Néanmoins, il manque à cet embryon de récit quelques éléments. Commençons par le commencement : en Sairdagne où elle est née, le nom de Servalan était plus souvent synonyme d'esprit chafouin que d'exploits guerriers. On n’était pas très riches, pas très ambitieux non plus : cette vaste famille d’intellectuels rouquins à la mine sèche et finaude ne comptait guère que quelques aïeux plus fortunés pour distiller quelques héritages cossus au fil des branchages placides de cet arbuste perdu dans les vastes futaies nobiliaires qui entrecroisent leurs blasons.

    On avait le goût de l’étude, du savoir et des arts et faute de jouir de richesses sonnantes et trébuchantes, ce furent de fertiles esprits qui naquirent de ce sang fécond, riches de leurs connaissances et de leur éternelle soif d’apprendre. Notaires, comptables, secrétaires, hauts fonctionnaires au service de lignées plus prestigieuses, les aïeux d'Almarine ne brillaient vraiment que par leur esprit, en vérité. Il y eut heureusement quelques artistes, ça et là, quelques poètes et musiciens, un grand-père qui se piquait de peinture, pour égayer un peu ce triste défilé de raideurs administratives en habit sombre d’hommes de lois et de dames de compagnie.

    Et puis, il y eut Syvel, le fantasque, l’artiste. Non pas qu’on le considérât mal, dans la famille, mais disons qu’il y eut toujours une mince réserve, un peu de suspicion, un brin de méfiance à son encontre, parce qu’il était décidément bien trop étrange, bien trop imprévisible, pour tout dire bien trop « lui-même » pour réussir à faire l’unanimité.

    Au moins ne dérogea-t-il pas à la tradition familiale : c’était un intellectuel et un esthète, dont l’esprit brillant drainait la compagnie de grands poètes et d'une foule d'artistes qui vivaient un peu à ses crochets. Lui-même se piquait d'être artiste, quand l'administration de son domaine lui en laissait le temps. Touche à tout, mais pas forcément génial, il avait le mérite de son enthousiasme perpétuel et débordant pour toutes choses, un peu épuisant à la longue, mais tellement fascinant à observer. Soline, sa femme, n’avait pas la même passion que son époux, néanmoins partageait avec lui des goûts communs, une certaine culture raffinée et splendide qui fleurissait avec vigueur dans leur châtellenie de Sairdagne. Ce point commun était le lot de consolation de leur union forcée par des intérêts économiques et qui avait vu s'unir deux personnages aussi mal assortis. Et puis, elle avait une autre qualité qui était primordiale quand il s’agissait de se mettre en ménage avec lui : le pragmatisme — et, disons-le tout net, le cynisme — qui faisait cruellement défaut à son mari, lequel avait, confronté aux bassesses de l’existence, la force morale d’une poule incontinente.

    Difficile donc pour Almarine de rentrer dans les clous, munie d’une ascendance pareille. De mémoire, rien ne fut jamais très banal, chez elle.

    Lorsque je peine à m’assoupir, il m’arrive de respirer l’odeur de l’encre et du vieux papier. Je me berce de souvenirs, de douces réminiscences, et je me rappelle du sourire de mon père qui peignait à la lueur des chandelles tandis que je m’endormais près du feu, au milieu de ses dessins. Je pourrais cartographier de mémoire les mers, les continents et les rivages de cet univers intérieur qu’était son atelier : des cascades de feuillets griffonnés, des toiles défaites et démembrées, des ossements de pinceaux, des mares d’encres et de peinture, des montagnes de pigments, de terres, d’ocres, des flacons aux odeurs nauséabondes et aux étiquetages mystérieux, tout cela formait comme des paysages entrevus dans un songe.

    Au rez-de-chaussée de la propriété agricole qui était leur demeure, Syvel avait installé ce qui tenait autant de la caverne aux trésors que du débarras, et que certaines âmes bien propres se seraient chagrinées de le voir appeler son atelier. C’est là qu'Almarine a passé le plus clair de son temps, bien plus qu’à l’étage qui servait de logement, à regarder son père peindre, sculpter, modeler, composer, et s’adonner à toutes les folies créatrices que son esprit pouvait engendrer. Sous ces auspices favorables, les talents d'Almarine s’épanouirent avec vigueur et que pouvait-elle devenir d’autre qu’artiste, après cela ? Ses sœurs n'eurent pas cette chance, pour leur part. Dernière née de trois enfants, Almarine était celle dont on ne sut vraiment que faire, et qu'on livra à l'étude, puisqu'elle manifestait d'évidentes dispositions pour cela. Ses aînées étaient pour leur part destinées à devenir de parfaites maîtresses de maison. L'aînée hériterait du domaine, l'autre avait été fiancée à huit ans pour parfaire une de ces alliances dont Soline avait le secret.

    Quant à Almarine, eh bien, si on ne pouvait la marier faute d'argent et de terres pour la mettre en ménage, on en ferait une dame du monde, et Syvel fut ravi d'avoir une enfant toute livrée à lui et que sa femme n'avait pas vraiment le temps d'élever. Soline concentrait en effet toute son attention sur ses aînées et laissait bien plus de libertés à sa cadette, ce qui ne manqua pas d'exciter les jalousies entre sœurs. Almarine ne fut jamais vraiment proche d'elles, et il n'y eut guère d'amour entre les trois enfants du couple, du fait de ces différences d'éducation.

    Ce fut pour Almarine une enfance studieuse, à l’ombre des chevalets, sous les tréteaux chargés de peintures, dans les vapeurs parfois délétères des essences et des encaustiques. Petite, elle apprit à seconder son père et passait ses journées à regarder les artistes au travail, ou bien à écouter composer les poètes.

    De tous temps, Almarine ne grandit jamais seule. Il y avait toujours quelqu’un, dans cette grande maison qui tenait du moulin : apprentis en maraude, clientèle nobiliaire et amis qui s’attardent, invités de passage et famille pressante, jamais ce n’était vraiment calme dans l’agitation perpétuelle de cette grande villa. Elle n’en conçut aucune gêne ni aucun trouble : enfant remuante, elle aimait écouter les conversations des grands, épier leurs jeux et leurs beuveries, ouvrir toutes grandes ses oreilles de gamine pour mieux comprendre ce qu’il y avait tout autour. Ce fut une petite fille très vive, un peu capricieuse et sans doute trop gâtée par son père dont elle fut définitivement la fille préférée, et à l'égard de laquelle il fit preuve d'une indulgence excessive que Soline ne pouvait corriger.

    Les visiteurs lui prêtaient souvent grande attention et nombre de grands poètes, de peintres, de collègues et d’amis cultivés de son père et de sa mère participèrent ainsi à son éducation, tandis qu’elle apprenait les lettres dans certains manuscrits que des collectionneurs fortunés s’arracheraient aujourd’hui. Habile et attentive sous ses dehors d’écervelée, Almarine adorait mettre la main à la pâte et participer aux travaux de son père : préparer les pigments, broyer les mélanges, étendre les enduits et les apprêts, distiller les vernis et les vapeurs pour obtenir la quintessence de la couleur. Elle en conserva une connaissance encyclopédique des us de la peinture, en plus d’une pratique régulière à laquelle elle s’astreignait entre deux caprices artistiques qui l’amenèrent à toucher à la musique et à la poésie avec sa mère, et à d’autres arts. Rien ne semblait satisfaire cet âme qui papillonnait de chose en chose, créait ça et là, s’en allait plus loin découvrir autre chose, puis revenait à ses premières gammes comme si de rien n’était. L'insouciance était de mise, pour Almarine et pour Syvel, pendant que Soline et ses filles aînées travaillaient à la gestion du domaine et à de plus basses préoccupations pécuniaires.

    Je crois parfois avoir compris, dans mon jeune âge, le péril des situations dans laquelle l’inconstance de mon père pouvait nous plonger. J’ignore si cela vient des menaces que j’entendais dites à voix basse par quelques hommes d’armes égarés devant notre maison, ou bien de l’inquiétude sourde qui émanait de ma mère lorsqu’elle s’enfermait avec lui dans leur chambre pour parler de choses « importantes ». Je la voyais se dresser, fière et digne, quand mon père semblait choisir de tout ignorer, comme il le faisait avec chaque chose qui pouvait le contrarier. Tout, l’ignorance et l’imbécilité, la naïveté jusqu’à l’idiotie, pourvu qu’il n’ait à craindre, pourvu qu’il ait à souffrir. Il disait que ma mère me souillait de ses angoisses, de son sens aigu du réel : au début je le crus, je lui en voulus à elle, de ne pas entrer pleinement notre monde parfait tout plein de rêveries. Je compris plus tard à quel point j’étais dans le faux, à quel point elle en souffrit, aussi, de me voir liguée contre elle alors qu’elle tâchait seulement de maintenir un ancrage dans la réalité à cette maison qui allait perpétuellement à vaux l’eau.

    Pendant que mon père composait des sonnets sur le deuil, ma mère essorait en secret ses linges souillés par ses fausses couches, car ainsi allait notre maisonnée.


    L’âge venant, la mauvaise foi de Syvel crevait les plafonds. Plus il vieillissait, plus il s’enfermait dans son monde, refusant de voir ce qui l’entourait, refusant même de prendre acte des souffrances, des malheurs, de tout ce qui pouvait lézarder son univers si parfait. Ce n’est que bien tard que sa fille comprit que cet aveuglement forcené cachait en fait une terreur maladive du monde réel et de ses duretés, symptôme d’un mal profond et incurable qui rongea Syvel toute sa vie durant. Dans l’activité frénétique et la création forcenée, il ne faisait jamais que tenter de se guérir, ou de fuir les tourments de son esprit malade. Mais hélas, même son épouse n’en sut ni ne comprit rien de cela, et cela ne fit qu’empoisonner toujours plus leur vie de famille.

    C'est au seuil de l'adolescence qu'Almarine comprit cela, et quelque chose se brisa. La confiance et l'amour pour son père, parce qu'elle voyait à présent ce qu'il avait causé de souffrances autour de lui en l'enfermant dans une bulle heureuse, certes, mais où nul autre ne pouvait entrer. Ce fut comme une trahison, et de se savoir pareille à lui, toute aussi marquée par la noirceur infime qui lui lézardait l'âme depuis toujours, de se savoir si semblable à lui, cela lui inspira comme une horreur secrète. Elle ne put admettre qu'il avait fait cela parce qu'il cherchait simplement à la protéger et se détourna de lui. Soline se désola de voir Syvel s'abîmer dans la solitude et le déni, alors qu'Almarine prenait de l'âge et s'isolait à son tour face à l'irresponsabilité de son père et à sa propre sévérité envers lui.

    Almarine se découvrit seule, alors : sa famille lui semblait étrangère, et en-dehors du cercle qui gravitait autour de son père, de ses apprentis, de ses amis, il n'y avait que bien peu de monde. Quelques maîtres, quelques domestiques qui la suivaient depuis l'enfance, quelques connaissances de son âge qui avaient grandi avec elle dans la petite cour d'artiste pensionnés par ses parents, mais si peu, au regard de l'agitation perpétuelle et de l'attention constante dont elle avait fait l'objet jusque-là ! Elle se renferma sur elle-même, alors, et s'épuisa au travail comme à l'étude, échappatoires à ses angoisses et à ses chagrins. Elle se retrancha du monde pour mieux l'observer, le débiter en morceaux, et se l'approprier sans se laisser atteindre par lui.

    Je ne sais si j’ai vraiment pensé cela en ce temps, mais j’en ai le souvenir très vif : j’avais pour résolution de savoir tout du monde qui m’entourait, même les faces les plus sombres, parce que j’estimais qu’on ne pouvait pas rendre compte du réel sans en connaître tous les aspects. Je faisais ainsi de mes modèles, de tous ces portraits que j’adorais tirer, ne négligeant aucune aspérité, aucun défaut, parce que c’étaient eux qui donnaient leur réalité, leur attrait aux œuvres finales. Peut-être était-ce aussi une façon que j’avais de tenir en laisse ma peur du monde extérieur, le réduire ainsi à de grands principes universels qui donnaient leur place même aux pires choses. Cela m’aida, et cela m’aide toujours, je crois : je tiens l’horreur à distance, je la réduis à des faits, des abstractions, des concepts. Je la coule dans mes tableaux, dans mes vers, dans mes dessins. Je l’apprivoise, je la sublime, je la distille à longueur de temps, pour lui donner une forme tolérable.

    Ainsi était la théorie, ainsi ne fut pas toujours la pratique : il y a des limites à ce qu’un stoïcisme détaché puisse endurer en matière de déconvenues et de chagrins, et Almarine eut son lot de cœurs brisés et de menues tragédies, de celles qui, paraissant sur le moment de grands drames, font répandre les sanglots avant de devenir de doux petits souvenirs pleins d’un goût nostalgique. Elle s’éprit, se soûla, roula de son lit au petit matin sans savoir comment elle y était arrivée, et connut en définitive un peu de toutes les aventures et de tout ce qui fait le sel d’une jeunesse sans terribles excès. Et puis, il fallut grandir. Syvel vieillissait et n'ayant guère de rapports cordiaux avec sa sœur aînée, Almarine savait ne pas pouvoir compter très longtemps sur les maigres subsides qu'elle lui accorderait : il lui faudrait partir, tôt ou tard.

    Sa meilleure chance, elle s'en rendit vite compte, était de trouver une famille assez riche qui appréciât ses talents artistiques et puisse lui servir de mécène. Bien qu'elle eut conscience qu'elle se promettait d'évoluer dans des milieux qui tenaient plus du panier de crabes que de l'assemblée de gentilshommes, c'était la solution qui lui permettait le mieux de vivre dans une aisance qui lui manquerait certainement. Et puis il y avait la cour impériale, et la cour des ducs de Nera, et sans doute beaucoup d'autres : il y a bien assez de nobles gens intéressés par le savoir pour qu'elle en trouve un qui aurait la générosité de la garder dans ses bonnes grâces. Elle avait vu bien assez d'artistes et d'intellectuels vivre aux crochets de sa propre famille pour avoir bien compris comment cela fonctionnait.

    Almarine était encore jeune et demeurait dans l'ombre de son père quand elle reçut ses premières commandes, quelques invitations à venir séjourner chez des mécènes désireux de la voir orner leurs murs de fresques ou de tableaux. Cela laissait augurer de bonnes choses pour l'avenir, même si elle ne pouvait encore se défaire de la comparaison perpétuelle de ses oeuvres à celles de son père : toujours, on la ramenait à cela, à ce qu'elle était, non une personne à part entière, non une artiste reconnue, mais la fille de Syvel de Servalan, auprès duquel elle avait toujours le sentiment de faire pâle figure. La rancoeur grandit, en même temps que la rivalité entre les deux : il était plus que temps de s'en aller.



    Compétences



  • Érudition - littérature - Niveau 2

  • Artisanat - Peinture - Niveau 3

  • Artisanat - Musique - Niveau 2

  • Étiquette - Niveau 2

  • Érudition - Musique - Niveau 1

  • Érudition - Rhétorique - Niveau 1

  • Érudition - Poésie - Niveau 2


  • Derrière l'écran



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    Re: Almarine de Servalan ─ Dim 22 Juil - 11:16
    Chroniqueur Impérial
      Chroniqueur Impérial

      Réputation - 04.08.2018



    • LA CAPITALE EVALON



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    • DUCHÉ DE LA CROIX DES ESPINES


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      COMTÉ D'EMERALD
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      COMTÉ DE POSVÁNY
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    • DUCHÉ DE VOLG


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    • ÎLE DE NACRE


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