Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Sam 2 Juin - 18:37
Cela faisait quelques jours que ces misérables vermisseaux avaient élu domicile dans son quartier. Son quartier. Sa juridiction. À lui. Ils avaient osé, la racaille ! Il s'agissait d'une bande d'escamoteurs qui avait déjà été repérée le soir, dans les quartiers huppés de la ville, où ces moins que rien s'étaient amusés à laisser leurs mains s'égarer dans les effets de ces quelques riches bourgeois de passage dans la capitale et trop enivrés par l'aisance qu'ils avaient oublié que les rues n'étaient pourtant jamais trop sûres. Inconscients qu'ils étaient, ils devenaient une proie facile pour les culs-terreux avides de richesses indues. Ils sévissaient depuis un temps là-bas, avant de s'être fait attraper un soir, alors qu'ils avaient tenté le coup de trop, s'introduire dans la chambre d'un client d'une de ces riches auberges. Un coup monté de la garde pour les prendre la main dans le sac. Un joli coup de filet, qui s'était soldé par deux morts et quelques prisonniers. Autant dire que des mains allaient tomber !
Ceci dit, trois d'entre eux avaient réussi à s'échapper par on ne savait trop quel miracle. Ils ont fuit le quartier manu militari et n'avait rien trouvé de mieux que de venir se cacher dans ce vieux caniveau qui servait de lieu d'habitat à une certaine partie de la plèbe. Il était évident que Jacques avait rapidement entendu parler de rapines dans des impasses sombre et des conciliabules douteux dans des gargotes du coin. 30 écus de bronze, un milicien déguisé bourgeois d'opérette et beaucoup de patience avaient suffit pour les faire mordre à l'hameçon. Un soir, au détour de la menuiserie fermée, les malandrins lui étaient tombés dessus. "Ta vie vaut bien plus qu'une poignée de cuivres, l'opulent, donnes nous tes sous et vite !" avait crié le chef de la bande, le couteau à la main, bande qui avait eu le temps de grossir ses rangs de deux malfrats de plus.
Alors que le milicien, comédien jusqu'au bout, faisait mine de trembler et de détacher sa bourse, il en ressortit une poignée de sable qu'il jeta aux yeux de son agresseur, avant que le renfort ne sorte du décor accidenté comme des diables de leur boite, se jetant sur la petite troupe bien décidés à en découdre, Jacques le premier. Ils étaient moins nombreux, ceci dit, trois hommes contre cinq, le combat n'était pas très égal mais, ils avaient l'avantage de la technique sur eux, et de l'équipement.
Et c'est ainsi que le fracas de la rixe éclata, entre cris et métal claquant. Bormand se chargea personnellement du chef de la bande, contre qui il semblait avoir une dent bien dure et aiguisée. Il n'avait pas emporté de bouclier, trop encombrant pour se cacher, il n'avait que son épée avec lui et il ne manqua pas d'en user, tâchant sans doute d'intimider un peu son adversaire avec. Le bougre n'était guère impressionné et tenta de se défendre comme il le pouvait, avec son couteau minuscule. Cela ne fit qu'énerver davantage le sergent qui voyait ces voyous se battre au lieu de fuir ou mieux, de se soumettre à l'autorité ! Il avait beau agiter sa lame, tenter taille et estoc, le malotru avait l'agilité d'un serpent et il esquivait bien. Ce ne fut finalement que plus par le hasard des choses que par la technique qu'il parvint à le frapper enfin, quand ce dernier avait tenté de planter son couteau dans son épaule et que la lame, suite à un mouvement brusque du milicien, s'était cassée dans la pièce d'armure. Il lui envoya aussi son poing dans la figure, alors qu'ils étaient rapprochés, et le fit basculer contre le sol.
Soudain, cette femme apparue. Au détour de la rue. Dans la pénombre. En train de regarder ce qu'il se passait ici comme si elle avait vu un fantôme. Sous le choc sans doute ? Quoi qu'il en soit, l'un des détrousseurs saisit la porte de sortie qui se présenta à eux et se rua vers elle, sans doute pour en faire une otage ? Il n'eut pas le temps de l'atteindre, ceci dit, ou presque. "Revient ici, scélérat !" Hurla l'un des miliciens, avant de jeter dans son dos, ce qui s'apparentait à une hachette de lancer. Elle se flanqua entre ses côtes, lui arrachant un hurlement de douleur, alors qu'il tomba simplement aux pieds de la jeune femme, face contre terre, remuant comme un asticot agonisant. Triste réalité ! Alors que Bormand était occupé à étrangler son adversaire au sol, les autres voleurs vinrent à bout du milicien déguisé, le blessant à la cuisse en ayant planté une dague dedans. Son hurlement fit distraction alors qu'il tombait au sol, un homme en profita pour fuir alors que les deux autres furent retenus par la milice. Immobilisés sur le sol, les fers leur furent passés.
Jacques ne vit pas non plus le coup venir. Alors que sa cible bleuissait et se débattait mollement, elle récupéra ce qui ressemblait à une bouteille cassée du bout des doigts, trônant sur le pavé, et frappa le milicien à la tête avec, le faisant lâcher prise et rouler sur le sol. Il eut un soubresaut, reprenant son souffle d'un coup et, se relevant par la même, fut aussitôt transpercé par l'épée d'un des hommes de l'ordre ici présent, ce dernier se ruant sur lui en hurlant, avant de le percer de part en part. Il écarquilla les yeux, gémit sourdement, fixant la jeune femme au loin le regard vitreux, et retomba sur le sol, se vidant lentement de son sang dans le caniveau.
"Sergent ? Sergent vous allez bien ?" Dit-il alors en s'approchant de lui, l'aidant à se relever. Il avait le en visage en sang, depuis le front ruisselait son sang, tachant ses cheveux et le haut de ses vêtements. Les dents serrées, le visage crispé, il tentait de contenir sa douleur. "Un homme s'est échappé. Deux autres ont été faits prisonniers." Ajouta-t-il ensuite, en désignant les forcenés au sol. Jacques se rendit bien compte que le chef était mort, ce qui ne manqua pas de le réjouir intérieurement. Il souffla fort, tournant alors son regard vers le milicien blessé qui râlait assis au sol, endoloris, se tenant la cuisse. Puis vers la jeune femme, qui se tenait là, et le cadavre à ses pieds. "Vous là ! Allez mander un médecin !" La voix tonitruante, le timbre sec, incisif, empli de colère, ses mots sonnant comme un ordre.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Dim 3 Juin - 6:19
Anastasie LunétoilePrêtresse
Lorsqu'elle vit un homme bondir et se ruer vers elle, Anastasie fut tout à fait tétanisée. Elle n'entendit même pas que quelqu'un lui criait quelque chose. Ce n'était pas la première fois qu'elle se sentait menacée, elle avait même vécu des aventures fort déplaisantes voire traumatisantes - comme son enlevement. C'est probablement à cause de cela qu'elle fut incapable de bouger. Mais ce ne fut pas le pire.
L'homme qui courait vers elle avait sans doute des intentions hostiles à son égard mais Anastasie était loin d'en être convaincue. Peut-être ne cherchait-il qu'à fuir la mort ? Eh bien à défaut de le frapper de face, celle-ci arriva dans le dos. La prêtresse vit le visage du fuyard se tordre de douleur alors qu'il s'écrasait au sol, et elle aperçut ensuite l'arme fichée dans son dos. Il bougea un peu mais il n'y avait pas besoin de s'y connaître particulièrement en médecine pour savoir que c'était trop tard. Il n'y avait rien à faire. C'était une scène horrible. Ana avait toujours été profondément convaincue par les valeurs défendues par les dieux, et voir un homme abréger la vie d'un de ses semblables était une très grave faute. C'était à Tamas de décider quand rappeler quelqu'un. Elle n'était pas choquée par le fait de voir un cadavre: ça arrivait régulièrement quand on suivait la voie de Tamas. Elle était choquée parce qu'elle venait de voir un homme en tuer un autre.
Bien sûr, elle ne connaissait pas toute l'histoire et ne savait pas ce qui avait mené à cette tragédie. Mais y avait-il une seule bonne raison pour ôter la vie à quelqu'un? La prêtresse pensait que non. Et le combat n'était apparemment pas terminé. Un cri de douleur retentit plus loin, un homme était blessé par deux de ses adversaires. La prêtresse avait du mal à suivre ce qui se passait mais un autre homme courut vers elle sans hésitation, presque sans la regarder. Anastasie ne fit évidemment aucun geste pour le retenir et se contenta de le regarder fuir jusqu'à ce qu'un cri ramène son attention sur l'étrange scène de la ruelle. Qu'était-elle censée faire ? Se jeter sur sa route ? Ce serait aussi dangereux que ridicule et inutile. Elle aurait aimé pouvoir tourner la tête, ne plus regarder, fuir elle aussi. Mais ce qu'elle voyait l'empêchait de le faire. Elle vit un homme se faire transpercer par une épée et croisa son regard vitreux d'individu déjà mort ou peu s'en faut... Elle ouvrit la bouche pour murmurer une prière mais aucun son ne sortit, et la recommandations à Tamas se fit seulement dans sa tête. Elle réussit seulement là ce qu'elle aurait voulu faite depuis longtemps : elle ferma les yeux un instant.
Elle entendit bien quelqu'un parler mais comme ça ne lui était visiblement pas adressé cela ne l'interrompit d'abord pas. Et puis il y eut l'ordre.
"Vous là ! Allez mander un médecin !"
Anastasie ouvrit brusquement les yeux et revint à la réalité. Ramassant le sac qui contenait ses affaires et qu'elle avait laissé tomber depuis longtemps, elle fit d'abord un pas pour être tout à fait dans le champ de vision des survivants. Sans un mot, elle contourna soigneusement le cadavre qu'elle aurait largement pu enjamber. Cela n'aurait pas été respectueux. D'un air timide, elle finit par se présenter devant l'homme qui lui avait ordonné "d'aller mander un médecin". Ses yeux noisettes croisèrent à peine ceux de l'homme: la prêtresse, dont la fonction était visible grâce à son collier en forme de serpent et sa robe de lin, observait la blessure de l'homme dont le sang ruisselait.
- Je suis médecin, indiqua-t-elle en essayant de rendre sa voix ferme.
Ça ne marchait pas vraiment: Anastasie avait une voix trop douce pour pouvoir impressionner qui que ce soit. Elle était plus petite que son interlocuteur, toute maigre, toute pâle. Ce n'était même pas le choc, bien qu'on puisse le croire, mais son teint habituel. Ses cheveux, entre le brun et le roux, était solidement attachés en arrière pour ne pas la gêner et dégageait son visage habituellement bienveillant. Il l'était un peu moins que de coutume c'est vrai, mais c'était à cause de ce qu'elle avait vu. Sa bonté naturelle n'allait sans doute pas tarder à reprendre le dessus.
- Vous ne devriez pas rester debout pour le moment, il vaudrait mieux, au moins, que vous vous asseyez, continua-t-elle en regardant avec attention le sang sur le visage de l'homme. Ce n'était pas forcément très grave: quand on blessait quelqu'un à l'arcade par exemple il saignait beaucoup et le but était plus de l'aveugler que de le faire mourir ainsi. Il faudrait qu'elle l'examine pour savoir exactement ce qu'il en était. De toute façon je ne peux pas vous examiner si vous restez debout... Vous êtes trop grand pour que je voie bien...
Prenant une grande inspiration pour retrouver la force de s'affirmer un peu, la prêtresse se tourna vers l'homme qui était à côté de son interlocuteur. Elle lui parla d'un air grave.
- Vous ne devriez pas laisser votre ami seul, dit-elle en regardant le milicien à terre avec sa cuisse blessée. Dites lui de ne pas bouger s'il vous plaît, et de ne pas retirer la dague tout de suite, je viendrai le voir quand j'aurai pu examiner la tête de monsieur.
...Pour savoir ce qui était le plus grave, mais elle ne termina pas sa phrase ainsi.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Dim 3 Juin - 14:37
Jacques soufflait fort, par les nasaux, tâchant de garder son calme. Ce n'était pas évident entre la douleur et ces mécréants qui avaient osé braver la loi. Surtout que l'un d'entre eux avait réussi à s'échapper, il y avait de quoi être ulcéré. Il regarda la jeune femme s'approcher et il fut obligé de reconnaitre que sa voix et sa gestuelle avaient quelque chose d'apaisant. Voilà qui l'aida à reprendre une humeur plus amicale malgré la situation. Enfin amicale ... À son sens à lui, bien entendu.
- Soldats ! Emmenez ces deux vaut-riens aux geôles, il vont apprendre ce que c'est que respecter la loi.
Dit-il la voix toujours aussi sèche mais, déchargée de sa colère. Les deux miliciens encore intacts s'exécutèrent, relevant les deux hommes à terre et les trainant avec eux, non sans les bousculer et leur ordonner de se taire, surtout. Revenant à cette jeune femme dont il avait ignoré l'injonction, il la détailla du regard, se demandant un instant si elle était vraiment médecin ou une complice de ces gens-là. Ses yeux se posèrent sur son collier un instant, puis sur sa robe. Apparemment, c'était une prêtresse. Une femme de vertu et d'intégrité, en somme. Quelqu'un en qui on pouvait avoir confiance. Il soupira encore, puis s'assit à même le pavé, s'adossant contre le premier mur venu. Il releva ses genoux, posant ses coudes dessus.
- Vous tombez à pic, prêtresse, faites votre office.
Dit-il d'autant plus soulagé qu'il avait retrouvé tout son calme, le visage toujours crispé, ceci dit. Il regarda le milicien blessé, puis s'essuya doucement les yeux où le sang commençait à l'aveugler.
- Vous devriez commencer par lui. Et ne trainez pas, nous n'avons pas toute la soirée.
Reprit-il un brin fatigué. Le soldat avait la lame enfoncée dans le haut de sa cuisse. Toujours déguisé en bourgeois, il compressait la blessure en gémissant et en se tortillant. Fort heureusement, l'artère n'avait pas été touchée mais, la blessure avait de quoi l'empêcher de marcher. La lame du couteau, pour sa part, était longue d'une dizaine de centimètres, aiguisée sur un bord seulement et quelque peu rouillée. Son manche était en bois, tout ce qu'il y avait de plus ordinaire.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Dim 3 Juin - 19:49
Anastasie LunétoilePrêtresse
L'homme blessé en face d'elle ne lui inspirait pas de sympathie. Anastasie avait l'impression qu'il se moquait bien d'elle et de ce qu'elle pourrait lui dire. Dans l'absolu ce n'était pas grave, Ana n'avait pas un ego très développé, mais il avait aussi une drôle de manière de traiter ses semblables.
- Soldats ! Emmenez ces deux vaut-riens aux geôles, il vont apprendre ce que c'est que respecter la loi.
Ça sonnait drôlement comme une menace, et lorsque la prêtresse vit les soldats s'exécuter elle eut froid dans le dos. Elle ne savait pas ce qu'avaient fait les prisonniers, mais méritaient-ils ce traitement ? La compassion semblait manquer cruellement dans ce quartier, après tout on tuait les fuyards. C'était à se demander de qui Anastasie devait avoir pitié. Quel genre de justice était-ce là?
Elle sentit le regard froid de celui qui semblait indéniablement être le chef glisser sur elle, ce qui la mit prodigieusement mal à l'aise. Elle ne parvint pas à soutenir son regard mais entendit son soupir, et fut soulagée lorsqu'il finit par s'asseoir comme elle l'avait demandé. Tenant fermement ses affaires, la demoiselle s'approcha de lui pour l'aider.
- Vous tombez à pic, prêtresse, faites votre office.
"Prêtresse". Anastasie détestait que l'on s'adresse à elle ainsi. Qui aimerait être réduit à sa fonction ? Ana avait renoncé à beaucoup de chose mais pas à son identité. Est-ce qu'elle l'avait appelé "garde" en s'adressant à lui ? Bien sûr que non. Habituellement elle faisait une petite remarque pour demander qu'on l'appelle "ma mère" ou simplement par son prénom. Cette fois-ci elle ne dit rien. Cet homme n'avait l'air capable que de donner des ordres, comme si l'obéissance du monde entier lui était due. Et même si l'agacement de la prêtresse se lisait clairement sur son visage trop sincère, elle n'était pas du genre rebelle. Elle commença à se baisser pour fouiller dans son sac et y trouver de quoi aider les... Survivants.
- Vous devriez commencer par lui. Et ne trainez pas, nous n'avons pas toute la soirée.
Anastasie suspendit son geste un instant. Elle ne put contenir à son tour un soupir. La politesse, la gentillesse, l'amabilité... Visiblement ce type ne nageait pas dedans. Il n'avait d'ailleurs pas l'air de partir du principe qu'elle ferait de son mieux mais plutôt qu'elle voudrait intentionnellement le ralentir pour une raison obscure. Enfin, il n'était pas du genre d'Anastasie de condamner tout de suite. Il ne fallait pas juger les gens sur leur apparence. Ce pauvre homme était blessé, il devait souffrir, et personne ne restait très sympathique dans ces conditions. Choisissant néanmoins de ne pas répondre pour l'instant, Ana sortit de son sac une gourde d'eau, deux petits morceaux de tissu blanc, et de quoi désinfecter une plaie. Elle avait plutôt imaginé se blesser elle-même dans son voyage, mais apparemment... Cela servirait à quelqu'un d'autre qu'elle.
Anastasie commença par éponger le plus doucement possible le sang qui coulait sur le crâne du blessé pour essayer de déterminer exactement la taille de sa plaie. Ce n'était pas très grave, la blessure n'était pas bien grande mais située à un endroit stratégique, à savoir qu'il saignait beaucoup. Il faudrait seulement prendre garde à ce qu'il n'y ait pas de petit morceau de verre qui s'y soit glissé. Elle posa son morceau de tissu propre avec douceur sur le crâne de l'homme pour essayer d'endiguer le saignement, ce qui était nécessaire avant d'entreprendre le reste des soins, et elle pousuivit.
- Vous pouvez le tenir ? Je vais aller voir votre... Elle allait dire "ami" mais doutait de la pertinence de ce choix de vocabulaire. Collègue. Évitez de vous lever, dit-elle d'une voix qui se voulait ferme mais qui ne l'était pas vraiment.
Elle aurait bien rajouté un "Ça va ? Pas trop lent pour vous ?" mais ça aurait été méchant et ce n'était pas son genre. Elle se répéta intérieurement que l'homme n'avait sûrement pas voulu être désagréable. Elle se força à sourire en ramassant ses affaires.
- Si ça ne va pas appelez moi, dit-elle de sa voix douce avant de se relever pour faire ce qu'elle avait dit.
L'autre homme avait l'air soulagé de voir la prêtresse approcher de lui. Il gémissait de douleur et se tortillait plus ou moins comme si allait l'aider à se sentir mieux... Le pauvre. Ana lui offrit un sourire bienveillant en s'agenouillant auprès de lui.
- Je suis désolée, je n'ai rien sur moi pour atténuer la douleur...
Anastasie était sincèrement désolée. Elle avait de quoi recoudre, la plaie n'avait pas une taille trop importante, mais ce serait douloureux parce qu'elle était profonde et qu'il faudrait retirer la dague pour faire quoi que ce soit. Au moins, elle semblait avoir été aiguisée correctement et la lame n'avait pas l'air d'avoir de dents d'après ce qu'apprenait Anastasie par une observation minutieuse.
La prêtresse prit son dernier morceau de tissu propre, son eau et de quoi désinfecter. Elle les agença de son mieux sur le haut de son sac pour les avoir à portée de main et il fut temps de passer aux choses sérieuses. Après avoir proposé quelque chose à mordre au soldat, et après avoir découpé un grand bout de son pantalon pour qu'il ne la gêne pas, Anastasie dut retirer la dague. Elle fit de son mieux, tira bien l'arme dans l'angle qu'elle avait suivi pour pénétrer la chair, et tenta de le faire d'un unique coup sec. Le cri de douleur qu'elle entendit la fit trembler une seconde ou deux avant qu'elle ne presse son tissu couvert de désinfectant maison sur la plaie en essayant de tenir les bords rapprochés. La blessure était nette.
Jetant un regard à l'arme qu'elle avait lâchée à côté d'elle, elle aperçut des traces de rouilles. Il faudrait faire bien attention...
Elle se rendit alors compte qu'elle avait fait une erreur. Sa petite trousse d'instrument était toujours dans son sac et elle ne pouvait pas vraiment tout lâcher pour rouvrir le sac, puis la trousse... Elle aurait bien besoin d'un assistant. Jetant un regard timide derrière elle, elle ne vit que des cadavres et un blessé... Le choix était donc limité...
- Seriez-vous en état de m'aider, monsieur...? J'aurais bien besoin d'une paire de bras supplémentaire pour une minute ou deux...
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Dim 3 Juin - 21:20
Il avait bien remarqué que quelque chose n'allait pas dans son comportement. Cette jeune femme était crispée, peut-être même contrariée ? À un moment en tous cas, elle semblait s'être fermée. Jacques n'était pas idiot, il se doutait bien que sa façon de faire pouvait heurter la sensibilité évidente de cette petite dame mais, est-ce qu'il en avait réellement quelque chose à faire ? Pas vraiment. Pour lui, c'était ainsi que ça fonctionnait et tant pis pour ses états d'âme. De toutes les façons, elle avait laissé le fuyard s'en aller sans chercher à l'arrêter, il pourrait limite l'accuser de complicité ! Ça serait un peu extrême quand même, surtout qu'il avait bien besoin de ses soins. Dans sa tête, c'était alors tout clair, pas de charges en échange de ses services. Ceci dit, il se garda bien de le lui dire, l'expérience lui avait appris qu'il était souvent préférable de ne pas dire toujours tout avant d'agir.
Il grimaça un peu lorsqu'elle commença à nettoyer sa plaie, ça piquait forcément. Il souffla par les nasaux et saisit le tissu humide pour le garder contre sa blessure, comme elle le lui demanda avant d'aller voir le milicien blessé. Bormand ne rajouta rien, trop occupé à se demander où le dernier survivant avait bien pu aller se cacher, pour aller l'attraper à son tour. Sans doute que ses deux petits camarades en savaient quelque chose, il faudrait les faire parler au plus tôt. Cela ne manqua pas de le faire sourire, légèrement, en coin. Il le réprima très vite, ceci dit, avant de tourner le regard vers le soldat lorsque ce dernier cria. Il observa faire la prêtresse, n'y comprenant pas grand chose en médecine. Il ne chercha pas à examiner ses gestes, il lui faisait confiance, pour l'instant, il n'y avait donc pas de raison de douter d'elle. De toutes les façons, même s'il avait un doute, il n'aurait pas plus compris ce qu'elle faisait que maintenant.
C'est qu'elle était bien jeune, cette dame, et que faisait-elle ici, dans cette rue sombre et malfamée, à cette heure ci ? Seule ? C'était une proie facile en ces lieux obscurs, était-elle inconsciente à ce point ? En fait, soit elle avait une confiance absolue envers les autorités et pensait alors qu'elle n'avait rien à craindre ici, ce que Jacques pouvait tout à fait comprendre et accepter, il faut faire confiance à l'autorité et s'en remettre à elle. Ceci dit, il devait reconnaitre qu'il y avait encore beaucoup de travail à faire ici et il ne pouvait pas poster un milicien à chaque coin de rue. Elle devait donc être naïve, quelque part, ce qui collerait bien avec sa personne, en fait. La deuxième solution, c'était qu'elle était complice de ces gens là et qu'elle n'avait donc rien à craindre d'eux. Après tout, sa présence fortuite en ces lieux peu recommandables pouvait être interprétée comme une diversion. Il ne savait pas trop quoi penser d'elle, en fin de compte, si ce n'était qu'une religieuse était par défaut une personne de confiance. Mais bon, ce n'était pas un noble ni une haute autorité non plus, tout ce qui l'empêchait de dévier du droit chemin, c'était sa propre conscience et la conscience des gens, Jacques n'y croyait absolument pas.
Il fut bien obligé de sortir de son intense réflexion lorsqu'elle lui demanda de l'aide. Il ronfla, quelque peu agacé mais, se leva malgré tout, gardant le chiffon contre sa plaie et s'approchant de la prêtresse et du milicien. L'homme ne semblait guère très rassuré de voir son sergent aussi proche de lui. Il le savait brutal et peu précautionneux, quelque chose lui disait qu'il allait avoir mal. Bormand ne mit pas longtemps à comprendre ceci dit et lâcha alors le tissu, qui retomba sur le pavé, pour venir tenir les berges de la plaie, sur la cuisse du soldat, à la place de la jeune femme, pressant pour éviter que le sang n'en sorte, ou tout du moins, s'y essayant. Le milicien se crispa et grimaça de nouveau, le visage couvert de sueur. Il se retenait d'hurler, cela ne ferait guère plaisir à Jacques et quelque part, il n'avait pas envie de se faire réprimander pour si peu. Il avait beau être un soldat, il était avant tout l'autorité, il devait faire preuve de bravoure, que diable !
- Qu'est-ce qui vous amène dans ce caniveau, Prêtresse ? Avouez que ce n'est pas ordinaire de croiser des gens de votre qualité ici.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Lun 4 Juin - 16:21
Anastasie LunétoilePrêtresse
L'homme ne prit même pas la peine de lui répondre. Anastasie aurait pu essayer de s'arranger pour se débrouiller seule s'il s'était veritablement senti mal. Avec le coup qu'il avait reçu, c'était presque étrange qu'il n'ait pas un sacré coup de chaud ! Elle entendit simplement du bruit, lui indiquant qu'il la rejoignait. Elle leva doucement les yeux au ciel, avant de reprendre un sourire doux qui se voulait rassurant en direction de son patient du moment.
La prêtresse avait bien remarqué qu'il s'était crispé mais elle n'en connaissait pas la raison. Peut-être avait-elle un peu plus appuyé, ce qui l'aurait fait souffrir plus vivement ? Elle lui dit doucement que tout allait bien se passer et qu'elle ferait le plus vite possible. Ça ne sembla pas suffir à le rassurer mais la prêtresse ne voyait pas ajouter pour le moment.
Celui qui semblait le cerveau de l'opération étant donné son penchant pour les ordres finit par prendre la place d'Ana. Elle put donc commencer à fouiller dans son sac pour en sortir une petite trousse. Malgré tous ses efforts pour ne pas tacher ses affaires elle les ensanglanta tout de même légèrement. Ce n'était pas grave. Ses manches étaient retombées sur ses poignets, et même si la prêtresse détestait qu'on puisse voir ces derniers elle dut bien les retrousser à nouveau de son mieux, jusqu'au coude: il lui serait impossible de travailler correctement en les laissant trainer. Habituellement elle aurait lancé un regard timide en direction des deux hommes, cherchant à déterminer s'ils avaient vu ses cicatrices. Elle en avait une à l'avant-bras gauche, vestige d'un couteau avec lequel elle s'était blessé en coupant des fleurs en forêt. Et deux autres, circulaires. Une à chaque poignet. La demoiselle n'avait évidemment jamais fait de prison, mais elle avait été enlevée par des brigands dans le duché de Volg. Ils l'avaient attachée avec des liens si serrés, et elle s'était tant acharnée, qu'elle avait finit par s'ouvrir et en avait gardé la marque. Et comme elle n'avait certainement pas envie d'évoquer un épisode si traumatisant et personnel, elle prenait souvent soin de masquer ses poignets.
- Ce n'est pas la peine d'appuyer si fort, dit-elle à destination de son assistant désigné. Vous allez lui faire encore plus mal.
Anastasie avait dit cela d'une voix neutre, comme une simple information. Il était vrai que leurs mains étaient aussi différentes que leurs carrures respectives, et le patient devait probablement sentir la différence. Mais Ana n'avait pas le temps ni la possibilité d'inverser les rôles.
La prêtresse mit en place son matériel, et tenait donc entre ses doigts fins le nécessaire pour recoudre le milicien. Il fallait faire cela proprement, pour que la cicatrice soit belle voire disparaisse. Anastasie désinfectait une nouvelle fois la plaie quand elle entendit qu'on lui parlait.
- Qu'est-ce qui vous amène dans ce caniveau, Prêtresse ? Avouez que ce n'est pas ordinaire de croiser des gens de votre qualité ici.
Anastasie, qui allait commencer la partie délicate des opérations, tourna un visage sincèrement surpris en direction de son infortuné acolyte. N'y avait-il pas de moments plus appropriés pour les questions ? Néanmoins son interlocuteur n'avait pas l'air d'être un homme que l'on pouvait contrarier impunément, et elle avait plus important à faire que de se disputer. La prêtresse prit une grande inspiration et commença à recoudre de son mieux.
- Aucun endroit n'est abandonné des dieux, aucun endroit ne devrait l'être des prêtres, commença-t-elle par dire. Elle dut se taire quelques secondes pour se concentrer sur son ouvrage avant de reprendre. Je ne suis pas d'ici, je me suis perdue en visitant et quand j'ai fait demi-tour pour essayer de retomber sur une plus grande rue, j'ai entendu des cris alors... Je me suis inquiétée, j'ai voulu sqvoir ce que c'était et si je pouvais aider.
C'était la vérité, et également la version courte. Mais si monsieur le curieux avait besoin des détails de son voyage, elle avait de toute façon dans son sac la lettre de Nacre qui ordonnait son changement de paroisse. Elle eut bien du mal à ne faire aucun commentaire désagréable sur la récidive de l'appellation "Prêtresse" alors qu'il s'adressait directement à elle.
- Si vous y parvenez, essayez de maintenir sa jambe: ses tremblements et ses sursauts me compliquent la tâche.
Anastasie était particulièrement concentrée. Tellement qu'elle en oubliait presque son désir de savoir ce qui pouvait pousser les gardes à tant de cruauté. Elle ne put néanmoins pas résister toutes ses envies...
- Ça va pour les questions pressantes, le reste peut attendre que j'aie fini ? Dit-elle. Sa voix était douce, comme toujours. Elle ne cherchait pas vraiment à provoquer son camarade mais juste à lui faire comprendre que le moment choisi n'était pas judicieux. Elle ne parvenait néanmoins pas à masquer l'agacement que tout ceci lui inspirait. Anastasie était une demoiselle gentille, et en règle générale timide. Elle ne voulait jamais froisser personne, mais le.plus important pour elle était clair: soigner convenablement le milicien blessé avant de s'intéresser à quoi que ce soit d'autre. Visiblement le chef n'avait pas les mêmes priorités. Enfin, elle avait presque fini. Il ne resterait plus qu'à observer un peu mieux la plaie du chef, et à la désinfecter en règles. Après tout, il avait ôté le tissu et ça ne saignait plus beaucoup. Ce serait bientôt bon.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Mer 6 Juin - 20:30
Voilà que la jeune femme était nerveuse, ou agacée, ou les deux. Cela pouvait se comprendre, la situation ne devait rien avoir de bien sympathique pour une femme comme elle. Deux cadavres sur le pavé, du sang, deux hommes blessés qui la pressaient de faire quelque chose à laquelle elle n'était même pas préparée. Et puis, il y avait aussi Jacques et ses questions quelque peu inopportunes. En effet, il n'y voyait pas d'inconvénient, ce n'est pas comme si il avait baigné dans ce monde brutal et cruel qu'est l'armée et qu'il était donc devenu insensible à ce genre de choses. Il l'écoutait, quoi qu'il en soit, se disant que ses explications étaient véridiques. En général, plus c'était simple, moins c'était suspect. Il s’exécuta également, appuyant d'autant plus fort pour maintenir sa cuisse en place, ce qui ne manqua pas de faire gémir le milicien qui avait l'impression d'être au bout de sa vie.
Une jeune recrue, ça lui forgerait le caractère ! Il n'osait même pas regarder l'aiguille qui lui perçait la chair pour recoudre les berges. Jacques se taisait, il n'avait rien rajouté de plus et ne comptait rien rajouter dans l'immédiat. Jusqu'à ce qu'elle finisse par lui demander, d'un ton toujours aussi doux et pacifique, s'il n'avait pas terminé avec ses questions. Il la regarda, en coin, d'un air soutenu, l'air de lui demander si elle était sérieuse. Avant de cligner des yeux quand quelques gouttes de son sang glissèrent dedans. Il secoua la tête et ronfla, pestant contre toute cette situation mais, il ne fit aucun commentaire.
Lorsqu'elle eut enfin terminé les soins du milicien, le sergent relâcha sa cuisse et le jeune homme poussa un long soupire. Il regarda sa plaie, assez effrayé, baignant dans sa sueur, exténué. Au moins, il n'allait pas mourir, c'était déjà ça ! Mais ça piquait toujours autant et il n'allait pas pouvoir marcher. Sans parler de l'inflammation à venir. Les deux prochaines semaines allaient être atrocement difficiles pour lui. Reste à savoir si Bormand se montrerait "compréhensif", c'est-à-dire qu'il lui accorderait le repos nécessaire ou s'il se contenterait simplement de limiter son travail au champs de ses possibilités le temps qu'il retrouve pleinement usage de sa jambe.
Le sergent se mit alors dos contre le mur, se rasseyant. Sa plaie se trouvait au coin du front, près de l'arcade. Deux ouvertures, comme un coup de griffe, mais du fait du verre. Guère très profondes ni très larges mais saignantes. Il y avait quelques salissures, quelques cheveux collés par le sang dedans. Quelques fragments de verre plantés par-ci et là mais, rien de bien trop grave pour autant. Il regarda la prêtresse, l'air toujours aussi dur mais, sans faire preuve d'hostilité pour autant.
- Je vous serais reconnaissant d'en finir vite, jeune femme. Je vais avoir besoin de vous après ça.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Jeu 7 Juin - 16:02
Anastasie LunétoilePrêtresse
Anastasie eut fini assez rapidement. Les mouvements lui étaient familiers, c'était loin d'être la première fois qu'elle devait faire ce genre de choses. Les conditions, sans être extrêmes, n'étaient ni ordinaires ni optimales mais ce n'était pas si grave. Son assistant, malgré son air fermé et peu avenant, se débrouillait très bien pour l'aider. Le pauvre patient n'en menait pas large et Anastasie regrettait vraiment de ne rien avoir apporté contre la douleur. Mais comment aurait-elle pu imaginer ce genre de scénario ? C'était tout bonnement impossible. Enfin, le plus important était sans doute qu'elle avait mené sa tache à son terme, et d'une manière très correcte. S'il s'agitait pas trop et respectait les précautions d'usage, il ne garderait sans doute qu'une cicatrice bien droite et propre. Et il aurait gagné une drôle d'histoire à raconter.
- Reposez-vous bien, mangez bien, dormez bien. Plus vous resterez tranquille plus ça guérira vite et bien: si vous bougez trop vous risquez de tout rouvrir. Gardez tout ça bien propre et au moindre doute appelez un médecin, plus il intervient vite et moins il y a de chance que ce soit grave à la fin.
Elle accompagna ces quelques recommandations d'un sourire bienveillant. Visiblement la vue d'une plaie, qui ne faisait plus rien à la prêtresse depuis longtemps malgré son apparente fragilité, avait troublé le milicien. La douleur ne devait pas l'aider à relativiser la situation non plus, il fallait l'avouer.
L'assistant d'Anastasie retourna se caler contre un mur, assis bien sagement. La prêtresse avait à peine eut le temps de rincer ses mains ensanglantées à l'eau de son outre qu'il lui rappelait d'un ton ferme qu'ils n'avaient pas que ça à faire.
- Je vous serais reconnaissant d'en finir vite, jeune femme. Je vais avoir besoin de vous après ça.
- Anastasie, finit-elle simplement par répondre alors qu'elle cherchait un objet dans sa petite trousse.
Ils n'avaient pas encore pris le temps des présentations- il était vrai que les circonstances s'y prêtaient moyennement- mais maintenant qu'il n'y avait pas vraiment de geste délicat à accomplir il pouvait être judicieux de mettre ce temps à profit pour un petit bout de discussion. Lorsqu'elle eut trouvé ce qu'elle cherchait, un genre de minuscule pince à épiler qu'elle trempa dans sa petite bouteille de désinfectant, elle s'agenouilla de manière à pouvoir observer le crâne de son assistant - à défaut de connaître son nom ou son grade elle le désignait mentalement ainsi. De toute façon le simple titre de "milicien" avait été donné à son autre patient.
- En quoi pourrais-je vous être utile ? Demanda-t-elle sans quitter son air doux quoiqu'un peu distant quand il s'agissait de l'assistant. Vous aurez besoin d'aide pour raccompagner votre collègue, peut-être?
C'était l'explication qui lui venait tout de suite à l'esprit. Enfin, il y en avait bien une deuxième...
- Ou peut-être voudriez-vous que je prévienne la famille de ces malheureux ? Hasarda-t-elle en évoquant les cadavres. Il serait de la plus grande impiété de les laisser là, à la vue de tous, sans leur accorder de soins funéraires. Voilà une autre utilité des prêtres de Tamas, ce qui faisait d'ailleurs leur plus ou moins sinistre réputation. Mais quand on était face à des gens dont le groupe avait osé tuer des êtres humains... Certains semblaient plus funestes que d'autres.
Anastasie se redressa de son mieux pour voir les deux entailles du crâne de son deuxième patient. Elle prit soin de se placer à côté de lui et non en face pour le laisser s'installer plus confortablement que si elle avait dû coller sa poitrine devant ses yeux pour faire quelque chose, ce qui faisait qu'il ne pourrait pas la regarder en lui répondant sans bouger. Et bouger serait une mauvaise idée. Avec sa petite pince, elle entreprit de dégager méticuleusement les morceaux de verre et les quelques cheveux collés. Heureusement la plaie du premier avait été bien nette grâce à la dague, sinon elle probablement passé un temps fou à tout nettoyer... Une petite partie de son cerveau avait bien hâte que tout ceci soit fini, rien que pour rabattre ses manches sur ses poignets marqués, mais ce qui lui donnait envie d'en finir rapidement était surtout l'ambiance pesante et moribonde du lieu et de son interlocuteur principal. Enfin, lui ne semblait pas moribond, seulement... Froid ? Dur ? Quelque chose comme ça, qui mettait la prêtresse mal à l'aise.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Jeu 7 Juin - 20:52
Jacques crispait le visage par moment, c'était certes moins douloureux que pour son acolyte mais, ça piquait par moment, tout particulièrement lorsqu'elle s'était amusée à lui retirer les morceaux de verre. Elle avait beau faire preuve d'une douceur et d'une minutie exemplaires, cela provoquait quelques picots désagréables par moment. Ce n'était pas sa faute, personne n'aurait fait mieux. Non, cela n'en tenait qu'à la disposition de la plaie et du verre qui, lors de l'extraction, stimulait peut-être un peu trop ses nerfs. Mais Bormand en avait vu d'autres et aussi ne râlait-il pas à l'instant. Lorsqu'elle prononça son nom, il la regarda de nouveau un instant. Anastasie. Comme ça lui allait bien. Décidément, cette personne était la cohérence incarnée. Trop peut être. C'était un peu suspect. Tout semblait bien trop orchestré. Et si c'était un piège ? Son regard ne savait plus trop où se poser, comme s'il cherchait quelque chose qu'il ne trouvait pas, pendant un instant.
Il soupira, il se faisait des idées, sans doute, comment ne pas faire confiance à cette dame qui avait tout d'une personne honnête et honorable ? Qu'il était bon de pouvoir s'appuyer sur des citoyens respectables. Puis, finalement, ses deux questions le firent marrer, légèrement, en coin. Il ne lui répondit pas tout de suite, attendant soigneusement qu'elle en ait terminé avec sa plaie avant de reprendre la parole, calmement.
- Leur famille sera prévenue en temps et en heure. Cette racaille ne doit manquer à personne et ne manquera à personne. J'enverrai des gens récupérer les cadavres et les enterrer, éventuellement, si la famille en a les moyens. Autrement, ça sera dans la fosse commune. Il ne put s'empêcher de se marrer encore une fois. C'était bien la première fois qu'il souriait de la soirée. Haha, les "malheureux". Elle est mignonne. Dit-il en désignant Anastasie, s'adressant au milicien. Il cessa de rire lentement, savourant quand même le moment, avant d'en revenir à elle. Sans prévenir garde, il enserra son poignet droit dans sa main gauche, fermement. Depuis quand les forçats se font prêtres ? Dit-il en ayant perdu tout son enthousiasme, faisant son doute référence à ces marques qu'il venait tout juste de remarquer, avec la proximité de la prêtresse. Il se releva, l'entrainant avec lui, sans la lâcher. Mais vous allez sans doute me sortir une nouvelle excuse, n'est-ce pas ? J'ai hâte de l'entendre.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Ven 8 Juin - 11:30
Anastasie LunétoilePrêtresse
- Leur famille sera prévenue en temps et en heure. Cette racaille ne doit manquer à personne et ne manquera à personne. J'enverrai des gens récupérer les cadavres et les enterrer, éventuellement, si la famille en a les moyens. Autrement, ça sera dans la fosse commune.
Anastasie était profondément choquée. Son interlocuteur ne semblait pas regretter le moins du monde ce qui s'était passé! Comment pouvait-on être aussi... Cruel ? Elle avait autant de questions que de remarques outrées à lui faire mais elle n'eut le temps de rien dire. Il riait. Et Anastasie trouvait que ça n'avait rien d'un bon présage.
-Haha, les "malheureux". Elle est mignonne.
La prêtresse fronça instantanément les sourcils d'un air sévère. N'avait-il rien de plus pertinent à faire que se moquer d'elle de cette manière? L'empathie semblait cruellement lui faire défaut! Elle tourna la tête vers l'autre milicien, qui ne semblait pas vraiment être en connivence avec son supérieur mais qui ne pouvait sans doute pas risquer de le contrarier. Elle ne put pas s'empêcher de se dire qu'elle n'aurait peut-être pas dû les aider, mais l'aversion que lui inspirait la vision de cet homme sans-coeur la fit regretter une telle pensée.
Ana chercha une nouvelle fois à lui trouver des excuses, la fatigue, la douleur, n'importe quoi... Mais elle n'était plus convaincue. Cette discussion et le milicien qui tenait ces propos étaient si étranges pour elle que la demoiselle tenait toujours dans sa main la petite pince, bien qu'elle ne s'en serve plus. Elle avait fini.
Au moins, le milicien avait arrêté de rire. Peut-être finirait-il par se rendre compte de l'inconvenance de son comportement mais la prêtresse n'y croyait plus vraiment. Alors qu'elle se penchait vers avant pour attraper sa petite trousse sans se lever, elle sentit brusquement quelque chose attraper son bras. Sous l'effet de la surprise elle lâcha l'instrument qu'elle tenait jusque là. Relevant aussitôt les yeux elle vit qu'il s'agissait du milicien. Pourquoi faisait-il cela ? Il n'avait pas l'air de trop souffrir, l'idée qu'il serre le poignet de la prêtresse pour essayer de se soulager ne semblait pas la bonne.
-Depuis quand les forçats se font prêtres ?
Forçats? Anastasie écarquilla les yeux sous l'effet de la surprise monumentale que lui provoquait cette question. Elle n'eut ni le temps de comprendre ni le temps de répondre avant que le milicien se relève brutalement, l'emportant avec lui. Toujours aussi abasourdie, Ana trébucha dans sa trousse et renversa alors la moitié de son contenu par terre dans un fracas métallique. L'incompréhension se lisait nettement sur son visage. Le milicien n'avait pas lâché son bras.
-Mais vous allez sans doute me sortir une nouvelle excuse, n'est-ce pas ? J'ai hâte de l'entendre.
Une nouvelle excuse ? Ce ne fut qu'en baissant les yeux vers son poignet emprisonné qu'elle fit le lien. Le milicien prenait ses cicatrices pour celles d'un forçat. Évidemment il n'en était rien ! Mais Anastasie n'avait pas envie de lui expliquer le pourquoi du comment. Cet homme n'était pas un de ses proches, il n'avait aucune autre raison de lui poser cette question que sa curiosité mal placée. Il se comportait violemment avec elle, alors qu'il aurait simplement pu commencer par lui demander poliment comment cela lui était arrivé. Elle qui avait craint de devoir s'expliquer dans le calme, là voilà dans une drôle de situation. Et intimement convaincue que le garde ne la croirait jamais. Comment avoir envie de s'expliquer dans ce cas de figure ? "Nouvelle excuse". Pour qui la prenait-il, au juste ? Elle tira son bras pour se défaire de l'emprise du milicien mais elle n'en avait pas la force. Trop maigre. Trop fragile.
- Vous comptez m'insulter encore longtemps ? Demanda-t-elle. Sa voix reflétait sa colère mais venant d'une demoiselle comme elle cela n'était ni effrayant ni intimidant. C'est comme ça que vous traitez les gens qui vous viennent en aide à Evalon ? Ou peut-être que les cicatrices sont interdites ici ? Je dois mettre des indications à côté pour satisfaire la curiosité de tout le monde sinon on va m'agresser, c'est ça ?!
Elle tira une nouvelle fois sur son poignet mais cela ne lui fit que mieux sentir la poigne ferme du milicien. Cette sensation commençait à l'angoisser sérieusement. Elle lui rappelait l'emprise de ses liens quand on l'avait enlevée, le frottement de la corde jusqu'à la brûlure, le sang chaud qui coulait sur ses mains dans le noir... Quand elle cligna des yeux, elle aurait juré voir un instant un autre visage que celui du milicien. Celui d'un des trois bandits. Ouvrant de grands yeux apeurés, elle tira plus fort pour se dégager. La colère sur son visage laissait doucement place à la panique. Il aurait mieux fait de l'attraper par le coude s'il comptait obtenir une réponse. Tant qu'il tiendrait son poignet avec force, il ne cesserait pas de lui rappeler ce qui s'était produit. Anastasie était loin d'avoir tourné la page: elle n'avait eu quasiment personne à qui parler de ce qui était arrivé, et l'événement continuait à hanter beaucoup de ses nuits. La journée elle arrivait à ne pas y penser, elle l'avait enfoui, refoulé. Le milicien avait appuyé sur l'interrupteur. La prêtresse tremblait.
- Lâchez-moi, s'il vous plaît... Demanda-t-elle d'une toute petite voix. Elle tentait de contenir son angoisse en se concentrant sur ce qu'elle savait être présent et réel, pour éloigner les souvenirs qui venaient parasiter ses sensations. Mais l'angoisse refluait pour revenir à la charge, comme la mer qui recule pour finalement tremper un peu plus de sable la prochaine fois. Étendre son territoire.
Elle lança un regard implorant au milicien à la cuisse recousue.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Ven 8 Juin - 21:05
C'est comme ça qu'il traitait ce qu'ils considérait comme ne devant même pas exister, oui. Pourquoi avoir de la pitié pour eux quand ils n'en avaient aucune pour leurs victimes ? Quant à leurs corps, ce n'étaient que des cadavres, peu importe ce qu'on pouvait en faire, cela n'avait plus aucune importance. Il se pensait déjà bien gentil de les envoyer sous terre ! Concernant cette petite dame, la présence des cicatrices voulait dire, à son sens encore une fois, qu'elle était coupable. De toutes les façons, c'était bien trop beau pour être vrai. Une prêtresse, perdue dans les quartiers mal fréquentés de la ville, à une heure tardive, comme par hasard tout près de ces mauvais gens et avec des excuses plus que douteuses. Les cicatrices ne signifiaient qu'une chose, c'était une captive évadée de la geôle ! Quant à son collier et ses habits, c'était fort simple, elle les avait volés. Ah la canaille, elle avait osé s'en prendre à un prêtre un peu trop naïf et lui subtiliser ses modestes biens ! Et peut-être même sa vie également ! Jacques voyait rouge, sans mauvais jeu de mots.
De plus, son agitation ne faisait que renforcer son idée. Il n'y avait que les coupables pour paniquer ainsi. Il l'avait percée à jour, la gourgandine ! Il serrait fort, n'entendant absolument pas la lâcher. Elle allait venir avec lui et retourner à sa place, c'est-à-dire derrière les barreaux. Elle ne lui fournit même pas d'excuse, au contraire, elle lui demanda de la lâcher avec une voix tremblante, s'en remettant à sa bonne grâce. En somme, elle implorait sa pitié ? Scélérat ! Voilà qu'elle essayait de l'attendrir avec son visage d'ange et sa voix douce pour échapper au couperet de la justice. Ça aurait quand même été plus simple de purger sa peine mais, ces gens là sont incorrigibles, ils ne changent jamais.
- Euh ... chef ... elle nous a soigné ... vous ne pensez pas que c'est ... je ne sais pas ... improbable ?Dit alors le milicien, toujours endoloris, ne sachant plus trop où se placer. D'un côté, il voyait bien que son supérieur faisait fausse route mais de l'autre, comment oserait-il un instant le contredire ?
- Qu'elle nous ait soigné ne change rien, soldat, c'est une évadée ! Une récidiviste ! UNE CRIMINELLE !S'exclama-t-il sèchement, en hurlant sur la jeune femme, fou furieux. Une criminelle qu'il comptait bien emmener en prison. D'ailleurs, voilà qu'il cherchait ses menottes de son autre main.
- Sergent ... elle n'a pas le profil d'une criminelle, c'est ... une malheureuse qui s'est retrouvée ... au mauvais endroit, au mauvais moment.Jacques tourna alors sa tête vers lui, plantant son regard dans le sien. Il n'avait rien d'amical.
- Vous prenez la défense d'une hors la loi, soldat ?Un silence glacial s'instaura. Le milicien regarda Anastasie, puis Jacques, puis Anastasie de nouveau, puis baissa le regard.
- ... Non sergent.- Me voilà rassuré.Il lui passa ensuite le premier fer autour du bras qu'il tenait, elle était mince, ça rentrerait sans problème, puis passa l'autre à son propre poignet, pour ne pas qu'elle s'enfuie.
- On va aller s'expliquer à la caserne. Un petit rappel à la loi te fera le plus grand bien, vermine !Il la tira ensuite, brutalement, s'en allant chercher le soldat blessé pour le relever sur sa jambe intact. Il lui fit passer son bras derrière ses épaules et passa le sien sous son aisselle, lui offrant ainsi un bon appuie.
- En route soldat.Dit-il alors en emboitant doucement le pas, pour que ce dernier puisse suivre à cloche pied.
- Spoiler:
Je prends quelques initiatives pour faire avancer un peu plus les choses. Surtout n'hésites pas si quelque chose te déplait, je corrigerai.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Ven 8 Juin - 23:11
Anastasie LunétoilePrêtresse
- Euh ... chef ... elle nous a soigné ... vous ne pensez pas que c'est ... je ne sais pas ... improbable ?
Anastasie ne s'était pas réellement attendue à ce que le milicien à la cuisse recousue prenne sa défense. Elle l'avait espéré, ça oui ! Peut-être que son supérieur entendrait raison ? La prêtresse n'arrivait plus à respirer calmement, elle contenait ses larmes à grand peine et ne cessait pas de trembler. Mais il y avait ce petit espoir... Il ne pouvait pas être si cruel...?
- Qu'elle nous ait soigné ne change rien, soldat, c'est une évadée ! Une récidiviste ! UNE CRIMINELLE !
La panique d'Ana reprit de plus belle, libérée et amplifiée par la force du cri que venait de pousser son agresseur. Elle n'avait pas souvenir que qui que ce soit lui ait déjà parlé ainsi... Elle tirait toujours sans relâche sur son poignet captif et aurait juré que toutes les ombres s'étaient rapprochées. Elle était totalement perdue. À force d'haleter comme ça elle en avait presque la tête qui tournait mais elle ne pouvait pas s'arrêter. Elle n'était pas prête à faire face à ce genre d'épreuves une seconde fois.
- Sergent ... elle n'a pas le profil d'une criminelle, c'est ... une malheureuse qui s'est retrouvée ... au mauvais endroit, au mauvais moment.
En voilà un qui avait tout compris ! Ana, pleurant à chaudes larmes en même temps qu'elle s'efforçait de résister, lui était reconnaissante pout ses efforts. Ils ne l'empêchaient néanmoins pas vraiment de perdre pied. Elle faisait toujours de son mieux pour ne pas tout à fait céder mais à quoi bon? C'était difficile et douloureux. Et pour vivre ce qu'elle vivait là, est-ce que ça en valait la peine ? Elle pleurait, elle reculait de son mieux pour échapper à l'emprise du garde...
- Lâchez-moi... J'ai rien fait de mal ! Répéta-t-elle plusieurs fois à voix haute. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi ses cicatrices formaient des preuves que le garde jugeait comme suffisantes.
- Vous prenez la défense d'une hors la loi, soldat ?
Le silence qui suivit ne fut entrecoupé que par les pleurs d'Anastasie qui n'avait pas cessé de se débattre. Impossible désormais de tenir à l'écart ses souvenirs, ils semblaient presque se reproduire à l'identique. Même si le milicien ne lui tenait pas les deux poignets la fuite était à nouveau impossible, l'avenir incertain, la situation douloureuse. Si elle avait eu la force de suivre véritablement les échanges entre les deux hommes, elle n'en aurait pas voulu au plus faible des deux lorsqu'il céda face à son supérieur. Elle aurait sans doute compris. Mais elle était loin de tout cela à présent.
Le milicien lui passa un fer autour du poignet qu'il tenait. L'angoisse l'emporta sur tous les efforts vains de la prêtresse. Le métal lourd et froid n'avait rien de rassurant, son emprise était encore plus forte et Ana redoubla d'ardeur pour s'en détacher. Elle n'était plus elle-même. Elle tirait sans relâche, répétant inlassablement qu'il fallait la lâcher et allant jusqu'à supplier son tortionnaire. Obnubilé par ce qu'il avait décidé de croire juste, le milicien ne se doutait sûrement pas du mal qu'il était en train de faire à une innocente. Une innocente qui était venue l'aider quand il en avait eu besoin. Le présent et le passé se mélangeaient à un tel point dans l'esprit de la demoiselle qu'elle semblait presque délirer tant son opposition était violente. Du moins pour une femme de sa carrure. Peut-être que l'un des deux finiraient par se douter qu'il ne s'agissait plus seulement de l'accusation du chef. Ou pas, ils la prendraient peut-être simplement pour une folle ou une fille trop fragile.
- On va aller s'expliquer à la caserne. Un petit rappel à la loi te fera le plus grand bien, vermine !
Anastasie ne répondit plus rien. Parce qu'elle ne comprit rien. Le milicien tira si fort qu'elle manqua à nouveau de tomber mais resta debout. De justesse. Le milicien aida celui à la jambe recousue à se lever alors qu'elle cessait de se débattre ou de pleurer.
Elle était en état de choc. Ses yeux avaient fini par se vider de leurs larmes autant que de la lumière qu'ils abritaient. Ses tremblements n'avaient pas cessé, au contraire ils s'étaient renforcés. Heureusement qu'ils ne marchaient pas vite, sinon elle se serait sans aucun doute écroulée à terre. Ana se retranchait dans la seule chose qui lui restait : sa foi. Sa foi qui ne l'avait jamais abandonnée, qui l'avait toujours délivrée...
Elle répéta inlassablement les mêmes phrases tout au long du trajet, invoquant Tamas la juste et implorant son aide pour retrouver la vérité, et ainsi sa juste place dans l'univers. Il était évident que la jeune femme était ailleurs. Plus tout à fait elle-même. Absente.
Des gouttes de sang coulaient de son poignet lié au milicien tant elle s'était acharné. Il venait de lui faire revivre une partie des pires heures de sa vie et encore, ça semblait loin d'être terminé. Elle était aussi traumatisée que si les deux hommes avaient dû la sauver des griffes des bandits qu'ils avaient tué. Et pourtant, les bandits ne lui avaient rien fait. C'étaient les miliciens qui lui faisaient du mal. Ah, le plaisir de la justice... Mais au moins il y aurait d'autres personnes, et peut-être seraient-ils moins ridiculement bornés. Peut-être auraient-ils entendu parler de l'enlèvement d'une prêtresse de Tamas dans le duché de Volg et la croiraient-ils donc si elle finissait par leur expliquer. Ou peut-être pas. Dès son arrivée à la caserne elle plongea dans un profond mutisme. La même préoccupation que lors de son enlèvement lui vint. Et si elle allait mourir ?
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Sam 9 Juin - 11:32
Quelle violence, quelle résistance farouche pour une femme d'apparence aussi fragile ! Jacques en était très surpris même s'il avait évité de le montrer. Avec des ennemis aussi pernicieux qu'elle, il fallait se montrer très prudent et ne jamais afficher ses faiblesses. À vrai dire, il avait même eu du mal à la retenir, par moment, tant elle tirait fort. Une vraie déchainée ! Mais enfoncé dans son délire, il ne se dit pas un instant qu'il était en train de la traumatiser, non, il se dit qu'au contraire, son crime devait être si grave que sa capture mettait sa vie en danger, d'où son agitation. Sans doute avait-elle été condamnée à la peine de mort pour des actions atroces. Ses larmes, ses supplications et sa peur toute affichée ne lui firent nullement changer d'avis, il n'avait pas un coeur de pierre pour rien, le bougre. Elle allait faire face à la loi, bon gré mauvais gré !
Alors qu'il reprenait la route de la caserne, elle se calma, devenant stoïque et silencieuse. Elle avait même cessée de pleurer. Se serait-elle résignée ? Sans doute. Jacques ne s'en plaignait pas, au moins le chemin serait tranquille. Il leur fallut presque une heure pour rejoindre le bâtiment à cette allure, la nuit était déjà bien avancée et la fatigue se faisait sentir. La caserne était toute de pierre taillée, de mortier et de charpente, tous portant les stigmates de l'usure du temps. Noircissement, assèchement, fissures. L'endroit n'est sans doute pas le mieux sauvegardé de la ville.
Composée de quatre tours basses surmontées de hourds, reliées par des courtines, le bâtiment ne payait pas de mine, tout comme le quartier où il était installé. Un endroit où se mêle tous les jours les citoyens les plus ordinaires, dans une existence anonyme. Une herse se présenta alors à eux, de fer forgé, encastrée dans ses coulisses taillées à même la pierre. Elle était fermée et gardée par un milicien tenant une torche à la main. Il les reconnu et l'ouvrit sans piper mot, laissant le groupe entrer avant de refermer derrière eux.
Derrière la herse se présenta comme une cour d'entrainement, il y avait de la terre battue sur le sol, des cibles, des sacs de sable et du matériel d'entrainement comme des poids, des boucliers, des épées et des arcs stockés dans les angles. Autour de cette cours, la muraille et sur leur gauche, une grande porte d'entrée à double bâtant, en bois, renforcé par du fer forgé. Elle était ouverte. Bormand accompagna le groupe à l'intérieur. Se présenta un long couloir. Une première porte à gauche, l'armurerie, un peu plus loin, une deuxième à droite, les dortoirs, puis plus loin encore, à gauche, le réfectoire qui faisait aussi office de cuisine. Tout au fond, un escalier à colimaçon. Le haut menait à son propre bureau et pièce à vivre, ainsi qu'aux remparts. Le bas menait ... aux cachots. C'est-là bas qu'il emmena la jeune femme après avoir déposé le milicien blessé auprès de ses camarades, aux dortoirs.
Les prisons se présentaient comme un alignement de grilles, une dizaine tout au plus, sur la droite et la gauche. Elles étaient de taille réduite, il n'y avait dedans qu'un peu de paille pour faire office de couche, et parfois un bol, pour ceux qui auraient la chance d'avoir de quoi manger. L'odeur était forte ici, les prisonniers n'avaient que rarement le droit de se rendre aux "chiottes". Ceci dit, l'endroit était calme et éclairé. C'était assez paradoxal de voir toutes ces cellules vident, pour la plupart. Cela ne signifiait que deux choses. Soit il n'y avait pas tant de prisonniers que ça, soit il y en avait beaucoup mais, ils ne restaient pas longtemps derrière les barreaux. L'usure des lieux pourrait sans doute faire pencher pour la deuxième hypothèse. Reste à savoir ce qu'il advenait des forcenés.
Il demanda au geôlier, assis à une table de bois à l'entrée des prisons, de lui ouvrir la cellule où se trouvaient les deux prisonniers de plus tôt. Ces derniers, conformément à la procédure, durent se mettre face au mur le plus au fond, mains sur la tête, au moment de l'ouverture. Il y jeta alors la jeune femme dedans, après l'avoir débarrassée de la menotte, et referma la grille.
- Et que je ne vous entende pas.
Dit-il simplement en les fusillant du regard, avant de tourner les talons et de disparaitre dans l'escalier, la laissant seule avec eux et le géolier, qui retourna aussitôt à sa place. Les deux hommes étaient très étonnés de voir cette jeune femme ici. Ils retournèrent s'asseoir à leur place, sur la paille, la dévisageant. Ils la reconnurent rapidement mais ne savaient pas quoi dire, tant son état et sa présence ici les choquaient. Ils se contentaient de la regarder, ahuris.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Sam 9 Juin - 13:57
Anastasie LunétoilePrêtresse
Anastasie marcha longtemps en silence. Elle ne se rendait pas vraiment compte du trajet qu'ils parcouraient. Elle était ailleurs, perdue dans ses appels au secours à destination des dieux. Personne d'autre ne viendrait l'aider, n'est-ce pas ?
Mais les dieux étaient justes. Ils tenaient à l'ordre du monde, où chacun devait être à sa place. En voyant leur prêtresse innocente en prison, n'allaient-ils pas faire quelque chose ? La dernière fois ils avaient envoyé Lina et son ami la délivrer. Ana n'avait jamais cessé de croire. Elle essaya de se dire que c'était peut-être une épreuve qu'ils lui adressaient pour qu'elle prouve sa dévotion, pour la mettre à l'épreuve. De sa main libre elle serrait avec force son pendentif représentant Tamas. Tamas la Juste.
Quand ils arrivèrent à la caserne elle ne regarda rien. Ni l'agencement, ni les gens, ni l'absence de décoration flagrante. À quoi bon ? Elle était vide. Peureuse et résignée, elle ne chercherait jamais à s'évader: l'idée ne lui viendrait même pas à l'esprit. Elle se contenta de suivre le milicien qui la conduisit aux cachots.
Anastasie n'osa pas se rebeller maintenant qu'elle était là, mais rien que descendre les escaliers la fit trembler à nouveau. Il y avait des escaliers semblables pour aller jusqu'à la cave où elle avait été retenue, et le fer qui enserrait sa main droite ne lui permettait pas de l'oublier. Qu'avait-elle fait pour mériter cela ? Elle le cherchait encore. Sortirait-elle d'ici? Il le fallait ! Non seulement elle était innocente, mais en plus elle avait un voyage à terminer. Nacre lui avait confié une mission !
Le geôlier, sur ordre du milicien, ouvrit une cellule où se trouvaient deux autres hommes. Face au mur, tout au fond, Ana les distinguait à peine avec ses yeux encore mouillés de larmes. Le milicien détacha enfin la menotte, et la prêtresse porta immédiatement sa main gauche sur son poignet droit blessé. Elle n'aurait pas dû résister autant mais elle n'avait pas pu s'en empêcher. Le milicien ne pouvait pas comprendre, et vu la force avec laquelle il la jeta dans la cellule, il devait s'en moquer comme de sa première paire de bottes. Le bruit métallique et lourd de la grille apprit à Anastasie qu'elle était dorénavant enfermée là, tandis qu'elle se recroquevillait contre le premier mur à sa portée.
- Et que je ne vous entende pas.
Sur ces mots, ou plutôt sur cette menace, le milicien disparut par là où il était venu. Mais Ana ne lança pas un seul regard vers lui. Genoux remontés contre sa poitrine, encerclés de ses deux bras qui les rapprochaient le plus possible, elle aurait aimé disparaître. Et dire qu'elle cherchait une auberge ! Elle savait à présent où elle passerait la nuit.
Les deux autres prisonniers ne la lâchaient pas des yeux. Le choc de se retrouver en geôle avec une prêtresse se lisait clairement sur leurs visages. Ils semblaient même la reconnaître. Pourtant, il s'écoula un long moment avant qu'Anastasie ne leur accorde la moindre attention.
L'endroit était terrifiant, il puait, il était sombre. Un peu moins que la cave, dans laquelle elle ne voyait pas le soleil au point d'ignorer s'il faisait jour ou nuit, mais sombre. En vérité elle aurait ignoré ses camarades d'infortune si l'un d'entre eux n'avait pas fini par lui adresser la parole. Il s'était un peu penché dans sa direction mais sans quitter sa place.
- Qu'est-c'vous faites là? Chochota-t-il.
L'autre, installé plus loin, laissa échapper un rire grave. Il semblait presque décontracté, et il était évident que ce n'était pas son premier passage ici. Il se leva pour s'approcher et observer la nouvelle arrivée de plus près. Ana sursauta en l'entendant approcher et eut un mouvement de recul. Son dos ne pouvait néanmoins pas aller plus loin que le mur. L'homme lui faisait peur.
- Ils arrêtent même les prêtresses maintenant ! Pas étonnant qu'on soit là, nous deux !
Il était vrai que la situation n'avait rien d'habituel. L'homme avait finalement l'air plus choqué et surpris qu'amusé par ce qui se passait.
- Allez raconte ! Qu'est-ce que t'as fait pour arriver là, hein ?
Mais Anastasie ne dit rien, pas un mot. Les deux brigands insistèrent un peu. Devant son silence, ils essayèrent de deviner en lui proposant toute une liste de crimes possibles et en essayant d'analyser sa réaction. Et devant l'absence de résultat, ils plaisantèrent un peu sur le fait qu'elle était timide, et que c'était probablement parce que c'était sa première fois. À ce stade là de la conversation, Ana se mit à pleurer et ils se turent. La nuit allait être longue.
Après tout, à moins de vouloir une justice express, il semblait certain qu'ils ne seraient pas embêtés avant le jour. Les enquêteurs comme les juges tenaient sans doute à leur nuit de sommeil, et il fallait avouer que de toute façon la prêtresse n'avait finalement pas hâte qu'on vienne la chercher, sauf si c'était simplement pour la faire sortir. Elle avait elle-même du mal à comprendre ce qui c'était passé pour en arriver là.
Et si c'était le milicien qui l'avait amené là qui venait ? Ana pourrait trembler rien qu'à y penser. C'est sur ces considérations qu'elle finit par s'endormir, toujours dans la même position. L'angoisse, son voyage, la peur... Tout quitta son esprit le temps du sommeil.
Elle ne fut réveillée que bien plus tard, par des bruits de pas. Son coeur se serra. Dans la cave elle s'était demandé longtemps à quel moment ils viendraient l'achever. À présent elle se demandait si elle serait libre un jour.
Qu'est-ce qui était le mieux ?
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─
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