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[Terminé] La robe et l'armure
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[Terminé] La robe et l'armure ─ Dim 23 Juin - 12:49
Guillaume de Mornoie
    Guillaume de Mornoie
    Chevalier
    – Par les dieux, Guillaume, vas-tu tenir en place, un jour ? Les portes sont à peine closes et tu commences déjà à creuser un sillon dans le plancher à faire les cent pas de la sorte !

    Tout autour, les conversations baissèrent d'un ton. Celui qui venait d'interpeller aussi cavalièrement le chevalier de Mornoie était connu pour sa puissance vocale à faire trembler les murs, et son coffre sonore fut à peine suffisant pour contenir l'impatience de son compère qui allait et venait comme un ours en cage depuis qu'ils avaient été invités à rejoindre l'appartement prévu pour la suite du duc de Néra en l'attente de la fin des délibérations.

    – Je sais que tu es bien préoccupé, reprit Renaud, un ton plus bas, tandis que chacun revenait à ses discussions. Nous le sommes tous.

    L'homme tendit une coupe de vin à son ami, qui fut bue tout aussitôt alors qu'il ébouriffait ses cheveux d'une main fébrile.

    – Qu'y puis-je ? Tu sais ce qui est en jeu. Cela ne me regarde pas, mais enfin : Leurs Seigneuries sortiront de la salle du conseil avec un empereur — ou une impératrice, pour ce que j'en sais — ou n'en sortiront pas. Imagine ce qu'il adviendra de nous, si monseigneur Courage est élu.

    – Ah ça, pour sûr, ça fera un diable de chambardement, répondit Renaud avec une moue.

    Il ne pouvait s'empêcher de sourire, le vieux soldat, en voyant son cadet battre semelle avec la nervosité d'une jouvencelle avant ses noces. Mais comment blâmer Guillaume ? Il avait déjà les mains bien pleines à veiller sur son duc et à bercer ses états d'âme — lesquels s'étaient faits bien sombres après la mort d'Alastor — alors que penser de ce qui allait venir de plus si celui-là s'asseyait sur le trône impérial ?

    Guillaume, il fallait bien être honnête, se faisait vieux et n'avait plus la fougue de ses vingt ans. Une vie entière de chevauchées et de combats usait bien son homme, et quoiqu'il n'eut à souffrir d'aucun estropiement d'importance, il en venait à se demander s'il arriverait encore à être à la hauteur de sa tâche et à faire honneur à son serment.

    Renaud se leva de son siège et saisit son compère par les épaules pour l'emmener à l'écart. Outre un panel choisi des chevaliers de la Rose, nombre de dames et de seigneurs de la cour s'étaient joints à leur duc pour se rendre à Evalon : la fine fleur de la bonne société de Rivemorte se trouvait réunie dans les luxueux appartements qui avaient été préparés à leur égard, avec tout leur content de sièges pour leurs fessiers éprouvés par des jours de chevauchée et d'attelages inconfortables, et bien assez de vin et de friandises pour les faire patienter. De fait, on tuait déjà l'ennui en reprenant manigances, rumeurs et débats passionnés sur les pronostics concernant le prochain à ceindre la couronne impériale : Guillaume n'était pas le seul à faire montre d'agitation, car l'affaire était cruciale pour beaucoup, et point seulement pour les avancées à venir dans la politique de l'empire. Déjà, quelques sommes d'argent avaient changé de main, et une ou deux connaissances de Guillaume avaient commencé avant même leur départ de Néra à orchestrer des paris.

    – Écoute, dit Renaud sur un ton de conspirateur, j'ai quelques nouvelles pour toi qui pourront peut-être te donner à songer à autre chose. Tu sais que tout le gratin est venu se joindre à la capitale pour saluer notre nouvel empereur, il y a là quelques tiennes connaissances, et je suis sûre que tu en trouveras une ou deux propres à apaiser tes états d'âme.

    Guillaume demeura perplexe un instant, et puis se fendit d'un tout petit sourire retenu.

    – Je n'en doute pas, mais je n'ai pas à courir bien loin de Rivemorte pour cela, tu le sais. Allons, point plus de cachotteries, as-tu un nom ?

    – Eh bien, je me suis laissé dire que notre hiver passé à chasser le barbare dans les montagnes t'avait laissé quelques goûts nouveaux pour les crespiniennes. Il se trouve que la nouvelle comtesse est présente, et je devine qu'il te serait agréable d'aller lui présenter tes hommages. Après tout, vous aviez fini par vous entendre, tous les deux, et un gentilhomme comme toi devrait sans tarder lui dire tes félicitations pour avoir si bien gravi les échelons du pouvoir, ce serait la moindre des courtoisies.

    Le regard de Renaud, bleu comme un ciel d'été, perçait sous ses sourcils broussailleux et sa grosse trogne de sanglier. Comme souvent, il passait à travers Guillaume comme dans un verre limpide, et de fait, celui-ci n'eut pas le loisir de prétendre qu'il pouvait avoir tort. Il se tendit l'espace d'un instant, et puis capitula aussitôt et baissa les yeux d'un air vaguement penaud.

    – J'ai le plus grand respect pour la dame de Novigrad, commença-t-il.

    – Et voilà que tu lui gardes ce nom qui n'est plus sien, coupa Renaud avec une bourrade moqueuse.

    Le chevalier soupira et se pinça la racine du nez.

    – Pour madame la comtesse de la Croix des Épines, soit, se corrigea-il. Mais tu sais ce qui s'est passé là-bas, et combien j'eus scrupule à faire récit à monseigneur Courage des secrets qu'elle m'a dits. Je ne sais si je puis me présenter à elle à présent, sachant qu'elle se prit de confiance pour moi, et que je m'en suis montré bien indigne.

    – La comtesse est une femme solide, elle savait ce qu'il lui en coûterait de faire des confidences à un néréen de ta sorte. Allons, elle savait ce pour quoi tu étais venu là avec nous, et que ce n'était point uniquement par bonté d'âme que Sa Seigneurie a envoyé ses meilleurs chevaliers se geler le fondement en plein hiver dans leurs montagnes.


    Guillaume ne put répliquer, et se contenta de le fixer, sans rien dire. Elle était solide, sans doute, mais peut-être pas à ce point, car il avait encore le très vif souvenir de ses instants de vulnérabilité montrés à contrecœur, par la force des choses. Il avait fait le choix d'omettre dans ses rapports nombre de choses qu'elle lui avait dites, et, dans l'absolu, n'avait pas trahi grand chose de ceci : pour autant, il répugnait à se présenter devant elle. Nombre de fois, il avait fait passer les nécessités des missions confiées par son duc par-devers son propre honneur et s'était sali les mains pour garder les siennes intactes ; nombre de fois, aussi, il en avait conçu grand regret et grande peine, sans vraiment oser lui en faire reproche. Le pouvoir était un étau qui laissait peu de place à la grandeur d'âme, c'était un fait.

    – Personne ne te fera le reproche de t'être laissé attendrir par une sauvageonne,
    reprit Renaud, tout bas. Moi, en tout cas, je ne le ferais pas, même si je dois te reconnaître un goût bien étrange en matière de charmes féminins. D'ordinaire, tu les aimes plus civilisées que cela.

    Il se fendit d'un petit rire rentré et lui donna un coup de coude complice qui fit pauvrement sourire son ami.

    – Personne ? Non, je ne crois pas. Monseigneur m'en fit remarque, lui, et je sais que cela lui déplaît. Pour autant, tu dis vrai : elle est à présent comtesse, cela fait une différence, et il n'y a pas grand mal à aller saluer une compagne d'armes, n'est-ce pas ?

    Ces derniers mots furent prononcés sans grande conviction, il fallait bien l'admettre, mais cela sembla suffisant à Renaud qui relâcha son étau sur les épaules de son compère.

    – Te voilà revenu à la raison. Va donc, nous n'avons rien à faire de plus ici et il n'y a rien à veiller : Leurs Seigneuries en ont pour des heures à délibérer, j'en suis certain, et puisque nous sommes condamnés à l'oisiveté, autant en faire bon usage pour soigner nos relations diplomatiques.

    De fait, Guillaume laissa là la suite néréenne pour s'en aller par les couloirs. À tout prendre, s'extraire un moment du brouhaha des conversations de l'antichambre était plaisant et il erra un moment en renâclant un peu à son but, promenant sa haute silhouette en grand arroi d'azur et de mailles, malgré la chaleur précoce de l'été. Comme les autres chevaliers, il avait son grand manteau de drap outremer frappé au sceau de l'ordre de la rose et son tabard aux armes du duc, mais gardait, noué à son bras, l'écharpe noire qu'ils avaient mise en l'honneur de feu le duc Alastor. S'il ne manquait pas d'allure — il n'en manquait jamais, à vrai dire — les signes de l'âge venaient déjà ternir son plein éclat : des ridules précoces fendaient ses traits brunis par le soleil, et sa chevelure, comme sa courte barbe fraîchement taillée, tournaient lentement mais sûrement à la grisaille.

    Il faillit presque renoncer, passé un moment, et puis finit par s'enquérir d'où se trouvait la suite du duc Ferenc, afin que l'on fît savoir à Tyssia de la Croix des Épines qu'il souhaitait, à titre tout personnel, la saluer en personne.
    Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mar 25 Juin - 13:48
    Anonymous
      Invité
      Invité

      Élection du nouvel empereur

      Etre à Evalon avait réveillé des souvenirs douloureux, mais sa confiance dans son nouveau duc étant ce qu’elle était, elle avait tenu à l’accompagner. Malheureusement, le palais lui rappelait constamment sa rencontre avec Rian ainsi que le dénouement de l’histoire. Et, maintenant que le boiteux était entré dans la salle, elle n’avait plus de dérivatif aux demandes insistantes de ses conseillers. Ils s’étaient mis en tête de la marier depuis un certain temps. Ce qui bien sûr, déplaisait grandement à Tyssia.

      Aussi lorsqu’un messager se présenta pour lui faire savoir que le chevalier de Mornois demandait à la voir, elle en fut ravie et surprise à la fois. Elle n’eut pas à réfléchir longtemps avant d’accepter sa requête. En plus du plaisir qu’elle aurait à le revoir, il lui permettait de s’éloigner un temps de ses conseillers.

      Elle demanda ce qu’il fut conduit dans le salon des invités le temps qu’elle puisse s’esquiver plus ou moins poliment. Il fallait avouer qu’elle avait fait quelques progrès en étiquettes, mais qu’il lui arrivait souvent de s’en passer. Surtout qu’elle avait passé plusieurs heures la veille à rencontrer de possible prétendant d’un ennui mortel et qu’elle ne comptait pas recommencer aujourd’hui.

      Elle se regarda dans le miroir avec une moue dubitative. Encore une fois, on avait réussi à lui faire porter une robe d’un vert profond. Bien qu’elle est finie par trouver une couturière capable de retravailler ces tenues afin qu’elles gênent moins, Tyssia n’en était toujours pas adepte. Au moins lui avait-on laissé une coiffure acceptable : une longue tresse serrée. La dernière fois qu’ils s’étaient rencontré, elle portait sur la peau des peintures de guerre et des vêtements d’homme…. Elle sourit vaguement en se demandant s’il la reconnaîtrait ainsi.

      Le trajet ne fut pas long, pourtant, elle hésita un instant la main sur le poignet de la porte. Est-ce que maintenant que sa mission était finie, il serait différent ? Elle avait pourtant vu en lui ce qui avait manqué à la plupart des Euratien. Il l’avait réconcilié avec ce peuple… Son peuple. Elle verrait bien.

      Elle ouvrit la porte et entra d’un pas léger et un sourire franc sur ses lèvres oubliant un court instant toutes les leçon d’étiquette qu’elle avait reçue. Toutefois pas assez pour en oublier complètement comment bien se conduire.

      -Chevalier de Mornois, quel plaisir de vous revoir.

      Elle releva son regard sur l’homme à la recherche d’une réaction et priant intérieurement ne pas rencontrer un visage froid. Elle ne supporterait d’être encore et toujours déçue par les Euratiens….
      Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mar 25 Juin - 17:09
      Guillaume de Mornoie
        Guillaume de Mornoie
        Chevalier
        La figure du chevalier s'éclaira d'un sourire, lorsque Tyssia entra dans la pièce, et tout aussitôt il vint saluer le plus galamment du monde, ainsi qu'il seyait à son nouveau rang. Se redressant après s'être profondément incliné, il ne put s'empêcher de la dévisager à la dérobée : par curiosité, parce que la dame qui se tenait à face à lui dans sa cotte de drap vert sombre n'avait plus grand-chose à voir avec la femme de guerre qu'il avait rencontrée dans les montagnes, et pour constater sur elle aussi ce que deux années de distance avaient fané. Et pour tout dire, presque rien : il la trouva pareille à elle-même, au fond, avec le regard impérieux de ses prunelles bleues de givre et ce visage d'albâtre qui n'avait guère pris de rides. Le reste n'était que verni, façade, une façon de restreindre ce qui pouvait l'être : dans l'encolure de sa robe de dame, les tatouages guerriers laissaient encore entrevoir leur palimpseste funeste. Elle pouvait tresser et dompter sa chevelure, et se vêtir des atours des euratiennes bien nées, au fond : qu'est-ce qu'un collier plus serré que les autres change vraiment à la nature du chien de guerre qui le porte ?

        – Il ne m'était pas encore venu l'occasion de vous dire en personne mes compliments, ma dame, pour votre titre de comtesse. Je me réjouis de pouvoir enfin le faire.

        Guillaume s'inclina de nouveau, et se redressant, lui fit l'un de ses sourires aimables. Il avait bien changé sans doute, lui, qui regardait le miroir de cette femme le renvoyer à l'âge qui basculait pour sa part bien loin du feu de ses vingt ans. Pourtant, elle le voyait bien différent de l'hiver maussade qui avait occulté si souvent la lueur de son regard : point de guerre, à présent, elle était bien loin et l'azur d'un pourpoint de parade remplaçait la maille usée et les oripeaux du combat qui l'avaient couvert alors. Elle l'avait vu en homme d'armes, et maintenant en homme de cour.

        L'espace d'un instant, il se demanda non sans malice si cela la pousserait à réviser ses jugements le concernant, parce qu'elle avait semblé si peu porter en son cœur les gens de cette sorte qu'il eut presque le sentiment que cela lui serait source de plus désamour encore que leurs altercations verbales sur le champ de bataille.

        Il l'observa un peu plus franchement, cette fois, et oscilla légèrement du chef avec un sourire.

        – Les choses ont bien changé depuis notre dernière rencontre, dit-il avec un soupçon d'amusement. Nous voici à présent auprès de nos seigneuries, dans l'attente que leurs délibérations fassent émerger une nouvelle ère pour l'empire. Mais allons, dites-moi, comment vous portez-vous ?

        De subtils changements s'étaient opérés dans la façon qu'il avait de s'adresser à elle : deux années auparavant, il était sous ses ordres, mais à présent qu'elle portait son titre, là voilà qui était bien au-dessus de lui, et tout forgé qu'il était par les usages de cour, Guillaume mettait un point d'honneur à observer les convenances. Non qu'il voulut lui imposer cette distance, mais il avait déjà bien assez à faire avec sa propre conscience qui le tourmentait à son propos pour se permettre des écarts. Elle ne s'en soucierait sans doute point, il avait brièvement appris à la connaître, et les gens de cette trempe ne changent pas aisément. Pour autant, il ne pouvait s'empêcher de laisser entrevoir l'aimable camaraderie qui naissait toujours d'avoir combattu côte à côte : la sincérité du sourire et l'éclat de ses yeux limpides ne pouvaient mentir sur ses sentiments à ce sujet, quoiqu'ils fussent autrefois.

        Fallait-il le dire ? La dame n'était pas de celles dont le tempérament pouvait laisser dans l'indifférence ceux qui se trouvaient dans son parage, pour le meilleur ou pour le pire, et Guillaume n'était, en aucune manière, de ceux qui demeurent insensibles. Rien ne pouvait lui faire oublier que ces mains fines, noyées dans les replis de sa robe, étaient celles qui avaient manié le fer dans la neige pour exhiber les dépouilles des vaincus dans la nuit d'hiver, et que ce visage laissé à nu par la chevelure sagement nouée avait ruisselé d'écarlate fumant dans l'éclat funeste des aubes guerrières.

        S'il fallait être tout à fait franc, Guillaume aurait avoué sans peine combien elle était belle, alors, non pour cette façade lissée qui convenait mieux aux usages de la noblesse, mais pour ce que cela entremêlait plus étroitement que jamais le venin et la rose.
        Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 3 Juil - 7:41
        Anonymous
          Invité
          Invité

          Élection du nouvel empereur

          Leur regard s’accrocha un instant puis il le détourna en premier. Bien qu’elle eut appris à se conduire en Euratienne, elle n’eut nulle envie de baisser ses yeux à la manière d’une jouvencelle effaroucher et de se priver de l’observation de son visage. La malice faisait toujours pétiller le fond de ses prunelles, mais maintenant celle-ci semblait forte. Ou bien était-ce dû au lieu et à cette distance qu’il semblait garder. Deux ans s’était écoulé depuis leur dernière rencontre.

          Ce temps avait-il suffit à estomper le caractère guerrier de l’homme pour ne laisser que le noble ? Malgré les quelques marques qui se formaient sur le bord de ses yeux, elle n’arrivait pas à y croire complètement. Après tout, une simple robe n’avait pas réussi à changer ce qu’elle était. A ses premiers propos, elle sourit, une lueur espiègle brillant dans le fond des yeux.

          -Me complimentez-vous d’avoir rejoints la noblesse Euratienne chevalier ? N’imaginez pas un instant que j’ai changé ce que je pense des seigneurs….

          Son sourire s’étira un peu plus alors qu’il prit le temps de le détailler de la tête aux pieds.

          -Toutefois, je sais maintenant qu’il existe des personnes d’honneur et cela peut rendre supportable le port de cette robe.

          Il avait raison toutefois. Les choses avaient bel et bien changé en deux ans. Elle avait appris à faire des alliances avec l’ennemis. Elle avait compris que la ruse lui permettrait de rester en vie et de subvenir au besoin de son peuple… Car La Croix des Espines était bel et bien sa nouvelle famille aujourd’hui. Mais par-dessus tout, elle savait qu’on ne pouvait changer ce que l’ont été. Et, elle avait eu un aperçu de qui était l’homme qui lui faisait face. Aussi, elle fit un pas en avant puis reprit doucement.

          -Ma fois plutôt bien, vous venez de m’éviter plusieurs heures d’ennuis profond avec le second frère du baron de la croix de Castrie. Il semble que mes titres arrivent à faire oublier mes origines à cette homme, ce qui est dommage pour lui. Il risque malheureusement de finir son séjour avec quelques sequelles…

          Un fin sourire, bien plus parlant que les mots, laissa comprendre à Guillaume ce qui pourrait arriver à l’homme si elle devait encore le côtoyer quelques temps. Puis, elle lui fit signe de s’installer à la table ou une boisson leur avait été servi.

          -Et vous ? En deux ans, vous avez certainement dû voir et vivre beaucoup de choses… Dîtes moi tout, je veux savoir ce qui vous a occupé durant ces années.

          Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 3 Juil - 21:12
          Guillaume de Mornoie
            Guillaume de Mornoie
            Chevalier
            Bien sûr que non, elle n'avait pas changé. Si elle avait pu faire impression au premier instant, la façade vola en éclats au premier regard : celui-là, non, il n'avait pas changé. C'était toujours le même, avec cette insolence royale qui défiait le monde entier de se dresser devant elle, et qui ne manquait jamais de le faire sourire, autant que cela faisait naître au fond de lui la même langueur que celui qui lui venait à la vue du fer d'une épée adverse. Le fil pouvait en être le plus dur et le plus tranchant, quelque chose au fond voulait cet élan qui le poussait à s'y confronter, d'une façon ou d'une autre.

            Comme au premier jour, elle le défiait, un sourire sur la bouche et au fond de ces prunelles d'azur, froides comme un lac de montagne. À ces yeux d'eau vive, prête à mordre la chair et à l'engloutir, répondait la limpidité paisible de ceux de Guillaume. Comme au premier jour, oui, les fauves affrontés qui se jaugeaient mutuellement, par-delà leurs différences, pour recueillir ce qu'ils avaient de semblable.

            – Je vous fais mes compliments pour être parvenue à ce que certains aspirent toute une vie, ma dame,
            lui répondit-il avec une galanterie un rien moqueuse. Cela n'est pas rien. Vous avez fait bien du chemin depuis cet hiver qui vit nos routes se croiser.

            Son orgueil n'hésita guère quant à ceux à qui ses paroles furent destinées : il avait très nettement en mémoire leurs conversations au coin du feu, dans les nuits les plus obscures qui avaient fait des trêves trop brèves au cœur des combats. Il savait le respect qu'il avait gagné auprès d'elle, et plus que celui de tout autre, il lui était précieux, et douloureux tout en même temps, car il en connaissait trop bien le prix.

            Il rit, après cela, comme il le faisait si souvent. De bon cœur, c'était certain, d'autant plus qu'il imaginait sans peine quelle torture ce devait être pour une louve de cette sorte de se trouver courtisée par les aristocrates de sa cour, empêtrés dans leurs manières et leurs paroles mielleuses.

            – J'en suis fort aise, alors, car il m'est agréable de savoir que le bon chevalier Guillaume sauva de nouveau la demoiselle en détresse, quoique d'un péril inattendu.


            Ces paroles, dont le ton un peu pompeux fut démenti par l'éclat espiègle de ses yeux verts, accompagnèrent une petite courbette qui fit ruisseler quelques boucles brunes sur son front.

            –Ou bien est-ce pauvre baron que j'ai sauvé d'un trépas douloureux ? Ah, dame, vous semez un trouble certain.

            Un regard filtra de nouveau sous les longs cils, et puis il s'empressa de prendre place avec elle, constatant avec plaisir qu'on ne pouvait plus faire un pas dans le palais sans y trouver vin et victuailles à loisir.

            –Il m'est heureux de savoir que vous vous portez bien, reprit-il en remplissant leurs coupes.

            Cette fois, point de moquerie : le ton était léger, mais sincère, et l'expression de son visage fut alors gagné d'un rien de tendresse, comme si cela venait rassurer quelque inquiétude qu'il avait entretenue à son sujet.

            Guillaume prit le temps d'une gorgée avant de répondre. Que lui dire ? Deux années, déjà, et tant de labeurs, parfois en vain. Le temps lui avait filé entre les doigts, comme il le faisait toujours, à courir par tout le duché pour servir son seigneur, à veiller, des nuits entières lorsqu'il le fallait, à craindre encore et encore le couteau et le poison, et le mal insidieux qui rongeait les os et la chair de son ami.

            Pourtant, il n'y avait aucun signe de trouble dans le regard qu'il leva de nouveau vers elle. Limpide et calme, sans la hantise qu'elle y avait connu souventes fois, mais que dire, vraiment, que dire ? Peut-être que Renaud avait raison, à travers ses moqueries. La morsure du givre était plus tenace qu'on pouvait se le figurer, et de toutes les blessures qu'il avait reçues, peut-être que la plus traîtresse de toutes avait été cet aiguillon de glace fiché quelque part en son cœur.

            –Ce furent de tumultueuses années, répondit-il enfin, baissant les yeux sur le vermeil qui dansait en reflets chatoyants à travers la verrerie. Rien que de l'ordinaire, pour nous autres gens de guerre, et au risque de vous décevoir, ma dame, il n'advint rien qui fut digne de récits. Je suis rentré en ma contrée après cet hiver où nous avons combattu ensemble, pour y trouver les miens épargnés, un peu, par la peste. Nous n'avons guère eu de deuils à déplorer, sinon l'un de mes neveux qui fut pris au berceau. Mais ces tristes temps sont passés, pour nous comme pour tous les autres, et j'eus fort à faire pour garder mon seigneur des menaces, et courir par tout le duché pour son service. Il y a eu bien des changements après cela, comme partout ailleurs : les places laissées vacantes par les morts ont été remplies par force, et cela ne fut pas de tout repos.

            Il sourit, se laissant aller sur le dossier de son siège, et passa une main fébrile dans ses cheveux, comme il le faisait si souvent lorsqu'il était préoccupé. Face à elle, tout lui revenait, des images confuses, des pensées, aussi. L'écho de ses colères, et tout ce qu'elle avait jeté d'agitation en son esprit, par le simple fait qu'elle existât, comme elle l'était.

            Et elle n'avait pas changé. C'était une bonne chose, dans un sens, parce qu'il aurait été chagriné, sans doute, de la voir s'assagir et perdre de son piquant, mais sa raison lui disait tout autre. Une dame de cette envergure à la tête d'un comté était de nature à bouleverser bien des choses, et les circonstances se prêtaient mal aux rêveries qui s'attachaient à elle, dans le secret de son esprit.

            –Et nous voici, reprit-il, d'un ton un rien plus las. Les choses les plus intéressantes sont encore à venir, je gage, si Sa Seigneurie Courage devient empereur. Non que je ne le souhaite point, non plus qu'aux autres ducs, mais enfin.

            Guillaume s'interrompit. Il avait oublié combien les mots lui venaient aisément à la bouche, en sa présence. Sa franchise très brute était de nature à cela, et c'était une chose que sa nature indolente et peu portée sur la méfiance appréciait toujours. Pour autant, à présent, il ne pouvait vraiment y céder sans arrières pensés : non qu'il la tînt comme ennemie, mais la prudence était de mise. Méfie-toi, avait dit Courage, garde-toi d'elle. Elle était peut-être toujours la même, elle était peut-être la même louve sauvage qui avait l'honneur brut et primaire des gens de guerre, qui ne croyaient à d'autres serments que ceux que l'on fait par le fer et le sang, mais les circonstances, elles, avaient changé.

            Il y trouva un chagrin très amer, qui se mêlait au secret délice qu'il avait à se complaire dans le trouble qu'elle provoquait par sa seule présence. En d'autres circonstances, il se serait plu à l'aimer, c'était certain. En d'autres circonstances, il aurait croisé le fer avec celui de ces yeux, il aurait goûté l'épine et le poison pour le seul plaisir du frisson de trouver un tempérament d'égale ampleur. Vingt, et même dix ans auparavant, il n'aurait pas hésité, au risque de s'attirer les foudres de son seigneur et ami : mais il n'était déjà plus le même, et le chevalier qui regardait sa dame avec une indéfinissable tristesse avait déjà trop aimé, trop souffert, trop risqué dans ces passions fugaces pour se permettre de tout mettre en péril à nouveau.

            Fallait-il le dire ? Au fond, il était trop tard. Le regret que laissa cette pensée fut très doux, poignant comme un chant d'adieu, mais il sourit. La lumière en dedans, comme toujours, et la mélancolie tout entière dans cette expression qui flottait sous sa barbe et au fond des lacs de ses pupilles.

            –L'Empire est sur le point de changer, reprit-il en élevant son verre, et me voilà tout pensif. Allons, ma dame, buvons à ce qui s'annonce, et puisse les dieux faire don de leur sagesse à ceux qui nous gouvernent.

            Allez, Guillaume, avoue, tu l'aimes un peu, avait dit un jour l'un de ses compagnons, par plaisanterie autant que pour lui tirer les vers du nez. Le chevalier n'avait rien rétorqué, alors, il s'était contenté de rire, et de garder par-devers lui ses propres pensées, par défi.

            À présent, il aurait pu y répondre. Hélas, il était trop tard. Quelle que fut la vérité, c'en était une qu'il fallait garder pour lui, enclose comme un secret.
            Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 10 Juil - 17:12
            Anonymous
              Invité
              Invité

              Elle rit légèrement aux propos de Guillaume. Il n’avait pas vraiment tort, c’est peut-être ce baron qui venait d’être sauvé de la mauvaise humeur de Tyssia. Comment pouvait-on envisager la faire épouser un homme qui, il y a peu encore, la considérait comme une sauvage. Son rire s’éteint laissant place à un sourire bien plus doux. Il était étonnant pour elle de se rendre compte à quel point, elle était elle aussi heureuse que Guillaume soit entier. Elle prit la coupe et détourna le regard avant de répondre.

              -Je suis également heureuse que vous portiez bien.

              Son regard se perdit un instant dans les reflets du sombre liquide alors qu’elle écoutait attentivement. Elle ne releva les yeux que pour l’apercevoir passer sa main dans ces cheveux. Ses doigts lui chauffaient au souvenir de cette fameuse nuit où ils avaient partageaient leur douleur… Elle se contenta de repousser ces pensées et de hocher la tête avant de murmurer.

              -Et nous voici, en effet…

              Elle leva sa coupe à ses lèvres pour y tremper ses lèvres. Elle n’avait pas vraiment envie de voir le Duc de Néra prendre le pouvoir. Si Guillaume lui avait fait forte impression il ya deux ans et encore aujourd’hui, il n’en allait pas de même de son seigneur. Elle n’oubliait pas que c’est en partie grâce à lui qu’elle avait pu obtenir sa place, mais le duc de Volg, lui avait paru un homme pour qui les hommes seraient prêts à mourir. À choisir, elle préférerait que Volg soit empereur, n’en déplaise à Ferenc… Un bref instant son regard de teinta de lassitude avant de reprendre un air malicieux.

              -Puisse le trimurti trouver un empereur qui saura apporter la paix en Eurate.

              En vrai, elle ne croyait toujours pas dans le trimurti, sinon comment aurait-il pu la laisser en vie après avoir tué autant de monde et de manière atroce. Ils ne devaient pas faire de différence entre les peuples eux… Quant à l’empereur, du moment qu’il ne remettait pas en cause sa place, cela lui importait peu. Elle lança un regard à Guillaume voir s’il allait remarquer ce revirement de croyance ? Après tout les Triarques lui avaient fait comprendre qu’elle ne pouvait pas rester une païenne si elle voulait rester à sa place.

              Elle se pencha et reposa sa coupe sur la table et l’observa un instant silencieusement.

              -Que vous êtes incroyablement et horriblement sage chevalier…. Si vous voulez me tenir compagnie, il va falloir arrêter vous adresser à moi comme si j’étais une comtesse d’Eurate…

              Elle rit une nouvelle fois et lui lança un regard  qui le mettait aux défis

              -Que diriez-vous de sortir ? L’impératrice Anémone de la Croix des Espines à fait installer un stand de tir à l’arc lorsque je suis arrivé en Evalon…. Dites moi savez vous manier l’arc ?

              Elle n’était pas femme de salon et l’attente autant que de se retrouver seule avec un chevalier aussi distant la rendait nerveuse. Elle voulait autant le bousculer que se sortir tous les souvenirs qui se pressait dans sa tête depuis qu’elle avait remis les pieds dans cette ville maudite… Rian… Elle se releva soudain chassant toutes pensées. Elle ne voulait pas ternir ses retrouvailles avec Guillaume.

              -Alors ?

              Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 24 Juil - 17:36
              Guillaume de Mornoie
                Guillaume de Mornoie
                Chevalier
                Guillaume soupira, profondément. Il la regarda un moment sans mot dire, et la tendresse qu'il avait perçue dans son sourire, et les paroles trop brèves dont elle lui fit grâce furent cueillies comme le venin qu'ils étaient à son cœur qui se trouvait soudain pris d'une soif dont il n'avait eu conscience jusque là. Le péril et le salut tout entremêlés, les mains jointes d'une même pavane que lui jouait son âme trop portée vers ces choses belles et dangereuses qui ont le tranchant de l'épée et la douceur du miel. Il en aurait voulu tant et plus, et cette miette de sollicitude était soudain comme un trésor, pour ce qu'il savait bien qu'il était fort peu dans sa nature d'en faire preuve aisément.

                Son esprit était ailleurs, quand leurs verres tintèrent l'un contre l'autre. Ceci avait déjà le goût d'un adieu, alors même qu'il était revenu vers elle. Après tout, c'était juste une visite de courtoisie et ils n'étaient tenus de rien : leurs affaires les tiendraient éloignés de nouveau comme elles l'avaient fait jusque là, et cette consolation se faisait tout à la fois supplice quand il s'arrachait à la vue de la comtesse.

                Il respira de nouveau, longuement, comme on prend une gorgée d'air après une longue noyade, et un rire s'arracha de sa poitrine. Ce sentiment-là lui était bien trop familier, et le chemin épineux qui était le sien à cet instant en était un qu'il avait parcouru trop de fois pour que cela ne puisse lui faire plus de mal que la vaine souffrance de renoncer une fois de plus à ces émois insensés. Il rit, oui, comme délivré d'un poids, et à mesure que la blessure au fond s'en trouvait plus vive encore. Il fallait revêtir l'armure, couvrir de fer et de mailles ces obscurités complices qui chuchotaient de vaines promesses, combien il aurait été doux de l'aimer, et combien il aurait été doux d'aimer tous les autres, toutes les autres, tous ces visages, ces corps, ces yeux, ces âmes entières auxquelles il avait un jour accroché les siens.

                –Mais vous êtes une comtesse d'Eurate, ma dame, et à cela, ni vous ni mois n'y pouvons rien.

                Il répliqua ceci avec malice, et un sourire en coin qui fit se faufiler un regard sous ses cils bruns.

                –Toutes mes excuses, c'est que le jour n'est guère propice au laisser-aller.

                Guillaume parut sincèrement troublé et il demeura au fond de ses yeux comme une amertume latente, un voile qui ne parvenait pas à se diluer pleinement dans la lumière. Comme souvent, il passa vivement une main dans ses cheveux, et quelques boucles opiniâtres lui retombèrent sur le front.

                –J'ai eu à escorter Sa Seigneurie depuis Evalon, et vous n'êtes pas sans savoir les responsabilités qui pèsent sur moi, plus encore ces temps-ci. Nous n'avons guère eu de repos, ni moi, ni les autres gentilshommes de mon ordre, alors, je ne puis que vous demander un rien de magnanimité envers votre bon chevalier Guillaume pour ce moment d'égarement. Voilà bien longtemps qu'on ne m'avait reproché d'avoir de trop bonnes manières.

                Il laissa filer de nouveau un rire léger, portant son verre à ses lèvres pour le vider avec une détermination qui trahissait, là encore, que l'homme n'était point si serein qu'il le voulait. Tout se mouvait, tout se troublait tour à tour, mais il sembla enfin s'apaiser. Les yeux, profonds comme des gouffres, s'ouvraient tout grands et paraissaient tout engloutir peu à peu, alors qu'il vidait encore quelques coupes, comme pour apaiser la soif au fond de lui qui ne se repaissait de rien d'autre que de ce qu'il ne pouvait obtenir. Tout renfermer en dedans, comme toujours, et ne plus rien laisser paraître. Il y avait des chagrins, des peines et des émotions qu'il ne pouvait dissimuler : d'autres, en revanche, se devaient de l'être, malgré toute sa franchise, malgré toute sa propension à s'exprimer avec une honnêteté sans faille. Eut-elle posé la question à cet instant qu'il y aurait répondu, de son cœur et de toute son âme, mais il avait appris à la connaître suffisamment pour bien savoir que Tyssia n'était point femme à lire les autres comme un livre ouvert, et qu'elle ignorait encore beaucoup de ce qui pouvait secouer l'esprit des autres.

                Elle ne pensait pas à mal, sans doute, elle s'ennuyait et devait bien souffrir de cette pesante inertie de la cour figée dans son attente, aussi, il n'eut pas de rancœur quand fusa, avec ce regard de défi qu'il connaissait bien, cette invite aussi courtoise que moqueuse.

                L'espace d'un instant, quelque chose comme une profonde tristesse submergea Guillaume : il y eut presque l'écho d'une supplique dans son regard, fauché au dépourvu au moment même où il croyait pouvoir reprendre pied. C'était anodin, pour elle, il le voyait bien. Rien de plus qu'un moyen de rompre l'oisiveté insupportable, et aussi, sans doute, une façon de faire revenir ce qu'elle avait connu de lui, et ce qui était probablement la seule facette qu'elle put apprécier. Cette pensée lui inspira un chagrin plus grand encore : elle n'avait vu qu'une partie de lui, celle qui s'en allait par champs de bataille et s’enivrait des combats et de l'effort à tuer, celle qui n'était que feux et colère. Il avait cherché à lui dire, un soir, à quel point il était, et voulait être plus, et mieux que cela : si elle l'avait compris, il l'ignorait, mais de toute évidence, il y avait trop chez lui pour lui déplaire, et une distance irrémédiable demeurait entre eux, quoiqu'il arrivât. Ils pouvaient se comprendre, s'effleurer à la faveur des circonstances, il pouvait trouver les mots justes pour apaiser les tourments de son esprit, mais il y avait des choses qui ne pourraient être outrepassées.

                "Alors? »

                Ce simplement mot, et l'expression des yeux de Tyssia semblèrent se ficher à même la chair à vif. L'hameçon faisait bien son office, et au fond de lui, il y eu comme un élan impérieux qui lui commanda de la suivre, parce qu'il ne souffrait de laisser un défi sans réponse.

                –Ah, ma dame, je regrette, répondit-il pourtant après un moment de silence. Je ne puis quitter mon service aussi aisément, ce serait déloyal envers monseigneur Courage : je veux être présent lorsque ce sera terminé, même si cela leur prend tout le jour.

                Il peinait à maîtriser sa voix, et se reprit, avec infiniment plus de douceur, et de tristesse, aussi. Elle jeta dans la mélodie de sa voix une note nouvelle qui faisait jouer dans ses yeux le soupçon d'un poignant regret.

                – Je l'aurais souhaité, néanmoins. Il m'aurait plu de me mesurer à vous comme nous le fîmes autrefois, bien que je gage n'égaler en rien votre habileté à l'arc. Je vous aurais laissée avec grand plaisir tout le loisir de m'humilier si cela était votre bon plaisir, je vous l'assure le plus sincèrement du monde.


                Guillaume parlait à contrecœur, on le sentait bien. Il se tut, baissa les yeux sur ses mains, et puis les releva enfin, gagné par une gravité nouvelle.

                –Je le voudrais, reprit-il, je le voudrais vraiment. Mais je ne puis.

                Il fut soudain évident qu'il ne parlait plus de la même chose, à présent. À travers ces paroles, c'était bien cela, au fond : il aurait voulu être fait pour elle, mais ce n'était pas le cas. Il ne pouvait se permettre d'être la personne qui convenait aux désirs qui s'esquissaient à travers ses paroles et ses défis. Elle ne changerait pour rien au monde ce qui était sa nature profonde, et lui ne pouvait non plus le faire : tout au plus se trouvaient-ils aux marges de leurs mondes, seul lieu possible où ils pussent se croiser.

                –Je comprends bien que vous vouliez vous éclipser de la cour, reprit-il en faisant mine de se lever. Voudriez-vous que je m'en aille ? Je ne voudrais vous imposer ma compagnie trop longtemps.
                Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Jeu 1 Aoû - 12:48
                Anonymous
                  Invité
                  Invité

                  Avait-elle été trop occupée à fuir ses propres démons pour ne pas sentir le changement avant ? Ou bien avait-elle tenté vainement d’échapper à cette situation qui venait pourtant de la cueillir de pleins fouet ? Quoiqu’il en soit c’est presque d’un bond qu’elle se leva à son tour pour faire face au chevalier. Son regard surpris agrippa celui de l’homme un long moment. Il était évident que la toute nouvelle comtesse hésitait et pourtant, elle se campait entre lui et la porte sans faire mine de vouloir se pousser. Puis finalement la lueur dans son regard vacilla dangereusement avant qu’elle ne baisse la tête et murmure tellement bas que seule Guillaume put l’entendre.

                  -Pardonnez-moi…… Je ne voulais pas…. Restez

                  Elle était prête à mettre de côté ses ressentiments pour ces lieux s’il y avait une chance de prolonger sa discussion avec lui. Seulement, elle venait de briser leur retrouvaille et elle n’était pas sûr de savoir comment faire… Tout comme elle se retrouvait démunis face aux sentiments contradictoires qu’il pouvait éveiller en elle. Elle fit un pas en avant et releva timidement son visage sans chercher à lui cacher quoique ce soit. C’était très certainement une très mauvaise idée, tout comme les mots qui suivirent.

                  -S’il vous plaît

                  Elle se mordit nerveusement la lèvre inférieure à la recherche des mots qui le retiendrait. Elle aurait subitement voulu le prendre dans ses bras et dans un même temps le renvoyer avec colère. Elle ne comprenait pas comment il arrivait à la déstabiliser de la sorte. Puis finalement, elle soupira et recula d’un pas ses yeux toujours plongé dans les siens. Un sourire timide fleuris sur son visage sans que cela ne l’éclaire toutefois et elle reprit d’une voix presque normale.

                  -Loin de moi, l’idée de vous imposer la compagnie d’une insupportable barbare agitée, mais vous m’avez manqué chevalier… Peut-être m’autoriseriez-vous à abuser de votre présence encore quelques minutes.

                  Elle détourna de nouveau le regard, bien trop consciente de la possibilité que Guillaume décide de partir et que s’il le faisait elle n’aurait certainement plus jamais l’occasion de le revoir. L’idée même qu’ils puissent ne plus se croiser à nouveau lui noua la gorge.


                  Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Dim 4 Aoû - 12:50
                  Guillaume de Mornoie
                    Guillaume de Mornoie
                    Chevalier
                    Et encore, une fois, de plus, le miel et le sang. La douceur des paroles et le trouble, comme si toujours elle était capable de faire preuve de cette surprenante fragilité quand Tyssia se voyait forcée de délaisser un peu sa fierté impériale de guerrière. Fallait-il les croire condamnés tous deux à se mener sur des terrains trop peu familiers, et quand la voix de la comtesse se faufila dans le silence pour le prier de rester, elle lui rappela l'intonation et le regard qu'elle avait eu deux ans plus tôt dans le creux de cet hiver quand ils avaient partagé un rien de solitude et quelques peines.

                    Le regard de Guillaume se fit si doux, soudain, la tendresse sous les paupières qui se posa sur elle alors qu'il se rasseyait.

                    - Je vous le permets, ma dame, car cela ne puis ni ne voudrais vous le refuser.


                    Ces paroles pouvaient sembler creuses, fruit d'une amabilité de cour, mais autant que le reste, elles étaient dites avec la plus grande sincérité. Il pouvait dire non à certaines choses et se refuser à d'autres, mais enfin parfois la résolution la plus grande pouvait s'émousser d'un regard. Miel et poison, la douceur et le venin encore, dans le trouble qui s'en allait. C'était étrange, de voir à quel point tout pouvait être calme quand on se faisait à une idée, si douloureuse fut-elle, comme si l'orage n'avait grondé que pour se faire entendre et qu'il fallait bien l'admettre pour parvenir à avancer.

                    Alors oui, il acceptait le trouble et la nostalgie de quelque chose qui n'avait jamais existé, et ne serait jamais plus que l'espoir d'une chose vaine demeurée inavouée.

                    - Ne soyez pas si dure avec vous-mêmes, reprit-il. Votre compagnie m'est chère, mais je m'en voudrais de vous imposer quoi que ce fut.

                    Comme s'il y avait en ce monde quelque chose qui en avait le pouvoir ! Quelle arrogance, quelle arrogance de croire qu'il avait les mains assez solides pour la contraindre d'une façon ou d'une autre. Pourtant, il sourit, à son aimable manière, et la tristesse avait disparu de ses yeux. Elle faisait son nid au fond de son coeur, mais il savait qu'elle lui deviendrait douce, avec le temps, quand son mordant se serait fait plus familier. Ce chemin de ronces, trop de fois emprunté, il en connaissait le tracé et les tortuosités, car après tout, combien de fois s'était il épris de choses qu'il ne pouvait que désirer ?

                    De nouveau, Guillaume sourit, et cette expression prit une inflexion nouvelle, traçant sa diagonale au coin de sa bouche sous les boucles de sa barbe bien coupée.

                    - Je sais que vous ne tenez guère en place, aussi, si vous me le permettez, peut-être irais-je quêter la permission de mon seigneur pour vous rendre visite un jour. Il me faudra bien me racheter de vous avoir imposé de rester céans quand vous ne songez qu'à aller vous dégourdir la main, après tout, alors voici : si cela vous agréé, je ferais mon possible pour me rendre en vos contrées et vous laisserai tout loisir de me confronter à ce qu'il vous plaira.

                    Pas par pas, comme sur des sables mouvants : la raison lui aurait dicté de se garder d'elle et de ne plus s'y frotter, mais elle se faisait trop ténue pour contrer le reste. Il était curieux d'elle, de tout ce qu'il ne voyait pas, de ce qu'elle pouvait être sans la guerre et le sang, de savoir s'il existait quelque chose au-delà de la combattante.

                    - Et si d'aventure vous étiez amenée à vous rendre à Néra, il me plairait de vous emmener chasser. Après tout, c'est l'usage chez les nobles de s'adonner à ce loisir, et quoique j'aie vu combien vous êtes efficace pisteuse en ce qui concerne la chasse au thoréen, je suis curieux de savoir comment vous vous mesurez à de bien différents gibiers.

                    Une espièglerie nouvelle avait gagné le ton, alors qu'il l'observait de ses longs yeux verdoyants. La tension qui avait été si vive un moment plus tôt semblait l'avoir quittée, et quoiqu'il ne parut point se départir d'une certaine mélancolie douloureuse, il se tenait à présent à sa façon coutumière, confortablement installé dans sa cathèdre.
                    Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 14 Aoû - 12:28
                    Anonymous
                      Invité
                      Invité

                      Un léger soupire de soulagement s’échappa de ses lèvres. Elle avait bien réussis à la retenir, mais restait tout de même un malaise. Maintenant qu’elle été forcé d’y regarder plus sérieusement, ses yeux s’attadèrent un long moment en silence sur le chevalier. Tout comme il y a deux ans, elle eut envie de s'asseoir à côté de lui et peut être même de le prendre dans ces bras. Il y avait en lui une tristesse qui n’était pas faiblesse… Elle secoua ses boucles brune et s’installa à nouveau à son siège.

                      Un fin sourire étira ses lèvres alors qu’il lui proposait de venir à la Cde ou même qu’elle vienne à Néra. Serait-il surpris, si elle le prenait au mot ? Elle avait envie de voir et de connaître Néra parce que ce duché avait engendré une personne capable de la réconcilier avec ce peuple. Devait-elle lui dire ? Elle se pencha légèrement en avant et prit à nouveau la parole d’une voix gaie et pourtant encore légèrement tremblante de la précédente émotion.

                      -Je doute fortement que votre duc ne désir se priver de son meilleur chevalier. Mais qui sait, peut être que Néra pourrait me recevoir pour affaire et dans ce cas la je serais ravis si vous avez le temps de me montrer vos terres….

                      Puis elle resta silencieuse un long moment, jouant avec sa coupe sans pour autant en boire le contenu. Puis finalement, elle posa la coupe et vint déposer délicatement sa main sur celle du chevalier. Ses yeux cherchaient les siens avant qu’elle ne se décida enfin à parler.

                      -Ai-je fait quelques choses de mal ? Ou plus exactement qu’est-ce qui vous chagrine ? Je sens bien que quelques chose ne va pas….

                      Elle se mordit nerveusement la lèvre inférieur et repris.


                      -Est-ce pour votre duc que vous vous inquiétez ainsi ? Si c’est le cas, j’aurais tendance à penser que le peux que j’en connais, c’est un homme bien plus fort qu’on ne le pense et bien plus intelligent aussi….


                      Elle retira doucement sa main attendant qu’il lui réponde. Elle n’avait pas mentis, elle pensait vraiment que le Duc de Néra était un être redoutable qui avait fait de la cours d’Eurate son terrain de chasse et ce malgré ses excentricités. C’est peut-être d’ailleurs pour cela qu’elle aurait préféré Alastor en Empereur…
                      Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 14 Aoû - 14:03
                      Guillaume de Mornoie
                        Guillaume de Mornoie
                        Chevalier
                        Il avait pensé reprendre le fil, un moment, revenir à un terrain plus stable et moins risqué, mais il fallait croire que Tyssia avait un peu plus appris à lire les émois des autres, depuis leur dernière rencontre. Après tout, il ne pouvait lui en vouloir, parce qu'il n'avait jamais été dans la nature de Guillaume de dissimuler pleinement ses pensées. Lorsqu'elle s'enquit enfin de ce qui lui faisait naître tant de tristesse et d'agitation au fond de lui, il posa un regard absent sur la main qui s'était glissée sur la sienne, et la retint, un instant, avant qu'elle ne se dérobe.

                        – Non, répondit-il aussitôt. Cela n'est pas de votre fait.

                        Il y eut autant de douceur dans sa voix que dans le geste lui fit délicatement refermer ses doigts usés sur ceux de la guerrière, l'espace d'un court instant. C'était mensonge, un peu, et vérité tout en même temps : elle n'avait rien fait d'autre qu'exister, être elle-même, et cela seul suffisait à son tourment. Un sourire lui vint, chargé de tristesse, et il garda les yeux baissés un moment avant de les relever sur elle.

                        – Comme je vous le disais, il est vrai que l'élection de l'empereur est une affaire d'envergure et que je me fais du souci pour mon seigneur. Il a été très affecté par la mort de Sa Seigneurie Alastor et les tractations en cours ne se font guère dans les meilleures circonstances.

                        Il parlait calmement, cherchant ses mots avec soin. On sentait pourtant la vague se ramasser au fond de lui, gonfler encore, comme si cet apaisement n'était que le prélude à quelque chose de bien de plus grand qui lui pesait bien plus lourd. Il se tut brièvement, et puis reprit :

                        – Pour autant, je le déplore, il y a autre chose qui vient obscurcir mon esprit, et cela ne doit rien à ces évènements pourtant si cruciaux pour notre avenir à tous. Quelque chose me fend l'âme depuis que je vous ai revue, ma dame, et même si je voudrais feindre la sérénité à ce sujet, il est évident que cela m'est impossible. Puisque vous me demandez de vous dire ce que j'ai sur le cœur, il me faut l'avouer, quand bien même aurais-je souhaité le garder par-devers moi pour ne point vous encombrer de cela.

                        Le devoir et le reste, toujours le même affrontement, à la toute fin. Deux courants contraires qui ne cessaient de se confronter sans cesse entre ce qu'il devait et voulait être, et ce qu'il était, au fond : la culpabilité de se troubler à ce point pour des choses du cœur alors même que le destin de l'empire se jouait entre les puissants l'envahissait comme une vapeur vénéneuse.

                        – La vérité, dame Tyssia de la Croix des Épines, la vérité est, je le crois, que je vous aime.

                        Ce fut dit avec la même voix, posée, tranquille, et la même franchise qu'il avait toujours eue. Il se tenait droit, maintenant, comme en toutes circonstances, comme lorsqu'il l'avait affrontée au jour des pendus et qu'il avait assumé face à elle les élans de sa propre colère : sans rien dissimuler et sans rien chercher à diminuer de ce qu'il était ou pouvait ressentir, avec cette sobriété très honnête qui le poussait une fois de plus à s'ouvrir le cœur devant elle. Elle avait demandé, il avait répondu, sans mentir. Ce fut dit tout simplement, comme cela était. Rien de plus pendant un instant, et puis il reprit, sans hausser la voix.

                        – Je n'ai nulle requête, nulle promesse, non plus. Je laisse ceci à votre bon plaisir et votre volonté, et si celle-là est de me garder en votre amitié et confiance comme cela fut auparavant, j'en serais honoré. Si vous préférez vous défier de moi à cause de ceci, je l'accepterai également : j'ai idée de combien vous abhorrez le parage des gandins de ma sorte qui vous font la cour, et il me coûterait de vous encombrer de ces émois.

                        Soudain, par le verbe sorti de sa bouche sincère, ce fut réel, et ce fut vrai. C'était devenu bien plus que de simples élans enclos dans le secret de ses pensées, et l'aveu fut donné comme on délivre son propre cœur sur ses mains tendues, comme on s'arrache une épine ou un poids, comme on se défait d'une entrave. Il s'en sentit soulagé, bien plus encore qu'en ayant admis cela pour lui-même, mais la tristesse était trop présente pour laisser toute latitude au sourire qui lui vint, calme et grave, et plein de douceur.

                        – J'ai bien trop aimé par le passé, bien trop perdu aussi : je crois qu'il est trop tard pour moi, et pour qu'il me vienne encore l'arrogance de prétendre à vous plaire. Vous avez bien trop perdu, vous aussi, car quoique vous n'en ayez rien dit, il me semble l'avoir deviné par le passé.


                        Il y avait de la tendresse, dans le regard qu'il posait sur elle. Non qu'il lui fît l'affront de la prendre en pitié, mais cette fois il ne cherchait plus à dissimuler ce qu'elle lui inspirait et la flamme brûlait, pure et vive, dans le fond de ses yeux verts.
                        Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Jeu 15 Aoû - 15:58
                        Anonymous
                          Invité
                          Invité

                          L’espace d’un instant son corps tout entier se figea, incapable malgré tous ses effort à remettre les mots du chevalier dans un ordre qui avait un sens. Venait-il de lui avouer qu’il l’aimait ? Le reste de son discours s’était noyé dans le torrent d’émotion contraire qui s’était déversé en elle. Finalement, elle battit plusieurs fois des cils et se remit à respirer avec difficulté. Elle mentirait si elle disait ne pas être troublée par Guillaume. Et elle mentirait tout autant si elle n’admettait pas que quelques minutes plus tôt elle n’avait été prête à tout pour rester auprès d’elle. Mais de là dire qu’elle puisse l’aimer…

                          Elle soupira et fronça les sourcil alors qu’elle tentait encore à mettre des mots sur ses pensées confuses. Elle n’était pas une dame de la cours. Elle n’était même pas respectable aux yeux de la société Euratienne. Alors pourtant venait-il de lui faire une telle déclaration ? Ses yeux bleu remontèrent sur son visage pour l’observer un long moment en silence. Elle soupira et prit son courage à deux main tout en se penchant sur lui.

                          -Vous vous rendez compte qu’il y a peu de chance que le duc ne me déclare pas la guerre s’il vient à découvrir vos propos ?

                          Elle lui fit un sourire espiègle avant de reprendre son sérieux. Elle avait peur… Bien plus peur que d’affronter une horde de sauvages, bien plus que de combattre. Mais pouvait-elle lui dire, ou le devinait-il déjà ?

                          -Vous comprenez bien  que je n’ai rien de l’Euratienne model ? Que si mes conseillers tentent de me marier c’est pour faire oublier rapidement ce que je suis ? Je ne rougis pas au moindre mot osé, je sais exactement comment se passe les relations entre un homme et une femme. Je combats avec la même hargne que mes soldats.  Je ne pourrais faire semblant d’être autre chose que moi ?

                          Elle vint déposer sa main sur la joue du chevalier avec douceur, ses yeux reflétant l’hésitation de son coeur.

                          -Je ne vous ferez pas l’affront de douter de vos propos. Mais c’est à la personne la moins douce et la moins délicate  que avez fait cette déclaration… Je n’ai nulle désir de vous voir souffrir et nl désir de faire ce qu’on attendrait de moi….

                          le bout de ses  doigts vinrent jouer avec ses boucles et se pencha un peu plus. Leur visage pouvait presque se toucher et sa respiration tremblante venait caresser l’homme.

                          -Guillaume… Je….

                          Quoiqu’elle aurait voulu lui dire, cela s’effaça sous l’émotion.

                          Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 21 Aoû - 17:26
                          Guillaume de Mornoie
                            Guillaume de Mornoie
                            Chevalier
                            Pour toute réponse, Guillaume eut un tout petit rire amusé, en premier lieu. Cela lui échappa comme un soupir, un éclat de voix qui sonna comme un tintement de cloche, et il oscilla du chef en secouant ses boucles brunes.

                            - Si Sa Seigneurie devait avoir mené les armes contre chaque objet de mes émois, l'empire aurait été à feu et à sang depuis fort longtemps, observa-il avec malice. 

                            Et puis, il se tut, et la contempla d'un regard chargé d'une tendresse inchangée qui se mêlait si étroitement à la tristesse qu'on ne pouvait réellement les défaire l'une de l'autre. La phrase de Tyssia demeura en suspens, comme un fil, et c'était à ces mots là, à ces quelques mots tout juste murmurés qu'il se raccrocha comme une âme vagabonde, comme un assoiffé qui cherche la pluie. Mais il n'y eut rien de plus, et l'espoir indistinct, cet espoir de fol, de jouvenceau énamouré ne se referma que sur le vide, un rien de silence, comme pour mieux lui rappeler qu'à la toute fin, tout ceci était vain. 

                            La blessure, au-dedans, n'en fut que plus béante et plus douce à la fois, sucre et miel et poison entremêlés. Ah, à quoi bon porter les armes et s'en aller dans les dangers les plus sanglants quand il ne fallait que le sourire d'une dame pour se complaire dans les souffrances les plus suaves ? 

                            Il sourit, pourtant, et la lumière au fond de ses yeux avait tant de douceur et de peine. Sa voix s'éleva enfin, toute mélodieuse, toute baignée de mélancolie. Il parlait tout bas, elle seule pouvait l'entendre, et il demeurait là, comme au seuil d'un interdit. Suspendu à cette proximité qui demeurait encore, tout entier perdu dans l'océan de ses prunelles, il n'en pouvait rien franchir encore, comme s'il devait pour toujours subsister cet écart qui devait les garder l'un de l'autre.

                            - Dame, répondit-il, quel homme serais-je, et à quel honneur pourrais-je prétendre, si de la même bouche éprise je vous avouais mon amour en même temps que de vous dire d'être une autre ? Quel homme serais-je, de vouloir de vous que vous changiez pour vous conformer à ce que vous n'êtes point ? Ne présumez donc point de mes désirs, car ceux-là m'ont bien souvent menés à convoiter toutes ces choses belles et dangereuses que je ne puis atteindre sans péril. C'est à vos yeux de fer que mon coeur s'accroche, c'est à la dame de guerre et à la louve de givre que j'ai fait don d'icelui, non à celle que vos ministres veulent que vous soyez. Je ne veux point vous voir rougir d'un mot, non plus que de ce qu'il advient au secret de l'alcôve, je ne vous veux point douce jouvencelle qui s'émeut d'un rien. 

                            Il se tut un instant, sans cesser de la fixer sans détour. 

                            - Entendez-moi bien, toutefois : je vous fais seulement l'aveu de mes sentiments et je les laisse à votre bon vouloir. Vous ne voulez rien faire de ce qui est attendu de vous ? Fort bien, je n'ai le pouvoir de vous contraindre et je ne m'y risquerai même pas. 

                            Comme à l'épreuve d'un feu suprême, cent fois répété, Guillaume demeurait là, à un pas de ce qu'il désirait à cet instant bien plus que tous les ors et les joyaux de l'empire. Sa volonté à elle, et sa volonté seule ferait loi en ceci, même s'il avait déjà au cœur l'obscure certitude qu'elle n'allait point vers lui. Mais enfin, que les feux brûlent et s'épuisent, qu'ils le consument et qu'elle fasse comme bon lui semblait, il fallait bien tirer le vin jusqu'à la lie et s'abîmer jusqu'au fond de ces émois pour parvenir à en faire pleinement le deuil.

                            - Nous sommes ce que nous sommes, dit-il enfin, et ce ne fut plus qu'un murmure. Des étrangers sans doute, et bien des choses nous séparent : mais voici, en dépit de tout cela, j'ai en le cœur une épine qui porte votre nom.
                            Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Mer 28 Aoû - 18:36
                            Anonymous
                              Invité
                              Invité

                              Si elle n’avait pu finir sa phrase, c’est que son regard s’était noyé dans ceux de Guillaume. Tendresse et tristesse se disputaient la place. La douleur aussi, se tapissait au fond de ses pupilles la ramenant presque deux ans en arrières. Il n’était pas Rian et pourtant lui aussi semblait accablé d’un poids bien trop lourd. Ne serait-il pas égoïste de sa part de céder… Un sourire sans joie étira ses lèvres lorsqu’il fit mention du duc, mais tout son esprit était tourné vers Guillaume. La sensation de ses boucles sur des doigts, son souffle sur son visage. Elle déplaça sa main pour la poser sur sa joue.

                              Sous sa paume, sa peau était douce et tiède. Tout coup, elle le prit par le col de sa chemise et l’attira à elle avant de l’embrasser. Ses lèvres se collèrent au siennes sans retenu et avec la passion qui la caractérisait, mais sa main caressant son visage n’était que douceur. Quelque part dans son esprit une petite voix s’éleva pour lui signaler que tout cela n’était que folie et qu’elle l’entraînait vers plus de douleur. Elle s’arracha alors brutalement au baiser et bondit hors du siège. Elle l'observa un instant tout en se mordant la lèvre inférieur. Puis entama, tel un loup pris dans une cage de faire le tour de la salle.

                              -Je suis désolée…. Vous méritez mieux qu’une personne comme moi… Vous avez besoin d’une personne qui saura panser vos blessure….

                              Elle cessa de longer les murs sans toutefois le regarder. Elle ne pouvait pas finalement prendre le risque de voir mourir une personne de plus. Elle ne supporterait pas voir une nouvelle fois mourir une… Elle retint un soupire haché. Que les géant lui pardonnent, elle avait peur pour la première fois et elle ne voulait pas recommencer. Elle ne le supporterait pas.

                              Elle leva un regard paniqué sur l’homme et parla vite.

                              -Je ne suis pas… Je suis de larme, de cendre et sang…. Ce n’est pas ce qu’il vous faut…

                              Elle se remit à faire les cents pas dans la salle. Tout en se maudissant d’avoir elle aussi une épine dans le coeur. elle qui avait cru qu’elle ne pourrait plus jamais ressentir la moindre émotion, la voilà bien prise. Comment cela était-il arrivé ? Il y a pas 5 minutes, elle été prête à arracher la tête à un noble prétendant. Il suffisait que Guillaume surgisse dans sa vie pour qu’elle se jette à son cou….


                              Re: [Terminé] La robe et l'armure ─ Jeu 29 Aoû - 20:28
                              Guillaume de Mornoie
                                Guillaume de Mornoie
                                Chevalier
                                La distance, cet ultime espace qui demeurait entre eux, c'est elle qui la franchit. Il avait suffi d'un souffle, d'un geste, l'amorce d'un toucher le long de sa joue, et déjà ses lèvres s'étaient posées sur les siennes. Cela ne dura qu'un instant, profond comme une noyade, et soudain tout fut envahi par sa seule présence, encore trop ténue : derrière les yeux clos du chevalier, il n'y avait plus que l'ombre qui avait le parfum et la saveur d'elle, et d'elle seule. Il y manquait encore trop de choses, et le toucher, et le contact, et le fantôme d'un corps encore trop loin du sien, loin de ses mains avides qui voulaient encore plus.

                                Tyssia se déroba comme on s'arrache à un piège, et il se rejeta en arrière dans son siège, l'âme en déroute et le cœur en tourmente, paupières encore baissées pour retenir un soupçon de ce qui fut, comme l'on cherche à garder le souvenir d'un rêve qui file comme l'eau entre les doigts.

                                Il entendit son pas, nerveux, qui arpentait la pièce non loin de lui. Il entendit le trouble, la panique, même, et ce qui fissurait sa voix d'une fièvre douloureuse. Il chercha son souffle, il chercha son esprit, ses lambeaux égarés dans la brûlure qui lui prenait les sens un à un.

                                - Et les vôtres, ma dame ? Lui répondit-il d'une voix très douce, qui peinait à retrouver son phrasé coutumier.

                                Guillaume rouvrit les yeux à contrecœur, et les posa sur elle, arpentant la salle de long en large. Il respira, longuement. Il but l'air comme un assoiffé cherche son salut, il chercha le fil de ses pensées, l'écho de son propre cœur qui gisait au fond de sa poitrine, et tout ce qu'il lui fallait de force pour lui rétorquer.

                                - Je ne veux point vous infliger ce tourment, reprit-il. Il me coûte de vous voir ainsi par la faute de mon aveu. Vous ne voulez m'imposer cela ? Fort bien. Vous savez mieux que moi quelles ombres gisent en vous, et ce que vous pourriez m'infliger, à moi, par la seule cause de ce que vous êtes.

                                Et lui le savait bien, aussi. Elle n'était pas pour lui. Elle était feu, fer, cendre, sang versé dans la froidure, les obscurités les plus grandes et les crocs sortis, elle était la guerre et son visage fumant qui rugissait dans le secret des montagnes. Elle était faite d'un acier bien plus tranchant que le fil de sa propre épée, alors, que pouvait-il prétendre, lui ? Lui tout de lumière, d'indolences ensoleillées, nourri des clartés néréennes et bercé par la rumeur des brises alertes sur les herbages et les vignes. Une fois de plus lui vint la réponse. Ils ne pouvaient que s'effleurer à la faveur d'une rencontre, dans les marges où leurs mondes s'entremêlaient.

                                - Je vous crois, dit-il encore, à regrets. Je vous crois, c'est bien cela qui me chagrine. Il y a bien souvent un écart immense entre ce que l'on veut et ce qu'il nous faut.

                                Et pourtant, pourtant la même voix sussurrait encore à son oreille : elle t'a donné ce baiser, Guillaume, elle a dans le coeur cette même épine qui porte ton nom. Il y avait peut-être un futur pour eux, mais celui-là était bien ardu à entrevoir, et il semblait tout noyé d'ombres.

                                - Je ferais mien tout choix qui est le vôtre, reprit-il.

                                Il se leva, franchit en un rien la distance qui le séparait, et avec une tendresse inflexible, l'attira contre lui. Ce fut sa seule hardiesse, sa seule transgression auprès d'elle, et la plus douce, aussi.

                                - Mon seul vœu est votre bonheur, Tyssia. Et si je suis la cause de vos larmes, je le regrette. Je voudrais ne vous en avoir rien dit, je voudrais reprendre chacun de mes mots, mais je ne puis. Vous savez toute la vérité, à présent.

                                Guillaume la garda contre lui, un instant. Il avait posé la tête contre ses cheveux, les bras refermés autour de ses épaules. Cœurs battants à l'unissons, souffles mêlés. Il ne put retenir le baiser qu'il lui donna, long comme un sanglot, qui fut comme un adieu.

                                - Il me faut vous demander votre pardon pour cela, ma dame.

                                Sa voix s'était à peine élevée au-dessus d'un murmure. Le froissement mélodieux roulait au creux de sa gorge, vibrait dans sa poitrine en un écho profond.

                                - Il n'y a peut-être rien, pour nous. Cela m'importe peu.

                                Ces paroles avaient un goût étrange, dans sa bouche. La souffrance était vive, mais déjà, elle avait la saveur d'un souvenir consommé.

                                - J'avais renoncé à mon amour au moment même où j'en ai pris conscience. Et si je dois avoir le vôtre, dites-le, je vous en conjure, et cela seul suffira à ma joie. Je ne souhaite rien de plus.
                                Re: [Terminé] La robe et l'armure ─
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