Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Dim 10 Juin - 20:30
Anastasie LunétoilePrêtresse
Avant même de répondre quoi que ce soit, le milicien se leva de son siège et passa à travers les barreaux de la cellule ce qu'il avait amené pour écrire. La demoiselle, comprenant évidemment que ce geste lui était adressé, se releva doucement et approcha de la porte pour saisir ces objets. Bien évidemment elle ne fit aucun geste brusque, et dès qu'elle eut récupéré le matériel elle retourna s'asseoir au fond en attendant les consignes. Il était normal qu'il veuille vérifier ses dires après tout, au point où ils en étaient. Au moins l'homme semblait calme, bien loin de l'accès de rage qu'il avait eu en lui hurlant qu'elle était une criminelle dans la ruelle. Son visage était toujours aussi dur, il avait commis des choses horribles, et paradoxalement il semblait plus facile de lui parler. Il semblait être prêt à écouter.
- Je n'ai pas le savoir nécessaire pour vérifier l'exactitude de vos récitations saintes, vous pourriez me raconter n'importe quoi à consonance sacrée, je n'y verrais que du feu. Par contre, c'est vrai qu'écrire et lire n'est pas donné à tout le monde. Aussi je vous prierai d'écrire votre témoignage sur cette page. Ce qu'il s'est très exactement passé quand vous êtes apparue lors de la rixe, ni plus, ni moins.
"Ni plus ni moins". Anastasie comprenait bien qu'il y avait sans doute quelques choses à éviter mais elle ne savait pas quoi exactement. Le milicien avait eu l'air de tout assumer du début à la fin, que pouvait-il craindre? ... Ou était-ce une menace...? Ana ne parvenait pas à déterminer ce que la consigne voulait exactement dire, mais elle n'avait pas le loisir de se pencher indéfiniment sur la chose. Prenant ce que le milicien lui avait donné pour écrire, elle entreprit tout d'abord de tracer un joli titre: "Témoignage de la prêtresse Anastasie Lunétoile". Voilà qui donnait le ton.
Son écriture était très belle. Tout à fait soignée, elle s'étirait sur la page avec un trait fin et des arrondis réguliers et il était très facile de la lire. Il fallait dire qu'elle avait eu un maître sévère qui ne transigeait pas avec la qualité, et qu'il était tout de même arrivé qu'on demande des copies de textes sacrés à des religieux qui devaient donc soigner leurs écritures. Autant prendre un bon pli dès le départ.
Elle entreprit de décrire avec justesse et précision ce qu'elle avait vécu, précisant bien sa présence fortuite sur les lieux. L'homme qui avait couru vers elle mais avait été fauché dans sa course, celui qui s'était enfui en passant devant elle, les prisonniers, le deuxième mort, la bouteille écrasée sur le crâne du milicien, la dague dans la cuisse de l'autre soldat... Elle décrivit tout de son mieux, même le phyisique des intervenants quand elle s'en souvenait. Cela serait peut-être utile. Et comme elle ne savait pas où elle devait s'arrêter, elle ne manqua pas de préciser qu'elle n'avait pas hésité une seconde à aider les miliciens en leur proposant des soins, et de décrire de quelle manière elle avait été... Remerciée. Choisissant de faire preuve de bonne foi, elle n'oublia pas les moments où elle s'était débattue, mais elle arrêta son témoignage à son arrivée à la caserne. Elle tâcha d'être la plus factuelle possible, et n'osa pas préciser sur le papier les causes de sa soudaine panique. Parfois, quand elle cherchait à se souvenir d'un détail, elle suspendait son geste d'écriture et fermait les yeux une seconde ou deux. Elle écrivit beaucoup, assez rapidement, et d'une manière toujours aussi soignée et régulière. Il était difficile de faire abstraction de la présence et du regard du milicien au début, mais une fois plongée dans son récit elle oublia presque qu'il était là. La prison et son accusateur se rappelèrent à elle quand elle eut terminé. Elle signa son témoignage et s'approcha lentement des barreaux pour transmettre l'écrit et le matériel à celui qui en avait été le commanditaire avant de se hâter de se reculer.
- Je ferais vérifier la lettre dont vous avez fait mention. Pour le reste, expliquez moi d'où viennent ces marques si vous n'avez jamais été emprisonnée ?
À nouveau assise contre la paroi de la cellule, Ana prit une profonde inspiration. Ils en revenaient toujours à la même question. Elle n'était pas vraiment étonnée au fond, le milicien semblait de nature curieuse et le mystère des cicatrices de la prêtresse semblait l'avoir intrigué. Néanmoins elle n'avait jamais fait son récit en détail, encore moins à haute voix dans une prison. Elle avait déjà imaginé trouver une oreille de confiance pour se confier, mais jamais elle n'aurait pensé que sa première confidence se passerait dans de telles circonstances. Et qu'elle la ferait à un membre de la milice qui ne paraissait connaître ni l'empathie ni la compassion. Elle manquait de courage.
La prêtresse serra entre ses doigts son collier à l'effigie de Tamas. Il fallait bien qu'elle parle... Elle prit une deuxième profonde inspiration. Parler était difficile, encore plus dans des conditions si peu propices, et en un sens si semblables à celles de l'histoire qu'elle devait raconter. Ses yeix finirent par se perdre un instant dans le vague, et elle commença doucement son récit d'une petite voix. Le milicien ne devait pas avoir trop de problème à l'entendre, peut-être un peu plus à la comprendre quand sa voix tremblait, mais s'il avait été plus loin il n'aurait sans doute pas entendu le moindre mot. Le geôlier, par exemple, ne devait pas pouvoir écouter grand chose depuis sa place.
- Je revenais d'une cérémonie à laquelle j'avais été conviée dans une autre paroisse, commença-t-elle. Des bandits m'ont barré la route et je n'ai pas réussi à leur échapper. L'un d'entre eux... Il y eut un silence. Difficile pour elle de mettre de véritables mots sur ces moments qu'elle avait choisi d'enfouir et d'oublier du mieux qu'elle le pouvait. Ils voulaient me tuer mais, quand ils ont compris que j'étais une prêtresse, eh bien... Ils ont eu peur du courroux des dieux... Alors... Alors... Alors...
Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. La prêtresse prit une ou deux grandes inspirations pour se contenir mais ce n'était pas chose aisée.
- Ils m'ont gardée comme prisonnière. Je... J'ai passé plusieurs jours dans une... Cave...
Tous les détails lui revenaient. Le noir, l'absence du moindre rayon de lumière, les bruits qu'elle prenait pour des rats sans trop savoir, les disputes entre les bandits au sujet du sort à lui réserver, sa peur de mourir. Elle choisit de tout passer sous silence. Le milicien ne s'intéressait sûrement pas à ce qu'elle avait pu ressentir, il voulait seulement des faits.
- J'avais les poignets liés avec une corde. À force de vouloir me libérer je me suis brûlée tout autour, et ça a commencé à saigner...
Le souvenir du liquide chaud glissant sur ses mains et de son odeur métallique la perturba un instant. Sa respiration s'était accélérée tout au long du récit, c'était un peu comme si elle racontait quelque chose alors qu'elle courait un marathon.
- Après plusieurs jours sans soins, eh bien... Les cicatrices étaient inévitables, conclut-elle.
Elle ne donna pas la fin de l'histoire. Le milicien n'avait demandé que l'explication des cicatrices, et il lui en coûtait déjà bien assez de la lui donner. Peut-être comprenait-il mieux sa panique à présent. Peut-être s'en moquait-il. Mais étant donné l'émotion de la demoiselle, difficile en tout cas de douter de la véracité de l'histoire. Quelques larmes silencieuses avaient coulé sur ses joues mais elle tentait de son mieux de se montrer digne. Il devait au moins comprendre sa réticence à raconter cette épreuve à présent.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Lun 11 Juin - 18:00
Jacques avait récupéré le papier, qu'il parcourait du regard tout en écoutant Anastasie. Enfin, l'écouter était un grand mot, elle avait du mal à parler, ce qui devait sans doute traduire une grande souffrance, à laquelle il était parfaitement imperméable. En d'autres termes, il la trouvait longue à venir ! Il avait bien envie de la brusquer encore un peu pour l'inciter à déballer son histoire plus vite que ça mais, il savait très bien que ça aurait l'effet inverse, aussi se contenta-t-il de lui tendre l'oreille, tout en ayant le regard posé sur ce bout de papier. Il devait bien reconnaitre, l'écriture n'avait rien de celle d'une prisonnière malpropre et évadée, non, au contraire, elle témoignait d'une certaine finesse, d'une propreté et d'une discipline qui ne pouvaient avoir été apprises qu'au travers une éducation stricte et poussée.
Ceci dit, un détail le perturba. Elle avait fait mention de la façon dont il l'avait expédiée derrière les barreaux manu militari. Ce n'était pas qu'il se le reprochait, pour lui, c'était la moindre des prudences mais, c'est que ça pourrait compliquer la procédure pour rien. Il serra fort le poing, son visage se crispant furieusement. Ses dents se serrèrent, il grogna.
- La racaille !!!
Dit-il alors avec toute la rancoeur du monde. En fait, difficile de dire pour qui il disait ça. Pour cette jeune femme qui avait osé relater ce passage peu glorieux ou pour les bandits dont elle venait de faire état et qui, à l'en croire, avaient œuvré en toute impunité ? Il releva le regard vers Anastasie, fou furieux, l'observant dans un bien piètre état encore une fois. Ceci dit, il se calma bien assez vite, encore une fois, en voyant ses instincts les échapper de nouveau. Il reprit aussitôt un air plus serein.
- Hum. Soit. Je vous crois, Anastasie. Ceci dit, avant de vous libérer, j'aimerai vous proposer une entente cordiale. Il y a certaines mentions que j'aimerai que vous retiriez de votre témoignage. Je pense qu'il est inutile d'insister sur la petite bousculade dont vous avez fait l'objet, ce n'est qu'un point de détail de l'histoire de la nuit dernière. Il soupira, croisant les bras, sans la lâcher du regard. En contrepartie, je n'enverrai pas les trois autres moins que rien devant un tribunal. Ils seront libres. Pour cette fois-ci uniquement.
Jacques n'était pas devenu fou non, c'était un calcul savant. Déjà, ils avaient une partie de leurs mains inutilisables, ce qui réduirait grandement leur capacité de nuisance ! Ensuite, c'était, à son sens, des voyous et ils ne changeraient jamais. Ils ne tarderaient pas à récidiver, ce ne serait donc pas les occasions qui manqueraient, à l'avenir, de les envoyer devant monsieur le juge, témoignage de la prêtresse à l'appuie pour qualifier la récidive.
- Le temps que vous réfléchissiez à mon offre, j'aimerai que vous m'en dites plus sur ces bandits. Ils sont morts ? En prison ? Ont-ils payé pour leur crime ?
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Lun 11 Juin - 19:20
Anastasie LunétoilePrêtresse
- La racaille !!!
La réaction du milicien semblait quelque peu excessive. Soit le crime lui était véritablement insoutenable, soit il y avait autre chose dont la prêtresse ne se doutait pas. Il avait presque explosé après s'être crispé: poing serré, léger grognement... Ana ne savait pas vraiment ce que cete réaction signifiait mais elle avait sursauté sous l'effet de la surprise. La croyait-il ? Ou était-ce elle, "la racaille"? Il ne faisait visiblement rien pour la ménager, et elle attendait la suite comme un verdict. Ses yeux brillants de petites larmes croisèrent le regard quasi dément du milicien.
Cet homme inspirerait volontiers de la pitié à Ana s'il n'était pas si terrifiant. Il semblait véritablement empli de rage ou de colère presque tout le temps. Elle l'avait vu être froid, brutal, colérique... Et c'était tout. Il avait ri une fois, et c'était avant de l'embarquer pour la caserne et après s'être moqué d'elle... Enfin, cet instant fut assez bref et le soldat parut retrouver facilement son calme. Anastasie le préférait ainsi et de loin.
- Hum. Soit. Je vous crois, Anastasie. Ceci dit, avant de vous libérer, j'aimerai vous proposer une entente cordiale. Il y a certaines mentions que j'aimerai que vous retiriez de votre témoignage. Je pense qu'il est inutile d'insister sur la petite bousculade dont vous avez fait l'objet, ce n'est qu'un point de détail de l'histoire de la nuit dernière.
Petite bousculade ?! Point de détail ?! La prêtresse écarquilla les yeux en entendant cette description des faits. Avaient-ils vécu la même scène? Il avait décidé de l'enfermer là juste parce qu'elle avait des cicatrices ! Il l'avait laissé entendre et voir la torture de deux hommes pendant un temps si long que cela paraissait avoir duré plusieurs heures. Il l'avait traitée de criminelle avant même d'examiner la situation. Il soupira, sans arrêter de la regarder. Et pour une fois elle ne détourna pas les yeux. Il lui demandait de... Mentir.
En contrepartie, je n'enverrai pas les trois autres moins que rien devant un tribunal. Ils seront libres. Pour cette fois-ci uniquement.
La prêtresse détestait le mensonge, et passer sous silence une partie des faits en était un. Mais fallait-il désespérément s'attacher à ces quelques lignes ? Qu'apportaient-elles ? Même si le milicien semblait gêné par leur présence, Anastasie n'était pas certaine qu'il ait des ennuis pour le traitement qu'elle avait subi. On pourrait peut-être l'ennuyer parce que justement c'était une prêtresse, et qu'il fallait traiter les serviteurs des dieux (et normalement tous les êtres humains...) avec respect. Ana considérait que c'était loin d'avoir été le cas au cours de la procédure mais elle ne comptait pas rester à Evalon. Elle ne tenterait pas d'obtenir une quelconque forme de réparation, l'argent lui était indifférent. Si le milicien pouvait apprendre la compassion ce serait rendre cette mésaventure utile mais les choses semblaient mal engagées. Dans tous les cas Anastasie n'aurait jamais à prouver qu'elle était venue en prison- en règle générale on préférait prouver l'inverse- et elle s'appliquerait probablement à l'oublier. En contrepartie, elle obtiendrait la liberté des malheureux prisonniers qu'elle avait rejoint... L'un d'entre eux avait mentionné sa famille... Les deux, mutilés, avaient probablement bien envie de retourner chez eux...
- Le temps que vous réfléchissiez à mon offre, j'aimerai que vous m'en dites plus sur ces bandits. Ils sont morts ? En prison ? Ont-ils payé pour leur crime ?
Pourquoi fallait-il toujours en revenir à cette histoire ? Ce fut au tour de la prêtresse de soupirer doucement tandis qu'elle baissait ses yeux sur le sol de la cellule.
- Je ne sais pas, répondit-elle simplement mais elle sentait bien qu'il fallait expliquer un peu mieux cette ignorance pour que le soldat soit satisfait. Inutile d'attendre qu'il en fasse expressément la demande, n'est-ce pas ? Des mercenaires m'ont retrouvée et libérée, elle passa l'explication du village inquiet qui s'était cotisé pour obtenir ces services pendant une période difficile où les gardes étaient très occupés. Ils ont... Enfermé les bandits dans la cave, avant de me raccompagner chez moi. Ils ont dit qu'ils les livreraient aux autorités, mais... Ils ont peut-être réussi à s'échapper. Après tout c'était leur propre cachette... Je n'ai jamais connu leur destin, finalement, mais j'avais dit aux mercenaires qu'ils ne méritaient pas d'être enfermés là.
Ils avaient dit qu'ils n'avaient pas l'intention de les tuer parce qu'ils les voulaient vivants : les bandits étaient recherchés et leur capture valait une jolie récompense. Ana, traumatisée, avait dit que personne ne méritait de vivre ce qu'elle avait vécu là. Elle n'avait pas pardonné, elle ne le pouvait pas, mais elle aurait voulu éviter de s'abaisser à leur niveau. Tamas devait être heureuse de cette vengeance, sans doute... Anastasie ressentait beaucoup de sentiments contradictoires au sujet de ce dénouement et elle ne parvenait pas à en avoir une vision apaisée, même après. Peut-être que tout irait mieux si elle découvrait un jour le fin mot de l'histoire? Elle préférait faire comme si rien n'était arrivé pour le moment. Elle se perdit dans le vague un moment, encore perturbée par le récit qu'elle venait de livrer et mal à l'aise par tout ce qui se déroulait dans cette caserne. Il lui fallut un petit moment pour vraiment revenir à l'instant présent.
Changeant de sujet, elle revint à l'accord que lui proposait le milicien.
- J'accepte votre proposition, je m'arrêterai avant.
Elle leur faisait confiance pour ne pas abandonner, pour trouver quelque chose d'honnête à faire qui leur permettrait de survivre, et pour se tourner vers les dieux qui ne laissaient personne en dehors de leurs desseins sacrés. Ils pouvaient y arriver. Ça valait bien quelques lignes en moins, non ? Une nouvelle chance ! Elle espérait qu'ils la saisiraient mais elle ne pouvait rien faire de plus pour eux. En revanche, elle avait bien dit qu'elle s'arrêterait avant et il était hors de question d'imaginer inventer quoi que ce soit.
- Vous voulez que je recopie mon témoignage sur un nouveau support ? Demanda-t-elle. Il était probable qu'il veuille brûler la "mauvaise" version.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Lun 11 Juin - 20:42
C'était une réponse qui ne plaisait au sergent. En somme, elle était en train de lui dire qu'elle ne savait pas ce qu'ils étaient devenus, qu'elle avait préféré s'en remettre à des mercenaires plutôt qu'aux autorités, et cela même si ce n'était pas elle qui avait demandé leur aide, et qu'elle n'avait pas cherché à faire pendre ces mécréants. C'était bien la bonté naïve des religieux, ça ! Des pendards qui trainaient librement dehors après des agissements aussi ignobles et cette jeune femme s'en contentait parfaitement. C'est là qu'il regrettait de ne pas avoir le bras un peu plus long, il se serait fait une joie d'aller les chercher jusqu'aux fins fonds de l'Empire juste pour les faire se balancer au bout d'une corde !
- Si jamais je leur met la main dessus.
Pesta-t-il alors, ulcéré de l'incertitude qui planait sur leur sort. Il en revint ensuite à son témoignage. Oui, il fallait qu'elle recommence, même si l'exercice était fatiguant, en oubliant la mention fâcheuse. Mention qu'il raya d'ailleurs, histoire qu'elle sache où s'arrêter exactement. Il lui donna ensuite un nouveau papier et la laissa soigneusement recopier, s'en allant pour sa part vérifier la lettre. Il quitta les geôles sans rajouter un mot de plus et s'en vint fouiller les affaires de la prêtresse à la recherche de cette lettre. Il ne prêta pas attention au reste, la décortiquant du regard pour prendre connaissance du contenu, qui accréditait les dires d'Anastasie. À ce stade, ça ne changeait plus grand chose, il la pensait innocente désormais, même s'il s'en était fallu de peu. Il revint bien un quart d'heure plus tard, récupérer le nouveau témoignage, s'assurer de sa conformité et la faire sortir de prison, pour la ramener dans la cour et lui rendre ses affaires.
- Bien, vous êtes libre. Conformément à notre accord, les trois autres gibiers de potence seront libres aussi, jusqu'à récidive et, croyez moi, ils récidiveront. On ne change jamais. Pour le reste, je vous suis reconnaissant de nous avoir porté assistance ce soir-là et d'avoir collaboré tout au long de votre incarcération. Vous avez accomplis votre devoir de citoyenne, c'est très bien. Prenez soin de vous et si jamais on vous importune en ville, tournez vous vers les autorités en priorité. Aucun mercenaire ne sera jamais plus à même de vous aider que nous.
La herse était ouverte. C'était la mi-journée. Il faisait beau dehors. Tout ceci devait sans doute avoir de grands airs d'évasion ! La fin du cauchemar.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─ Mar 12 Juin - 16:31
Anastasie LunétoilePrêtresse
- Si jamais je leur met la main dessus.
Le milicien semblait en colère mais Anastasie ne s'inquiétait pas trop. La probabilité pour qu'il les retrouve -si jamais ils n'avaient pas déjà été jugés dans le duché de Volg- était proche d'être nulle. Il avait sans doute bien assez à faire à Evalon quand on voyait le zèle qu'il pouvait mettre à la tâche, et il oublierait sans doute cette histoire aussi vite qu'il l'avait apprise. Il n'avait pas semblé ému par la souffrance de la demoiselle mais simplement énervé par l'injustice qu'il voyait dans l'incertitude du destin des brigands.
Comme il lui confirma qu'elle devrait mettre au propre un nouveau témoignage et lui donna le nécessaire, la prêtresse n'ajouta rien. Elle récupéra son premier écrit et remarqua que le milicien avait même pris la peine de barrer tout ce qui lui posait problème pour être sûr que la prochaine version lui convienne. Au moins, ça éviterait à Ana de s'inquiéter à ce sujet.
Avec sa belle écriture, elle reprit donc exactement ce qu'elle avait écrit la première fois à l'exception de ce qui gênait le milicien. Lui, il était parti sans rien dire et la prêtresse ne le remarqua que lorsqu'elle leva la tête. Elle avait fini et lui aurait volontiers rendu tout de suite son témoignage : plus vite elle serait dehors et libre, mieux ça vaudrait. Elle dut cependant patienter. Le silence était pesant, et l'odeur de l'endroit laissait presque penser que les autres prisonniers étaient morts et moisissaient dans les autres cellules au lieu d'être brûlés pour rejoindre le Trimurti. L'atmosphère était oppressante, et la prêtresse était toujours affamée. Quand elle sortirait il faudrait qu'elle trouve quelque chose à grignoter... Elle rêva un instant d'une bonne odeur de boulangerie avant de revenir à la réalité: elle n'était pas encore libre, il valait mieux ne pas précipiter les choses.
Le milicien finit par revenir. Avec son sérieux froid, "comme d'habitude" d'après ce qu'avait pu observer la prêtresse jusque là, il relit le témoignage mais ne fit aucun commentaire cette fois. Elle avait suivi à la lettre ses recommandations de toute façon, rien ne pouvait lui être reproché. Comme attendu, il lui permit donc de quitter ce trou à rat. La demoiselle se méfia jusqu'au moment où elle fut dans la cour: quelle entourloupe ce milicien ne monterait pas pour parvenir à ses fins ? Il n'était pas très gentil de se dire qu'il pouvait mentir, c'était avoir une mauvaise image de lui et le juger. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher après ce qu'il lui avait fait et ce qu'elle l'avait vu faire. Néanmoins, voir le soleil et ses affaires était assez rassurant pour qu'elle tente d'afficher un maigre sourire.
- Bien, vous êtes libre. Conformément à notre accord, les trois autres gibiers de potence seront libres aussi, jusqu'à récidive et, croyez moi, ils récidiveront. On ne change jamais. Pour le reste, je vous suis reconnaissant de nous avoir porté assistance ce soir-là et d'avoir collaboré tout au long de votre incarcération. Vous avez accomplis votre devoir de citoyenne, c'est très bien. Prenez soin de vous et si jamais on vous importune en ville, tournez vous vers les autorités en priorité. Aucun mercenaire ne sera jamais plus à même de vous aider que nous.
Pas d'excuses, seulement une vague "reconnaissance". Quand il lui conseilla de se tourner vers eux plutôt que vers des mercenaires elle eut particulièrement envie de lui répondre que les mercenaires ne l'avaient jamais agressée sans raison et emprisonnée à tort. Le moment semblait tout de même malvenu pour ce genre de réponses.
- Ne les jugez pas trop vite, ils pourraient vous surprendre... Du moins, s'ils ne sont pas rancuniers.
Le milicien venait de leur faire perdre l'usage de plusieurs doigts, voilà qui attiserait la haine de plus d'un homme. Il était facile de prédire la récidive quand on créait soi-même un terrain propice. La prêtresse médita cette phrase un instant, se rendant compte qu'elle pourrait tout aussi bien être à son sujet. Il faudrait qu'elle veille à ne pas se créer de préjugés sur les gardes après cette mauvaise aventure, même si ce ne serait pas chose facile...
- Vous aussi prenez soin de vous, et aussi des autres. Puissent les dieux vous guider, continua la prêtresse.
La formule était loin d'être anodine. Le milicien avait l'air de tenir à la loi plus qu'aux réalités du monde et des hommes, et les enseignements de bonté, de bienveillance et de pardon semblaient ne pas être pour lui une chose connue. Anastasie espérait qu'il deviendrait plus compatissant avant de finir tyran de son monde, mais elle n'y pouvait pas grand chose. Si elle était restée à Evalon elle se serait sans doute décidée à lui forcer un peu la main pour au moins le faire venir au Temple et réfléchir. Mais elle ne restait pas et elle ne pouvait qu'espérer pour l'avenir.
Ana récupéra ses affaires et attendit un instant. S'il n'avait rien d'autre à lui dire elle partirait. Elle comptait bien se tenir le plus loin possible de ce quartier pendant le reste de son court séjour.
Re: Au bon endroit, au bon moment. ─
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