Le comté de Posvány est le dernier rempart entre les Khöz et Evalon. La majeure partie du pays est plongé dans d’inextricables marécages, dans lesquels il est facile de s’enfoncer, se perdre, et s’y noyer. Des hommes rudes habitent ces marais, dont la culture étrange ne se retrouve nulle part ailleurs en Eurate. Sur ces terres de géhenne se trouvent les meilleurs piégeurs et traqueurs de l’Empire, qui chassent le plus malin et dangereux des gibiers ; l’Homme.
Depuis la mort du précédent comte suite à la terrible peste son frère cadet, Ferenc Bátor, a reprit les rênes du domaine. Récemment approché par Tyssia Novigrad les dieux seuls savent se qui se trame dans les marais de Posvány.
A l'est du Duché de la Croix des Espines trempent de nombreux marécages et paluds, habités par de rudes gens et d'inquiétantes bestioles. Le Comté de Posvány se trouve le plus au nord de cette marche impériale, baigné par le fleuve Gargarite et les nombreux conflits avec les Khösz. Les marais occupent la majorité du territoire, embourbés dans les tourbières et la sphaigne, baignant dans les mangroves boueuses. L'eau y est froide et vaseuse, et malheur à ceux qui se perdent dans ces étendues désolées. Une véritable géhenne attend l'étranger qui, par mégarde, poserait le pied là où il ne le devrait pas. Les rares endroits à ne pas être un véritable bourbier infernal sont réquisitionnés par les minces petits villages sur pilotis exploitant les tourbières, ou par les monstrueuses forteresses élevées en des temps immémoriaux pour contrer les invasions orientales. Pays de contraste, un homme peut marcher des jours les pieds dans la flotte, avant d'être arrêté par une gigantesque place-forte partiellement ruinée. Difficile, en effet, d'entretenir des castels de si grande envergure.
Le château le plus important de la région, et son épicentre, est sans nul doute le castel comtal, Besbána, baptisé Mont-Gris par les habitants du marais, faisant référence à son allure de gros rocher anthracite. Il est dit qu'elle fut la première forteresse créée sur ce territoire. Rebâtie deux fois en raison de ses fondations marécageuses, Besbána est à présent l'une des clés de voûte du système de limes frontalier avec les hordes Khösz. Imposante et ancestrale, elle fut toujours le haut-lieu du pouvoir en ces terres sombres et menacées. Elle ne fut prise qu'une fois, et ce par traîtrise. Jamais un siège ne vint à bout de la forteresse. Elle est alimentée par une source interne, qui jaillit sous le donjon.
Bordée par quelques villages de serfs, qui cultivent leurs maigres parcelles de terre ou exploitent les tourbières, Besbána est au sud de la Langue de Tamas, une section bourbeuse qui semble bien porter son nom.
Plus loin, vers le fleuve Gargantua, les castels de moindre importance s'élèvent çà et là, sans aucun tracé logique, au hasard des sites de construction potables. C'est le cas des Trois-Soeurs ; Bodva, Stratföld et Samdavro. Il s'agit-là d'une série de châteaux se suivant l'un l'autre, et abritant une garnison suffisante pour harceler les hordes barbares qui tenteraient de traverser les marécages. Alimentées par la rivière de Kvór, elles ont à charge la protection de quelques hameaux isolés, perdus dans les mangroves.
Au nord-ouest du pays, les castels ont laissé place à des ruines en piteux état, lesquelles ne sont plus guère que des avant-postes d'observation. Lorsqu'un contingent de barbares traverse le fleuve en masse, les sentinelles posvanéennes préviennent immédiatement le Comte et ses vassaux. Ainsi, Fort-Ygel, Fort-Mótsó et Tour-Dáshvyna sont les avants-postes les plus importants, bordés de tours et de miradors de moindre importance et répartis le long de leur section du fleuve. Un système de feu d'alarmes fut développé, alimenté par le riche combustible issu tourbières.
Au sud du Comté, là où le marais n'a nulle prise, les routes passant de Volg à la Croix des Espines et Evalon forment un carrefour particulièrement fréquenté, et prometteur pour les commerçants. Il ne fallut pas longtemps aux Posvanéens pour bâtir une grande cité marchande, au point stratégique le plus important ; au sud de Besbána s'étend l'imposante Nagyváros, le Bourg-aux-Faubourgs, ou Bourg-du-Bourbier pour les méprisants étrangers. Étendant sa toile sur le grand réseau routier, remis récemment à neuf par le Duché de la Croix des Espines, c'est un lieu offrant tous les conforts et les inconvénients des grandes villes euratiennes, et un point de passage très fréquenté. Source de richesses pour le Comte, ce dernier doit pourtant fréquemment déjouer les manigances et les exigences des bourgeois, qui tentent de se servir de leur pouvoir commercial afin de grappiller libertés et privilèges. Corruption d'échevins, pénuries volontaires, création de bandes d'extorqueurs, les riches marchands de Nagyváros ne reculent devant rien pour tenter de prendre le contrôle de la ville, et ce malgré la main de fer des Comtes successifs, plus enclins au châtiment qu'au pardon...
Devant l'absence de sources historiographiques concernant les habitants des marécages, tenter de répondre à la question de l'origine des étranges Posvanéens est presque impossible, et a déjà fait s'arracher les cheveux à bien des scribes. Certains prétendent qu'ils ont toujours été là, et que leur isolation les a conduit à adopter leur propre culture. D'autres suggèrent de façon bien malhabile qu'ils sont les vestiges d'un peuple euratien à présent hors frontières, une théorie saugrenue et pourtant bien répandue. Enfin, d'autres encore parlent d'une antique migration, remontant à des siècles, quand les Posvanéens arrivèrent de l'est et s'établirent petit à petit dans les marais, s'érigeant potentats locaux sous l'autorité de la famille Bátor.
Les Bátor de Posvány ont toujours été axés sur la défense de leur territoire contre les hordes Khösz. S'il y eut des querelles régionales de temps à autres, elles ne furent que temporaires, et les autres seigneuries bordant le comté n'ont jamais cherché noise outre mesure à Posvány. La présence des envahisseurs tend même à unir les voisins entre eux que les pousser à la guerre intestine. Árpad III entretient donc de très bonnes relations avec les comtes et ducs jouxtant son domaine, et ce malgré les différences culturelles très marquées.
Le Comté a abandonné l'esclavage pour se tourner vers le servage, moins coûteux et plus pieux. Il existe également une caste de paysans libres qui restent néanmoins soumis à leur seigneur, et doivent payer pour leur protection. Protection assurée par les chevaliers, équipés aux frais du seigneur, ou dans quelques rares cas, des reîtres, mercenaires montés employés en cas de nécessité. Au-dessus de la pyramide, l'on trouve les grands pontifes du Trimurti, au pouvoir égal à celui des seigneurs du Comté. Et enfin, le Comte lui-même, qui n'a de comptes à rendre qu'à son suzerain.
Les crimes sont punis de façon très exemplaire. La raison en est que les gens du marais sont connus pour être prompts à la violence et à l'emportement. Afin de faire refroidir ce sang bouillonnant, les exécutions sont pratiquées à la vue de tous, et de façon à marquer les esprits. Le bourreau, même s'il est bien entretenu et protégé, reste un marginal, synonyme d'effroi et d'impureté. Il vit donc en général isolé, en dehors du castel et des villages. Bien souvent, les exécutions réunissent les pontes du Comté, tels que les seigneurs, prêtres et évêques. Lorsqu'il s'agit d'une affaire concernant ces nobles en particulier, la sentence est proclamée ET exécutée par le Comte lui-même. Il en va cependant différemment en ce qui concerne la ville de Nagyváros : le Comte nomme un échevin ou un viguier (ou les deux, cas plus rare) à la tête d'un tribunal, le Bíróság, composé entre autres personnes d'un procureur fiscal et d'un scribe. Les gardiens de cette assemblée, les sergents, sont eux aussi assermentés au Comte. Toute sentence radicale doit être approuvée par sceau comtal.
Après la guerre de Durdinis et la sombre période de Pest, le Comté renaît doucement de ses cendres. Des rumeurs de divorce entre Árpad de Posvány et sa femme Elza Agórta avaient enflé un peu avant la mort du Comte, mettant à mal la réputation de ce dernier (en plus de la perte accablante de ces deux héritiers, et de la défaite en Durdinis). Mais désormais, l'espoir revient, même après la disparition du Comte Arpad et de nombreux de ses compagnons. Ainsi Ferenc a prit la place de son frère après de magnifiques mais sombres funérailles. Toutefois, la population a grand espoir que ce nouveau Comte apporte la sérénité dont le peuple a besoin, et également, un nouvel héritier.
La levée du Comte peut tourner autour des cent hommes, selon l'efficacité de ses soudards à recruter dans les tavernes ou arracher les grands garçons des bras de leurs mères. Peu formés, ils constituent le fer de lance de l'armée, agitée devant l'ennemi pour l'effrayer ou le blesser, pendant que la hampe constituée de la noblesse ne semble craindre nul coup du sort. Divisé entre deux genres distincts, les Languards et les Pieds-Secs (en rapport de leur position dans les marais de la Langue de Tamas), le bataillon est dirigé par un sergent d'armes, qui doit rendre des comptes et s'acquitter des ordres d'un capitaine.
La fine fleur des traqueurs de Posvány. Ils pourraient renifler un Khösz à des lieues à la ronde, rien qu'en se souvenant des effluves dégagées par les crins de leurs chevaux. Pisteurs hors pairs, et grands amateurs de guet-apens, ils sont particulièrement meurtriers avec leurs arcs composites. Ils savent où et comment se cacher, et se dissimulant dans les ombres et dans la vase, pendant des jours s'il le faut. Féroces et violents, ils sont farouches envers les ennemis, et fidèles envers leur Comte. Et ce, même après la disparition de leur Capitaine Todor.
Le Comte a toujours su s'entourer des meilleurs, en temps de besoin comme en période de faste. Chaque chevalier de son entourage a reçu ses éperons d'or, et leurs actes de bravoure tonnent avec force à travers le Comte, et même au-delà des marais. Qu'ils soient fils de nobles, ou fangeux relevés d'entre les nigauds, ils servent leur Comte avec loyauté. La plupart étaient même des amis d'enfance d'Árpad, tel que les chevaliers Damján, Jolán, ou encore Virág le Preux - également disparu depuis la mort de leur seigneur et l'arrivé du nouveau Comte. Terribles cavaliers, ils sont assez lourds pour briser les rangs de l'infanterie lors du choc d'une charge, et assez habiles pour rester sur leurs chevaux pendant qu'ils massacrent allègrement la piétaille ainsi hébétée. Leurs surnoms sont légion : les Elus de Tamas, les Lames de Posvány, le Tonnerre du Nord... Leurs cris de guerre également son nombreux, mais l'un d'eux revient souvent à la charge : "L'autre terreur après la foudre !"
Personne ne sait avec exactitude d’où ils proviennent. Peu de clercs connaissent leurs véritables origines, qui ont fait couler énormément d’encre, et pris de la place sur beaucoup de parchemins. Ils seraient tour à tour des Khösz pacifiés, des Fenyeshiens exilés, ou encore des autochtones à l’irréductible culture, parmi les premières de l’Empire. Pourtant, tout est faux. Les Posvanéens ont une histoire, fut-elle riche et pleine de péripéties. Elles tiennent de la légende, et les exploits passés de leurs chefs ont été oubliés, perdus entre les contes d’antan et les histoires de bonnes femmes.
Leurs balbutiements commencent quelque part entre le fleuve Szopoka et le fleuve Irtykoï, en un territoire vert, boisé, et giboyeux à souhait. Peuple de chasseurs-cueilleurs, les futurs Posvanéens n’étaient encore ni unis, ni conscients de faire partie de la même ethnie. Différentes tribus se partageaient le contrôle du territoire, s’alliant et s’affrontant au gré des chefs anciens et nouveaux. Il fallut attendre l’introduction de l’agriculture, et les premières grandes guerres territoriales, pour que les tribus s’enrichissent, et se rendent compte peu à peu de leur appartenance au même peuple.
Les temps bénis de la prospérité ne durèrent pas, car au-delà du fleuve Szopoka grondaient mille tonnerres sur la terre battue. Les hordes khösz se rapprochaient. Au début, seules quelques tribus étaient harcelées par les raids de ces cavaliers nomades. Mais au fur et à mesure que les pillards occidentaux intensifiaient leurs rapines et leurs destructions, de plus en plus de tribus commençaient à être touchées, et d’autres à se sentir menacées.
Ils répondirent à la menace par la première assemblée pacifique entre les chefs tribaux, une première dans le monde posvanéen. Le Törzegyúl, premier de son genre, était l’assemblée de tous les grands chefs des soixante-dix-huit tribus. La première réunion fut un échec total, les potentats se querellant les uns les autres, et n’écoutant guère les messages des autres. Mais lorsque la frontière fut à nouveau pillée, et une horde toute entière introduite dans le cœur-même de leur territoire, ils eurent tôt fait de se réunir une seconde fois, et de s’appliquer à s’entraider.
Une union des tribus fut décidée, sous la bannière d’une confédération menée par une tribu particulièrement puissante, les Bátor. Leur chef, Móghop, dit « Fekete-Fog », décida d’affronter l’envahisseur, et de le chasser de leur terre natale. Hélas, au cours d’une bataille particulièrement sanglante, le vent de la victoire tourna en faveur de la horde khösz, qui chassa dès lors les autochtones de leur foyer. Amère et triste défaite, qui força les futurs Posvanéens à un long exil vers le sud, au cours duquel ils eurent le temps de panser leurs plaies, et d’exacerber leur revanchisme.
La migration dans le sud fut laborieuse, et ne se déroula pas sans heurt. Là où passaient les Posvanéens, il y avait déjà d’autres peuples, qu’ils durent combattre et soumettre, pour se tailler un nouveau royaume. Beaucoup de chefs étrangers se rendirent, d’autres menèrent des combats désespérés face à la vague migratoire, qui elle n’avait plus rien à perdre. Le succès des Posvanéens s’expliqua également par les inimitiés entre les princes et rois du sud, qui achetèrent tour à tour les services des tribus coalisées pour mener à bien leurs guerres, en échange de terres où s’établir, et de cadeaux diplomatiques. La ruse des chefs tribaux, et de leur nouveau grand-chef Ravasz, permit au peuple posvanéen de vaincre tour à tour les différents potentats de la région, qui comprirent, un peu tard, leur fatale erreur.
Les tribus se réunirent à nouveau, fondant le royaume de Posvány. A cette époque, leur territoire s’étendait de la façade orientale de l’Echine des Dieux jusqu’aux plaines situées entre les sources du Gargante et de l’Irtykoï. Les marais du sud étaient colonisés, et Ravasz établissait lentement, mais sûrement, son pouvoir sur les autres tribus. Œuvre parachevée par son fils, István le Fier, qui s’autoproclama roi des Posvanéens à la mort de son père. De sanglantes guerres pour le contrôle du pouvoir royal affaiblirent autant les vassaux que le roi lui-même qui, s’il gagna finalement la guerre et put asseoir son autorité, légua à son fils Gorán un royaume blessé et vulnérable, alors-même que les ennemis d’antan, les Khösz, venaient hanter à nouveau leur farouche ennemi.
Épargnés par la peste, mais faibles face aux incursions khösz, les Posvanéens se heurtèrent à un nouvel adversaire au sud de leurs marais. Les hommes du sud, sous la houlette de l’empereur Eurate, avaient assemblé une énième coalition afin de conquérir de plus grands espaces, et étendre leurs frontières au-delà de ce qu’ils avaient jadis connu. Ne pouvant se permettre d’être pris entre le marteau khösz et l’enclume euratienne, le roi Gorán se retrouvait face à un choix cornélien ; la mort ou la soumission. Le Choix de Gorán est relaté par les auteurs trimurtistes comme étant la volonté divine, car il préféra choisir en l’an 671 de se soumettre aux Euratiens, afin de se protéger des raids khösz, insistants sur la frontière.
La Quatrième Coalition, ayant pour but de renverser les Euratides et leurs partisans, divisa les vassaux de Gorán. Au sein-même de Posvány, deux partis émergèrent : le parti des Idószerú, une puissante famille souhaitant se proclamer maison régnante de Posvány, et le parti des Bátor, favorable à Eurate et ses descendants, qui les avaient protégés des Khösz. Une guerre civile s’engagea entre les deux entités politiques, qui se solda par la victoire des Bátor. Récompensés pour leur loyauté, les Bátor furent faits Comtes de Posvány, et Gorán, dans sa dernière année de règne, se convertit au trimurtisme, devenant Gorán Bátor le Grand, fondateur officiel de la lignée des Bátor de Posvány, et premier comte effectif de la région.
A l’époque, elle était d’ailleurs plus grande. Faisant frontière avec le royaume de Myanmar, Posvány était dotée de plaines arables au nord de ses marais, dont elle avait la charge et la garde, remplissant ses devoirs de marche impériale. Commençait une ère de prospérité pour le peuple posvanéen, prenant officiellement ce nom dans les écrits et les mémoires. Les comtes régnaient de père en fils en bonne intelligence, bâtissant de solides forteresses avec l’aide de leurs vassaux et de leurs alliés. Isolés du reste de l’Empire, ils y conservèrent leur étrange et exotique culture, néanmoins passée au tamis du Trimurti.
En l’an de grâce 945, lors de la Guerre des Quatre Royaumes, Posvány récupéra quelques forteresses sur la frontière myanmarite, accroissant son prestige aux yeux des autres seigneurs d’Eurate. Néanmoins, cette soudaine prise de puissance était mal vue par les voisins sinopolitains de Posvány, qui profitèrent de la faiblesse du Comte Ravasz III, embrouillé avec l’Empereur, pour lui faire la guerre et le soumettre. Devenus vassaux de Sinople, les Posvanéens se rebellèrent trois fois contre leurs suzerains, d’abord en 970 à la faveur de sa guerre contre Namarre, puis en 972, et enfin en 975. Pourtant, Posvány ne put compter sur l’aide de personne, au contraire de son adversaire qui pouvait s'appuyer sur un jeu d’alliance efficace.
L’an mil apporta cependant son lot de peine et de terreur. Comme revenus du fond de leur mémoire, le cauchemar frappa à nouveau les Posvanéens ; les Khösz. Une horde immense, encore jamais vue en Eurate. Ils chevauchèrent à travers les plaines du Nord sans que leur puissance ne paraisse défaillir, anéantissant chaque royaume sur leur passage, pillant et détruisant toute ville assez folle pour leur résister. Et alors que le Myanmar tombait, sa capitale rejoignant la longue liste des ruines laissées par les nomades, Posvány se préparait en toute hâte à recevoir l’ennemi.
Les premiers revers furent cinglants. Les forteresses frontalières furent coupées du reste du monde, tandis que Posvány se noyait de cavaliers razziant son peuple. Seuls les marais et le sud du Comté furent relativement épargnés, les habitants menant leurs adversaires dans des bourbiers sans issue dans lesquels s’enfonçaient les barbares impuissants, qui s’ils ne mouraient pas noyés ou bloqués dans la tourbe, se faisaient tuer en de mortelles embuscades. L’affaiblissement des hordes permit au Comte Árpad Ier de rassembler ce qu’il restait de son ost, afin de porter secours aux assiégés d’Evalon, la capitale de l’Empire. Avec le soutien des seigneurs d’Eurate, Evalon fut sauvée des griffes de Naranbaatar Khan, qui rompit le siège de la cité, et repartit dans le nord-ouest chargé des butins de ses pillages.
Après cet épisode traumatisant de l’Histoire euratienne, les Posvanéens ne purent jamais se réimplanter au nord de leurs marais, où pourrissaient les dépouilles de leurs ancêtres. S’appauvrissant au fil du temps, ils ne purent espérer se rebeller contre leurs suzerains sinopolitains, ni mener les reconquêtes de leurs terres irrédentes. La crainte des Khösz les mura dans d’épaisses forteresses aux imposants murs gris, perdues dans leurs marais dont eux seuls connaissaient les chemins sûrs. Leurs habitants redevinrent rudes et querelleurs, comme à l’époque de leurs premières chasses sur les rives de la Szopoka.
C’est à partir de 1207 que les Posvanéens retrouvèrent leurs marques de noblesse dans l’historiographie, après des années de vache maigre et de stagnation. Le jeune Comte István, succédant à son père Szoltan Crase-Khösz, eut à faire face aux ambitions volgiennes dès sa prise de pouvoir. Aidé par la Croix des Espines, il repoussa l’envahisseur volgien, et consolida ainsi ses relations avec son suzerain, à qui il viendra en aide au bassin d’Opale contre les forces durdiniennes. Fort de son expérience militaire, c’est avec un sang-froid sans pareil qu’il digéra l’annonce d’une nouvelle menace dans le nord, scénario cauchemardesque qui se répétait, comme s’il ne voulait pas abandonner le peuple posvanéen ; les Khösz revenaient en force.
S’ensuivit une guerre d’attrition qui saigna la horde d’Atabeï Khan à blanc. Usant de tactiques de guérilla, d’embuscades et de guet-apens, István fit payer cher à la horde chaque intrusion, chaque homme perdu, et chaque forteresse attaquée. Si bien que, lorsque les nomades se sortirent du bourbier posvanéen et se dirigèrent vers Evalon, ils furent défaits par l’intervention providentielle d’un jeune duc duridinien, rival d’István et ancien adversaire ; Hauer Bjarkison. Totalement occultés par l’action d’éclat du Durdinien, les hauts faits d’István passèrent au second plan, comme une simple contribution apportée à la victoire euratienne. Le Comte en fut ivre de rage, ne se consolant qu’auprès de son peuple qui l’adulait, et lui avait donné un nouveau titre honorifique : Khöszoctone, le Tueur de Khösz.
Mort lors d’une chute de cheval en 1229, István Khöszoctone laissa Posvány entre les mains de son aîné, Árpad III Bátor, jeune et prometteur chevalier.
La suite, quant à elle, n’appartient plus à la légende. Elle est écrite, et continuera de s’écrire, tant qu’un Bátor sera en vie pour faire battre le cœur de Posvány. Les Posvanéens sont un peuple aux mœurs rudes, héritage d’un passé funeste et mouvementé. Venus de loin, ils firent tout ce qui était en leur moyen pour survivre, et tenter de prospérer dans un monde barbare, qui ne leur laissait d’autre choix que celui des armes et du sang versé. Les Khösz, leur grande Némésis, les conduisirent plusieurs fois au bord de la ruine.
Et pourtant, sans ces terrifiants nomades aux chevaux bordés d’écumes, ils n’auraient pu être des Posvanéens.