Caractère
Blessé à la naissance, maltraité à partir de l’enfance et abandonné par la vie, Roan n’a rien d’un chanceux personnage. D’un côté, si la Foi lui permit d’atteindre l’âge de 32 ans, elle ne fit pas de lui un homme bon et aimant, mais plutôt un survivant opportuniste. Pour l’inconnu, pour le disciple ou le collègue et pour le proche, le père Lanza est un être aux multiples facettes.
Pour l’inconnu, le prêtre est un homme qui se fait respecter par sa présence irradiante et sa voix qui porte jusque dans les esprits. En le rencontrant, on fait connaissance avec un religieux calme et empli d’une sérénité bien caractéristique des ascètes. Au fur et à mesure que la discussion s’installe, on ne peut qu’être impressionné par le niveau de langue soutenu et le savoir abondant qui transparait dans le discours du père Lanza. Ensuite, on reconnait une certaine humilité; on se trouve devant un homme ayant fait don de sa propre vie au Trimurti, renonçant à lui-même pour l’atteinte de la connaissance. Ainsi, chacun de ses mots, de ses salutations et de ses expressions semblent faire référence aux divinités qu’il adore et semble aimer comme on aime des amis ou une famille. Définitivement, Roan Lanza est un dévot qui est proche de ses idoles; proximité que l’on remarque dans son visage qui s’illumine à leur simple mention. Finalement, à travers une froideur et une gentillesse aseptisée, on ressentira un désir sincère et insistant de faire connaître ses dieux à ceux qui s’en éloignent ou les évitent. C’est évident : le père Lanza est un ascète, un prêtre et aujourd’hui un missionnaire et il portera les bienfaits de sa religion jusque dans les cœurs les plus ignares. En fait, Lanza est à mi-chemin entre un guide et un sournois manipulateur.
Pour le disciple ou le collègue, il s’agit d’un personnage froid, austère et sans pitié. Très expéditif dans ses échanges avec les autres membres de la communauté religieuse, il recherche la solitude et exècre presque les échanges avec ceux de son niveau hiérarchique. Imposant parmi ceux qui le considère comme une autorité, il est cependant effacé au sein de ses égaux et d’une soumission sans égal envers ses supérieurs. Généralement méprisant, il fait souvent preuve d’une méchanceté gratuite envers ceux venant troubler son espace personnel pour quelque demande, ne manquant pas d’émettre un commentaire désobligeant sur une faiblesse qu’il a su repérer. Utilisant comme des armes des morales religieuses et des préceptes du clergé, il écarte ceux qui défient ses plans et défait ses rivaux dans l’ascension au pouvoir. Pour ceux qui demandent ses conseils et attendent ses enseignements, il est une figure fascinante pour ses disciples, craint par les novices qui cultivent des superstitions à son sujet, qui foisonnent vu sa condition médicale obscure et son histoire mystérieuse. Savant du Trimurti et spécifiquement de l’Astika de Tamas, on admire sa piété et sa capacité à prier pendant de longues heures, agenouillé et maintenant au niveau de son visage les textes de prière qu’il récite inlassablement. À tous les niveaux hiérarchiques de Nacre et sur toute l’Île, on connait le nom de Lanza et le personnage ne laisse personne indifférent. Si ses relations avec ses supérieurs ne sont pas toutes idéales, les Triarques et les plus hauts dignitaires de Nacre ne peuvent se permettre d’écarter un homme dont la piété et le dévouement sont hors de la normale.
Pour les proches, qui sont très peu nombreux, Roan Lanza est un homme qui se réfugie dans la foi car il s’agit là du seul havre de paix qu’ait connu cet enfant abandonné du destin. Lorsque l’on connait son histoire, il est plus aisé de comprendre les pointes du dédain que Roan darde souvent contre le monde extérieur, refusant fréquemment d’en faire partie. Quand l’on est un de ses rares ‘’proches’’, on voit un être humain qui n’a pas conscience d’une morale hors de celle de son dogme, qui, lui, s’imposa dans la vie de Roan Lanza comme un père et un protecteur. Pour le peu de véritable gentillesse dont il peut faire preuve, cette décence et amabilité est souvent teintée d’un désintérêt envers les autres ou habitée d’intentions sous-jacentes. Quoi qu’il en soit, ceux à qui il doit une certaine reconnaissance doivent accepter sa difficulté à créer de l’intimité avec les autres et à interagir dans un contexte non-religieux. La vérité est claire : un monde sans Trimurti est inconcevable et intolérable pour Roan Lanza, qui s’effondrerait comme un château de sable contre la mer.
Physique
L’âme de Roan Lanza habite un bien singulier véhicule. À en connaître la piété et la foi de l’homme de 32 ans, peut-être se serait-on attendu des dieux qu’ils façonnent une enveloppe majestueuse, à l’image d’un saint. En guise de récompense, le Trimurti aurait pu créer un corps fort et solide pour le plus dévoué de leurs fidèles, mais, hélas, leur volonté fut tout autre. En effet, Roan Lanza ne compte parmi ses atouts ni puissance miraculeuse, ni rien qui n’augure bien quant à ses chances de survie dans ce monde rude et cruel.
Enfant mal nourri, il fut victime très tôt de multiples carences et il serait possible de croire qu’il fut issu d’une grossesse négligée. Parmi les répercussions de ce manque de soins, on compte une microscopique taille, une carrure délicate lui ayant valu des surnoms plus cruels les uns que les autres, des troubles héréditaires variés dont un albinisme sévère et des maladies congénitales que son âge ‘’avancé’’ défie miraculeusement. Véritablement miraculé, on attribue sa survie à la miséricorde des dieux ou à leurs desseins, qui veulent faire de lui leur Voix et leur représentant en ce bas monde.
Haut d’à peine 1m57, il est un bien menu personnage dont la stature n’impressionne pas même les enfants, qui, toute sa vie lui ont joué les plus méchants tours et usé au maximum de sa patience. Véritable risée de l’Île de Nacre alors qu’il était adolescent, on abusait, parmi les novices, de sa délicate carrure pour l’impliquer dans toutes sortes de manigances où on ne craignait jamais de représailles de sa part. À l’âge adulte, il ne semble pas avoir pris un centimètre depuis ses 13 ans et on ne peut voir, malgré son métier, que très peu de définition dans sa musculature qui aurait dû être celle d’un homme dans la fleur de l’âge.
Victime d’un albinisme aigü et impitoyable, Roan est comme un spectre dans les faibles lueurs du jour qui baignent sa silhouette agenouillée dans les temples. Pâle comme un drap, il est aussi imberbe de la tête au pied et sa chevelure fine exhibe un ivoire maculé. Malade de cette malformation dès la naissance, il est cruellement atteint d’une myopie frôlant la cécité, symptôme observable par un déséquilibre oculaire et une translucidité troublante de ses iris. Ainsi, ceux qui, par pitié ou par mépris, cherchent son regard seront confrontés à des yeux oscillant involontairement et cherchant leur équilibre. Pour sa part, la seule chose qu’il ne put réussir à lire de toute sa vie sont les textes religieux qu’il doit porter à son visage dans la clarté absolue de son environnement. Cherchant les faisceaux lumineux des temples, il apprit donc à s’agenouiller dans la lumière des dieux en les laissant illuminer leur parole, un mot à la fois, mais en les évitant sur sa peau. Ainsi, photosensible, il dût craindre la lumière et la révérer à l’écart de toute sa puissance.
Malgré son handicap, Roan arrive à se déplacer dans l’espace en se fiant à son ouïe développée et à sa petite canne, ainsi qu’à ses disciples qui l’accompagnent dans les divers établissements qu’il fréquente. Pour venir encore davantage compliquer son quotidien, Roan est affligé d’une maladie congénitale affectant son sang, une sorte de ‘’malédiction’’ lui venant de sa mère dont le karma souillé infecta son fils. Les symptômes les plus importants sont une faible résistance aux maladies et une très faible capacité du sang à coaguler, même dans le cas d’hémorragies mineures. Par conséquent, on peut affirmer que Roan fut toujours très vulnérable aux conditions extérieures, préférant la sécurité et la paix de son temple aux imprévus des duchés continentaux.
Dans la vie de tous les jours, l’homme aime se parer de ses habits de prêtre lorsqu’il doit s’adresser à une audience ou fréquenter les bibliothèques de Nacre. Or, on l’aperçoit plus souvent dans ses vêtements d’ascète alors qu’il se trouve dans les quartiers des religieux, à toutes heures de la journée, en prière ou aux repas. Non négociable, sa canne l’accompagne partout, ainsi que son amulette de Tamas, qu’il porte au cou au bout d’une longue corde de billes de bois.
Histoire
Il y a 32 ans, dans une chaumière ordinaire du Comté de Mélila dans le Duché du même nom, naquit d’une union insensée le jeune Roan Lanza, héritier d’un amour interdit et caché des yeux de tous ceux qui auraient dû le célébrer. La mère de Roan, paysanne, s’était amouraché d’un soldat qui patrouillait les terres et exerçait la loi du seigneur. Lorsque la grossesse devint apparente, la jeune femme quitta les terres occupées par sa famille et donna naissance à l’enfant dans la propriété de la famille du père, qui avait accepté de veiller sur la jeune fille, pauvre et affligée d’un terrible sort. Or, malgré sa bienveillance, la famille qui avait permis à son fils de voir son propre fils naître dans l’enceinte du domaine familial, avait refusé de permettre au nouveau-né d’intégrer la famille paternelle. Sans aucun choix, le couple immoral n’eut d’autre choix que de laisser l’enfant aux soins des religieux et de regagner leurs vies respectives, sans quoi les chances de survie et de retrouver leur place dans la société auraient été absentes.
Ce fut donc d’abord les autorités paroissiales qui veillèrent sur la vie du petit, que les religieuses et les sages-femmes avait du mal à protéger. En effet, la santé du nouveau-né était d’une fragilité rare et son sort semblait maudit par les dieux, qui ne semblaient pas avoir voulu laisser de chance à la petite créature. Contre toutes attentes, l’enfant s’agrippait à la vie, alors que les semaines passaient et que la maladie perdait du terrain ou s’était résigné à un match nul. D’une blancheur et d’une petitesse, l’enfant suscitait beaucoup de clameurs et les superstitions se multipliaient à son sujet parmi la petite communauté paroissiale, très peu outillée pour venir en aide à un bambin si malchanceux. Très vite, on se rendit compte de ses problèmes de sang et son apparence ne laissait personne perplexe. Malgré tout, le nouveau-né fut béni en le sens où on tint à lui et à son droit de vivre, dans l’optique de préserver un bon karma en venant en aide au plus vulnérable des êtres.
À l’âge de 3 ans, alors que, à cause de tous ses problèmes de santé, l’enfant ne marchait pas encore, mais on jugea tout de même plus sensé de l’envoyer à Nacre où les installations de santé étaient plus adaptées et où les autorités cléricales pourraient décider définitivement du sort de l’enfant. Plus tard, alors qu’on le croyait profondément aveugle et sot, on se rendit compte peu à peu que l’enfant arrivait à suivre les enseignements qui lui étaient dispensés, lui que l’on mettait à l’écart dans les classes et que l’on traitait comme une bête inconsciente. Néanmoins, personne ne savait que l’enfant avait développé des capacités d’écoute hors du commun et une faculté de concentration anormale, lui qui ne pouvait que se fier à son ouïe et très peu à sa vue. Dans l’observation et l’écoute, isolée des interactions sociales que les jeunes avaient, Roan pouvait absorber beaucoup d’information et avec une justesse que seul quelqu’un dans sa condition détenait. Peu à peu, il gagna une place plus normale parmi ses semblables, qui ne l’acceptèrent vraiment jamais, mais qui, s’en méfiant, ne pouvait que reconnaître les capacités du jeune handicapé.
Toute son enfance, alors qu’il subissait les moqueries et les sévices de ses compères, enfants pour qui la foi n’était qu’un concept forcé et enseigné, Roan dût trouver les moyens de survie qui étaient à sa disposition. Usant de ruse et de manipulation, il gagnait la faveur des maîtres et des frères, qui voyaient d’un très mauvais œil les gestes disgracieux dont les élèves faisaient preuve à l’égard du jeune Ronan. Moins innocent qu’il ne le paraissait, on le voyait cependant comme un miraculé de Tamas, qui, normalement aurait reçu le Don de Tamas comme beaucoup d’autres. Ainsi, on ne le voyait non pas comme un élu ou un prophète, mais, dans le for intérieur de chacun, on cherchait à s’attirer les faveurs du dieu en respectant le caractère miséricordieux de ce dernier. Profitant d’une forme de privilège, Roan eut donc accès un enseignement d’une qualité unique, que ne l’on dispensait qu’à des enfants exceptionnels comme lui. D’un côté, toute l’institution était fascinée par son cas. D’un autre, Roan avait aussi une curiosité naturelle et une propension pour l’érudition qu’il vit se développer abondamment.
Quand il atteint ses 12 ans, on disait de lui qu’il avait déjà tout d’un important membre du clergé et d’un grand dévot, c’est pourquoi on l’intégra dans l’Astika de Tamas, décision qui ne fut pas la sienne, mais qui semblait naturelle vu le regard qui pesait sur lui. Très peu bavard, on ne vit jamais en lui l’étoffe d’un magister ou d’un professeur avant un âge avancé. Lors de sa préadolescence, on se contentait de lui inculquer un savoir ancestral en le poussant jusqu’au bout de ses limites, lui qui impressionnait ceux dont il était sous la charge. Ainsi, si tout semblait aller pour le mieux et que son progrès avait tout d’un parcours exemplaire, certaines embuches sur son chemin étaient des obstacles considérables. Terriblement malade, le jeune adolescent était, pour plusieurs et souvent, un cas d’absentéisme sévère, impactant son apprentissage. Pire encore, sa condition, mais surtout les faveurs qu’elle s’attirait, en rendait plusieurs jaloux et Roan fut victime de violence et même de méfaits lui ayant presque coûté la vie. Si la plupart des sévices n’étaient que de mauvaises blagues de la part de ses compères, des rumeurs couraient aussi comme quoi certains maîtres et clercs avaient manigancé contre lui. Quoi qu’il en soit, Roan n’oublia jamais ces moments sombres où les Hommes lui avaient envoyé un message clair : tu ne feras jamais partie des nôtres.
Sa spiritualité se développa et, à l’aube de l’âge adulte, Roan Lanza était devenu un pieu personnage, froid et mystérieux, dont l’ombre en intimidait plusieurs. À travers les années, il s’était rapproché des dieux et voyait en eux la seule source de pouvoir. Quoi qu’il fît ou voyait, tout se rapportait à eux, qu’il considérait comme des frères, des amis et une famille. Selon lui, c’était leur pouvoir qui coulait dans veines et c’était bien d’eux d’où venait la puissance qui brillait sur les pages des textes sacrés qui lui étaient révélés. Et cette dévotion irradiait et lui attirait le respect des autres, qui cherchait désormais à écouter ses paroles. D’un côté, beaucoup sur l’Île le craignait, car on croyait que ses talents particuliers étaient dues à sa condition médicale, qui, elle, lui donnait accès à une connaissance mystérieuse du corps et de l’esprit. D’un autre côté, on l’admirait, car il était évident que Roan excellait dans beaucoup de domaines, excellence qui lui avait valu le rôle de prêtre à un très bas âge. Or, dans tous les cas, on ne voulut jamais vraiment le connaître ou devenir son ami, on le tolérait, l’étudiait ou on l’évitait lorsque possible.
Doué en lettres, en littérature et en sciences religieuses, Roan était devenu une encyclopédie humaine, comme toute sa vie on l’avait mis en garde contre le monde extérieur et les autres, parlant des étrangers et des hommes en général avec un ton de danger. Au sein des autorités cléricales, par contre, on commençait à entrevoir un avenir pour le jeune prêtre et ascète ou, plutôt, une utilité particulière. Totalement façonné dans la foi et galvanisé de tous les moindres préceptes moraux, Roan était une arme secrète dont on ne tarderait à se servir, car on le croyait insensible à la tentation et immunisé contre le mauvais karma. Néanmoins, la vision qu’on avait de lui, celle d’un enfant fragile, ne quittait pas l’esprit de certains hauts dignitaires et c’est pour cette raison qu’on hésita longuement avant de s’en servir comme missionnaire auprès des sauvages. Également, Roan se trouvait dans le ‘’livre noir’’ de beaucoup, lui qui à plusieurs occasions avait montré son visage arrogant et méchant. Par conséquent, si beaucoup omettaient de mentionner son caractère exécrable au profit de ses aptitudes, il était évident que, dans le non-dit, son dédain des Hommes et des choses mondaines avait déterminé sa place, solitaire et marginale, au sein du clergé.
À l’heure de crise, suite à des cataclysmes ayant frappé le cœur de la foi et de terribles pestes ayant gangréné le royaume, les Triarques durent prendre des mesures d’urgence et se montrer créatifs dans l’utilisation de leurs ressources. Croyant qu’on pouvait user du pouvoir de ses mots et de sa maîtrise des sciences religieuses, on prit finalement la décision d’envoyer le père Lanza comme missionnaire dans la Croix des Espines, s’occuper d’une comtesse sauvage, de culture Thoréenne, qui ne semblait pas accepter le dogme des Triarques et que l’on peinait à convertir. Sans ne s’être prononcé sur le bienfondé de cette mission, Roan accepta la tâche et partit pour la première fois de sa vie, depuis son adoption à Nacre, dans le monde extérieur. Loyal à son clergé, il emprunta la voie qui lui avait été désignée et s’installa dans de la communauté paroissiale du Comté de la Croix des Espines. Là-bas, on l’avait sommé de mettre de l’ordre dans les affaires locales et devenir le plus proche possible de la comtesse barbare et même d’aller jusqu’à devenir son ami s’il le fallait. Clairement, la seule issue possible était la conversion totale, le renoncement à toute volonté indépendante de celle des Triarques et une foi cohérente avec les plus importants préceptes trimurtistes. Représentant l’autorité divine, Lanza devrait réprimander sévèrement toute faute, alors que cette dénommée Tyssia accumulait les récidives et autres immoralités.
Vulnérable à un univers inconnu, mais férocement armé d’une puissance que sa foi lui confére, le père Roan Lanza est donc maintenant un joueur clé dans la grande partie des puissances d’Eurate…