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Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia]
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Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Mar 14 Aoû - 18:56
Anonymous
    Invité
    Invité
    J'attendis non loin de là, en face de la chambre pour être exact. La mienne n'était pas loin, à seulement deux portes mais je n'avais pas le coeur d'abandonner mon poste. J'avais envie de savoir comment allait la petite, elle semblait bien mal en point lorsque j'étais partis et j'avais eu raison de partir, je ne voulais pas voir ce corps frêle rongé et amaigri par la famine tordu par la douleur, certes j'avais le coeur bien accroché mais elle me rappelait trop mes filles.


    L'examen de la demoiselle Lunétoile … c'était bien ça ? Lunétoile, oui je crois -ma mémoire me joue parfois des tours- se prolongeait et je commençais à m'inquiétait de l'état de santé de la jeune Isabelle. Peut être avait-elle des choses plus grave ? J'espérais tout de même que je n'avais pas fais cela pour rien et qu'elle allait s'en sortir même si c'était une parfaite inconnue, son sort m'importait… mais qu'est ce qui me prend ? Je commence à devenir beaucoup trop vieux pour ce genre de bêtises !


    C'est alors que la porte s'ouvrit et se referma sur la personne de la petite persnne d'Anastasie, je m'approcha alors et je n'eus pas besoin de lui demander comment Isabelle allait qu'elle me donna la réponse mais la suite ne me plaisait guère. Donc, je secourais une demoiselle en détresse et on m'attribuais le rôle de Palefrenier ? Je me mis à soupirer et je dis avec un demi sourire sur un ton neutre.


     « Je suis le valeureux sauveur d'une jeune demoiselle et on me rétrograde au rang de palefrenier ? Eh bé, je savais que la vie était injuste mais je ne savais pas à quel point jusqu'à là ! »


    Je regarda alors par dessus … euh … la tête ? D'Anastasie et je reporta mon attention sur la prêtresse.


     « Très bien, j'y vais. Parreloup, vous m'avez dis ? Un cheval bai brun et grand … heureusement que vous me le dîtes, si vous m'aviez pas dis que c'était un cheval, je l'aurais pris pour un poney. » Dis-je sur un ton presque cassant alors que je ne le voulais pas mais qu'importe.


    Je me mis à sourire en signe d'excuse à la demoiselle et je montra le couloir de mon pouce.


     « Bien, je vous laisse aux soins de la demoiselle moi j'm'en vais soigner vos amis les chevaux, Anastasie. »


    Puis je partis en direction de l'escalier menant au rez de chaussée et je demanda au patron qu'il m'indique où se trouvait son écurie et surtout qu'il me donne de quoi sustenter un cheval, ce qu'il fit en me donnant comme guide, un jeune enfançon d'à peine 8 ans avec un grand seau d'avoine et un autre d'eau. L'apprenti guide me mena à l'écurie, un bâtiment délabré mais avec du foin frais, il n'y avait pas foule dans les box, seulement un grand cheval qui me regardait de ses grands yeux.


     « Tu dois être Parreloup, hein ? » Dis-je en m'approchant pendant que le cheval me répondit au son de nom.


    Je me mis à soupirer, lâchant mon arme dans le foin tout en regardant derrière moi, le petit homme qui attendait quelque chose.


     « Quoi ? Tu attends quelques chose peut être ? »


    La petite chose ne me répondit pas. Je me mis donc difficilement à genoux et je lui demanda de s'approcher, ce qu'il fit tout en se méfiant.


     « A l'étage des chambres, il y a une jeune femme qui s'appelle Anastasie, c'est une prêtresse et elle soigne une jeune demoiselle. Veux-tu bien y aller de temps en temps pour prendre des nouvelles de la blessée ? Elle s'appelle Isabelle. Je te donnerais trois sous si tu me rends ce service. »


    Le jeune garçon appâté par le gain que je venais de lui promettre secoua prestement la tête tout souriant et quand enfin je me releva, le jeune garçon partit en trombe vers sa mission. Ah, enfin, il n'y avait pas tous qui était pourrie dans cette ville. Je repris mes esprits quand Parreloup henni, sûrement pour réclamer sa pitance, je me mis à soupirer et je me retourna.


     « Je ne t'ai pas oublié, mon vieux, j'arrive. » Puis je m'attela à la tâche.
    Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Mar 14 Aoû - 21:06
    Isabelle Menescalcir
      Isabelle Menescalcir
      Palefrenière
      Maintenant qu’elle avait vu, la prêtresse devait guérir. Et pour soigner, elle aurait probablement besoin de son herberie restée au temple. Alors la mère spirituelle sorti de la triste alcôve avec la promesse de revenir. Derrière elle, elle rira la poste qui crissa jusqu’à ce que le loquet tinte comme la charnière d’un coffre.

      Seul le silence resta. Il emplit la pièce jusqu’à ronger l’espace. Isabelle ne sentait plus que son cœur et tous ses endroits où les poings avaient cognés. En bas, dans la rue, elle entendait les ivrognes remplir leur gosier cirrhosés à coup de clameurs avinées. Le monde ne cessait pas de tourner.

      Après toute cette agitation, il ne restait à la blessée qu’un énorme vite. Parce qu’elle ne pouvait pas prévoir le voyage, plus aucun préparatif ne la demandait. Parce qu’elle avait quitté sa contrée, elle se trouvait privée de son plus précieux alliés. Sur le point critique où il est impossible de reculer ni d’avancer. Comme sur un fil mal luné.

      Une quinte de désespoir la prit. D’un coup, elle eut si froid… Pour se couvrir, elle se tortilla et attrapa une couverture en laine et s’emmitoufla dedans. La jeune femme bougeait par à coup, ravivant la douleur et attendant ensuite qu’elle se tasse. Le mouvement exacerbait le mal, alors, comme il n’y avait plus personne, elle lâcha ce sanglot qui nouait sa gorge depuis qu’elle avait croisé cet enfoiré aux mains lourdes.

      Toute seule, elle pleura dans cette chambre un long moment, jusqu’à ce qu’elle soit vidée, comme lavée de tous les méandres de cette journée sans fin. Pendant une poignée de minutes, elle lâcha ce qu’elle contenait : toute sa haine mélangée avec son chagrin. Et une fois purgée, le sommeil commença à luire sous ses paupières. Il pesa sur le bord de son regard, plus lourd que tout. Isabelle se mit à somnoler. Toutefois, dormir lui restait impossible : à chaque fois qu’elle cherchait une position pour s’endormir, elle tombait sur un os. Un os qui la réveillait avec une pluie de géhennes aigues.

      Alors la jeune femme ferma les yeux, allongée droite, comme dans un cercueil. Et elle pensa à ailleurs.

      Elle ne rouvrit les paupières que lorsqu’elle entendit le verrou de la porte grincer à nouveau. Comme elle ne voyait aucune silhouette entrer, elle voulut se redresser mais apprenait mal de ses erreurs : la douleur la renvoya au fond de sa couverture. Et, en se tortillant de douleur sur le matelas de paille, elle tomba nez à nez qui l’observait avec des grands yeux dubitatifs. C’était un bonhomme à peine assez grand pour la surplomber de sa petite tête blonde. Sans gêne, il promenait son regard cérulé sur toute la peau qu’Isabelle laissait dépasser.  Que faisait un enfant dans sa chambre, nom d’un chien ? On entrait donc ici réellement comme dans un moulin ?

      Qu’est-ce que tu veux, petit ? grommela Isabelle.

      Etonnamment, elle n’arrivait pas à être incisive à la hauteur de son étonnement. Comme le petit restait sans voix, la cavalière insista :

      Tu as quelque chose à me dire, mon bonhomme ?

      L’enfançon osa enfin détacher ses pupilles de son corps tabassé. Il ouvrit la bouche mais les mots de vinrent pas tout de suite. Il mit un petit moment avant de balbutier :

      Il y a un homme. Il s’occupe de votre dada en bas. Il voulait savoir comment allait Anastasie. Ou l’autre. Je sais plus.

      Penaud, le gamin baissa les yeux. Et un sourire illumina le visage de la petite palefrenière. Eudes, le grand Eudes qui l’avait extraite de la venelle qui aurait été son coupe gorge, prenait de ses nouvelles en plus de prendre soin de ce qu’elle avait de plus cher. Normalement, il ne devait pas tarder à remonter.

      Dis lui que je vais bien. Et surtout, de ma part, tu n’oublies pas de lui donner un grand merci. Grand comme ça.

      Et Isabelle voulut écarter les deux bras au maximum avant de se raviser en grimaçant. Bouger, qu’importe le mouvement, la mettait à rude épreuve.

      Je n’ai pas eu le temps de lui dire et il m’a sauvé la vie. Alors tu n’oublies pas, dis ? Et qu'il remonte quand il peut.

      Le petit hocha vivement la tête. Ses petites boucles blondes se balancèrent et cela emplit de joie Isabelle. Un enfant, ça lui rappelait tout ce qu’elle avait été et tout ce qu’elle ne pourrait pas être si elle ne parvenait pas à sortir de cette piaule sordide. Quelque chose lui froissa le cœur quand elle pensa que si elle n'avait pas été boiteuse, elle aurait sûrement été épouse et mère. Jamais elle ne se serait retrouvée si esseulée loin de son domaine et de la marmaille née de son ventre. Avant que le marmot blondinet ne file, elle lui fourra une petite pièce de cuivre qui trainait dans ses poches, ce qui illumina d’un grand sourire le visage de poupon.

      La mère Anastasia ne devait guère tarder à revenir. Maintenant que les choses s’étaient tassées, elle voulait être en mesure de lui présenter tous ses remerciements les plus sincères. Isabelle voulait en savoir plus sur ses deux anges gardien car elle ne connaissait rien d’eaux à part qu’ils étaient arrivés au bon endroit, au bon moment. Quel était leur parcours et la relation qui les unissait ?
      Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Mer 15 Aoû - 14:34
      Anastasie Lunétoile
        Anastasie Lunétoile
        Prêtresse
        Anastasie avait vraiment l'impression d'avoir dit une bêtise. Eudes ne semblait pas ravi d'être envoyé prendre soin du cheval, mais c'était sûrement parce qu'il n'avait pas entendu la demoiselle en parler. Elle n'avait pas serré sa main en lui disant que c'était ce qu'elle avait de plus cher, mais peut-être que si elle l'avait fait le vieil homme n'aurait pas réagi de la même manière. La prêtresse était à deux doigts de lui demander pardon de lui avoir fait part de cette requête. Mais même si Eudes n'était pas franchement ravi, il s'acquitterait sans aucun doute mieux de cette tâche qu'Ana. Enfin, il sourit un peu. La clerc n'avait pas caché la gêne qu'elle avait ressenti en voyant sa réaction mais elle lui rendit ce petit sourire, et tandis qu'il se dirigeait vers les écuries elle le remercia doucement. Bon, une chose de réglée, il fallait maintenant chercher ce dont elle aurait besoin.

        La prêtresse retourna dans sa chambre. Son dîner lui fit de l'oeil mais elle tâcha d'ignorer les grondements de son estomac pour se concentrer sur ce qu'elle avait à trouver. Tout était réuni au même endroit, déjà parce qu'elle n'avait que peu d'affaires, mais surtout parce qu'elle était assez organisée en règle générale, du moins quand on ne la submergeait pas avec trop de travail. Elle mit bien vite la main sur ce qu'elle était venue chercher en tout cas : de quoi préparer une décoction de pavot pour la demoiselle, un onguent censé aider ses bleus à disparaître, et le coussin posé sur son lit. Il lui fallut néanmoins descendre et demander de l'eau pour préparer ce qu'il lui fallait, la faire chauffer, filtrer le mélange... Ce qui expliqua en partie le temps qu'elle mit avant de revenir.

        Quand elle frappa à la porte de la demoiselle, elle tenait dans une main un genre de bol à moitié rempli et un petit bocal, et dans l'autre le coussin qu'elle avait récupéré dans sa propre chambre. Elle fut surprise d'apercevoir que la porte était mal refermée, alors qu'elle était sûre d'y avoir pris garde. Néanmoins elle ne se plaignit pas : ça la rendait plus facile à ouvrir sans trop être gênée par ce qu'elle apportait avec elle. Ana referma la porte derrière elle d'un léger mouvement de pied, craignant un peu d'y mettre trop de force alors qu'il y avait véritablement peu de chance que ça se produise.

        -Me revoilà,
        dit-elle doucement en approchant.

        Elle posa ce qu'elle portait à côté du lit, sauf le coussin qu'elle brandit lentement pour le montrer à la demoiselle.

        -Je vous ai apporté ça, je me suis dit que vous seriez peut-être mieux installée avec. Et de quoi apaiser votre douleur, bien sûr,
        ajouta-t-elle en montrant avec sa main gauche le bol déposé à côté.

        Mais elle vit surtout que la jeune femme avait essayé de se glisser sous une couverture. Elle avait dû avoir bien du mal à y parvenir, et le résultat était donc qu'elle ne s'en était pas recouverte entièrement. Anastasie ne put pas s'empêcher d'attraper la laine pour la remettre correctement, avec sa douceur et son attention habituelle, délaissant la mise en place du coussin pour le moment. Il était important de faire de son mieux pour que la demoiselle se sente bien, ou, à défaut, le mieux possible. Mais elle remarqua en même temps que son pantalon était toujours couvert de boue, et allait salir tout son lit en plus d'être sans doute particulièrement désagréable.

        -Vous voudrez l'enlever ?
        Demanda-t-elle le désigna d'un geste de menton. Je pourrai vous le laver, si vous le souhaitez.

        Hors de question de la mettre mal à l'aise ou de l'obliger à l'enlever. Elle se serait sentie bien méchante de ne pas en faire la proposition néanmoins.
        Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Dim 19 Aoû - 10:29
        Anonymous
          Invité
          Invité
          Je m'occupais du grand cheval brun avec autant de difficulté que si c'était un grand enfant. Pourquoi ? Euh … parce que, quand j'essayais de rentrer dans son box qu'était sa demeure depuis je ne sais combien de temps, il s'ébroua et failli me renverser avant de hennir joyeusement, je m'étais reculer et je le regarda droit dans les yeux.


           « Tu as plus d'humour que moi, on dirait, mon grand. » Je regarda alors le seau d'eau qui était dans ma main gauche et je me mis à sourire. Je pense que l'équidé savait ce que j'allais faire et il recula au fond de son box mais trop tard, il reçut le contenu du seau sur sa belle robe bai brune.


           « ça te fais toujours rire, l'ami ? » Dis-je alors que le cheval secoua la tête pour s'essorer., j'en reçu alors une bonne flopée et il se mit à hennir plus joyeusement que tout à l'heure.


           « M'sieur ? »  Entendis-je derrière pendant que je gromellais, je me retourna et je vis le petit enfant qui m'avait servi de messager.


          Il me raconta alors ce que la demoiselle lui avait dis, elle semblait bien pour le moment et je n'étais pas prêt pour ce qui allait suivre… le gamin me fit un énorme câlin … euh … oui, un câlin mais un câlin à mes genoux étant donné la hauteur du garnement et de la mienne, il n'y avait que ça qu'il pouvait atteindre. Je le fis reculer doucement et je m'agenouilla.


           « Quel est ton nom, garçon ? »
           «Garret, m'sieur ! »
           « Ecoute Garret, j'ai besoin que tu ailles à ma chambre, tu sais où elle se trouve, n'est ce pas ? » Il réfléchit un instant et hocha la tête.  « J'ai besoin que tu y ailles et que tu m'apporte une tunique, n'importe laquelle. J'ai besoin de me désarmer parce que s'occupait d'un cheval avec une armure c'est pas le top, surtout quand il est rebelle. D'accord ? »


          Le gamin hocha la tete plus frénétiquement et je l'arrêta avant qu'il ne parte.


           « Ramène moi un autre seau aussi s'il te plait. » Dis-je en lui donnant le récipient.  « Ma bourse se trouve dans mon sac de cuir rouge, veux tu bien me l'apporter ? Attention, je sais combien j'ai à l'intérieur, ne t'avises pas de m'en voler où les devises que tu me prendras seront retenu sur ton croupion. »


          Puis il partit en souriant et moi je me leva pour ensuite me tourner vers l'équidé.


           « Tu vas devoir attendre, l'ami. Tu n'es pas pressé, si ?''
          Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Lun 20 Aoû - 16:59
          Isabelle Menescalcir
            Isabelle Menescalcir
            Palefrenière
            La guérisseuse ne revenait pas les mains vides, c’était peu de choses de le dire. Un énorme coussin fut glissé dans le dos de la blessée, de façon tenir son buste relevé. Ainsi, Isabelle la regarda s’agiter en tous sens, savant que, tout ce qu’elle faisait, la prêtresse le faisait avec une bienveillance hors norme. Dans la pièce, la tension était retombée comme un soufflé foiré. Ne restait que la respiration saccadée de la cavalière, qui sifflait, aussi stridente qu’une cornemuse percée.

            Avec douceur, sa protectrice remis en place la couverture que la cavalière avait tiré hasardeusement pour ne recouvrir que son ventre blanc comme la mie d’un pain fade. La laine grattait un peu et des brins de foin de son écurie étaient encore piqués dans les mailles, mais sous cette couverture, il y flottait un parfum de réconfort. L’odeur de l’herbe coupée, de la graisse et du vin de ses terres. De quoi se sentir ailleurs. Loin de cette alcôve et de ce mal logé dans sa poitrine qui lui alourdissait le cœur.

            Petit à petit, la tête de la cavalière se vidait à mesure qu’elle se résignait. Elle sursauta presque lorsque la miresse lui demanda, en fixant ses braies pleines de bauge :

            Vous voudrez l'enlever ? Je pourrai vous le laver, si vous le souhaitez.

            Une attention fort délicate attention dont Isabelle se méfia instinctivement. C’était que, sous ses hauts-de-chausse, il y avait ses jambes. Ou plutôt, il y avait ce qui avait été ses guiboles. Ne restait aujourd’hui d’un pied de bois couvert de ce velours foncé et crasseux. Un instant, Isabelle se demanda si elle avait saisi que le cuir délavé de sa botte ne couvrait qu’un postiche. Du bois dense et sombre là où s’étendait autrefois une peau laiteuse et fine.

            Pourtant, après tout, quel danger prenait-elle en laissant cette femme au cœur réellement tendre la découvrir ? Depuis qu’elle l’avait vu demander grâce, elle avait déjà saisi sa fragilité. Son estime de la cavalière était déjà perdu avant qu’elle ne la découvre boiteuse. Elle pouvait se montrer toute entière à cette femme qu’elle ne reverrait probablement jamais ailleurs ; se confier comme on le fait aux Trois.

            Un instant, Isabelle hésita. Une moue de confusion tordit ses lèvres. Pour une fois, sa fierté de paysanne ne pris pas le dessus. Après tout, elle avait déjà fait des exceptions pour les mires :

            Enlevez moi ma botte gauche, s’il vous plait, ma mère, demanda-t-elle. Le bas, on verra ça plus tard. Ça ne sera pas la première fois que je dors dans des draps crottés, croyez-moi.

            Pendant que la religieuse s’occupait de sa sénestre, Isabelle, sans en demander l’autorisation, se redressa vers sa dextre en retenant un couinement. Le souffle coupé par la douleur, elle remonta le velours sombre qui recouvrait le membre qu’elle avait perdue, dévoilant la prothèse.

            C’était une jambe en bois sculptée, avec un pied dessiné presque à l’identique que son pied gauche mais chiral. S’arrêtant juste avant la rotule, le chêne poli se collait à la chair, isolé par un bout de lin, grâce à quatre sangles de cuir qui remontait au-dessus de son genou. Et la boiteuse ne s’arrêta point à cela : elle déboucla les attaches pour l’enlever, dévoilant son moignon nu. La cicatrice de l’amputation et toutes les plaies, parfois à peine refermées que lui infligeaient les sangles. A cause de l’altercation dont elle avait été victime, nombre d’hématomes apparaissaient quand elle relevait d’un pouce son habit sur sa cuisse.

            Isabelle détourna le regard. Pour ne pas discerner davantage de pitié dans les yeux de cette femme. Et une fois les deux bottes retirées, elle lança un pan de se couverture sur ses jambes. Les cacher pour que le mal disparaisse. Et elle reprit d’un coup sa respiration, renvoyée au fond du matelas par la douleur qui revint alors au galop.

            Pas de cris. C’est qu’elle commençait à s’y faire. Elle savait combien ça allait faire mal alors elle avait mieux su avaler son gémissement.

            Reprenant son souffle et pendant, elle eut envie de parler d’autre chose pour qu’on ne parle surtout pas de son infirmité hurlante qui la dégoûtait :

            Vous… souffla-t-elle mais l’air vint à manquer alors elle retenta : Vous pensez que je peux faire confiance à l’homme ? A Eudes ?

            Devant l’œil interrogateur de la jeune femme, Isabelle crut bon de préciser.

            Je vais devoir passer la nuit et au moins quelques jours ici, hein. Je n’ai vraiment personne et…

            Et qu’est-ce que ça lui coutait de le dire…

            Je vais devoir m'accrocher aux dépens quelqu’un. Au moins un temps. Il serait odieux de vous retenir alors même un inconnu de ce genre ferait l'affaire. Vous avez l’air de le connaître. Est-il du genre à se volatiliser comme un voleur, le bon sieur ?

            Il aurait été ironique que le concerné entende la réponse dans son intégralité de l’autre côté de la porte.
            Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Lun 20 Aoû - 19:03
            Anastasie Lunétoile
              Anastasie Lunétoile
              Prêtresse
              L'hésitation de la demoiselle était palpable. Anastasie se demanda un instant si elle avait bien fait de faire ses propositions et ses joues rougissantes ne masquaient sûrement pas ce qu'elle ressentait à l'idée d'avoir été bien plus maladroite qu'elle ne l'aurait dû. Elle se serait répandue en excuses dans la minute si la jeune femme n'avait pas fini par dire quelque chose.

              La prêtresse fut assez surprise de la directive qu'elle reçut. Elle bredouilla quelque chose comme « oui, bien sûr », et souleva la couverture qu'elle venait tout juste de rabattra pour ôter la fameuse botte gauche. Pourquoi la gauche ? Ana n'en savait rien, et elle dut se museler pour ne pas laisser sa curiosité parler trop vite. En silence, elle approcha des pieds du lit et enleva la chaussure. Quand elle vit que la cavalière n'avait décidément pas choisi de se tenir tranquille, elle ne manqua pas néanmoins de lui faire une remarque.

              -Arrêtez de vous agiter, voyons, j'aurais...

              « Très bien pu m'en occuper également. » Mais quand la demoiselle remonta son vêtement, Ana fut bien contente de ne pas avoir terminé cette satanée phrase, parce que la fin n'était absolument pas vraie. Elle avait été si inquiète par ce qu'elle avait vu sur la peau pâle de la demoiselle qu'elle n'avait pas fait attention à ses jambes, et ce qu'elle vit la surprit. Une prothèse. La prêtresse n'en avait jamais vu de pareille, et elle n'eut pas le force de continuer à disputer sa patiente en même temps qu'elle la regardait l'enlever.

              Ce n'était pas tout à fait de la pitié qui emplissait les yeux d'Ana, mais principalement beaucoup d'inquiétude. Elle nota tous les mouvements, la manière dont les sangles étaient mises en place, en se disant qu'elle serait peut-être amenée à l'aider pour la remettre. Mais ce qui attira son attention ce furent surtout toutes les traces laissées par le cuir, les coupures parfois encore bien vives qu'elle apercevait. Cette demoiselle semblait avoir bien plus de courage que la clerc n'en aurait jamais. Le regard d'Ana fut attiré par les traces bleues qui apparurent sur le bout de cuisse qu'elle pouvait voir dans l'opération. La couverture fut rabattue sur les jambes de la cavalière, ce qui tira la prêtresse de sa contemplation. Elle tourna la tête vers la blessée, cherchant à croiser son regard en vain. Elle entendit sa respiration douloureuse. Ana ouvrit la bouche.

              Elle la referma sans un mot. La prêtresse savait trop bien ce que c'était. Elle avait encore ses deux jambes, bien sûr, mais elle avait autour de ses poignets les horribles cicatrices laissées par ses liens, quand elle avait été enfermée. Elle avait surmonté nombre de fois les questions indiscrètes de tous les gens qui pensaient qu'apercevoir une cicatrice donnait le droit d'obtenir des réponses. Pour rien au monde elle n'aurait voulu infliger ça à quelqu'un. Tant qu'elle estimait qu'il n'y avait pas de soin particulier à apporter, Ana ne ferait aucun commentaire. Elle espérait simplement que la cavalière respecterait le même silence si elle apercevait les cicatrices de ses poignets, voilà tout.

              Détournant à son tour les yeux, Anastasie s'approcha de l'endroit où elle avait posé tout ce qu'elle avait apporté, pour préparer la suite des choses avec la demoiselle. La voix de la jeune femme la stoppa net, néanmoins, et elle tourna la tête vers elle, se demandant bien ce qu'elle avait à dire. Ana était assez curieuse, mais elle prit tout de même le temps de profiter du silence forcé de sa patiente pour lui dire de faire attention à elle.

              Prenez votre temps, je vous écoute.

              La question qu'elle obtint finalement la surprit tout à fait. Comme toujours lorsqu'elle était surprise, la clerc pencha doucement la tête sur le côté en haussant les sourcils. Elle n'eut pas besoin de demander des détails pour en obtenir, néanmoins.
              Anastasie comprit toute la profondeur de la question et un sourire gêné et timide reprit place sur son visage, éloignant un peu son air bienveillant pour laisser place à son malaise. Elle s'assit à côté du lit, au niveau de la tête de la jeune femme, et entreprit alors de répondre.

              -Eh bien, je ne prétendrais pas savoir ce qui peut bien lui passer par la tête,
              commença Ana. Son regard se perdit un peu dans le vague, elle semblait réfléchir un peu.Mais je le connais un peu, c'est vrai. D'après moi c'est un homme de parole, et s'il vous la donne vous pouvez tout à fait vous fier à lui. Elle fit une pause. Quand je l'ai rencontré, nous devions faire un... Un voyage, ensemble. Nous ne nous connaissions pas. Je suis arrivée à cheval et, les Trois en sont témoins, je suis une horrible cavalière. Elle rit un peu, tout bas, en se souvenant de la scène. L'équitation ne faisait pas du tout partie des connaissances de bases requises pour devenir prêtre, et heureusement. La première image qu'Eudes a eue de moi, c'est lorsqu'il m'a rattrapée alors que je tombais. Il aurait pu refuser de partir avec moi, j'imagine. Dire que je serais un poids – ce qui était la vérité, je vous assure. Mais il ne l'a pas fait. Toutes les personnes présentes se sont moquées de moi, mais pas lui. Je lui dois beaucoup, vraiment, c'est quelqu'un de très bien.

              La gêne avait laissé place à la douceur, à nouveau, et elle regarda la demoiselle.

              Je n'hésiterais pas une seconde à lui faire confiance à nouveau. Et, si jamais les choses ne se passaient pas comme prévues, je serai là moi aussi. Je n'ai pas encore trouvé d'escorte pour poursuivre mon voyage. Vous ne me retenez pas, je vous assure.


              Elle n'avait pas souvenir d'avoir parlé de cela jusque là. Peut-être que la demoiselle avait cru qu'elle serait fort occupée à gérer un des temples d'Evalon mais la vérité était ailleurs : Ana n'avait aucun autre ordre que celui de se rendre en Valacar prendre ses fonctions, et s'il fallait repousser son départ de la capitale de quelques jours elle n'hésiterait pas une seconde. De toute manière elle avait encore beaucoup d'avance sur la date à laquelle elle était attendue.

              -Pardonnez-moi mais... Je ne crois pas connaître votre nom ?
              Finit par demander la prêtresse d'une voix timide.
              Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Mar 21 Aoû - 8:46
              Anonymous
                Invité
                Invité
                En attendant le jeune homme, je me désarma, cette armure commençait à me saccager le dos ... je venais de courir à travers la ville pour sauver une demoiselle mais je l'avais aussi depuis presque 48 heures. Oui, 48 heures sans dormir, c'est que trouver une bande de brigands qui avaient sévit récemment n'était pas une mince affaire et je dois dire que mes vieux os avaient du mal à tenir la cadence.

                Je posa letout respectueusement devant le canasson qui me regardait de ses grands yeux marrons, je le regardai à mon tour et je me mis à sourire :

                "Pas mal, hein mon grand ? Souvenir de mon passé, service à l'Empereur, Armée Durdinienne..." Je secoua la tête. ''V'la que je parle à un cheval, tu vas pas bien mon pauvre vieux." Je me retourna alors quand j'entendis les pas du jeune homme qui me ramena ce que je lui avais demandé. Je me trouvais nu comme un vers devant lui et il détourna les yeux.
                "Eh bien, tu as l'innocence des jeunes damoiseaux, garçon. Tu verras, que ton inncence ne servira à rien dans ce monde de brute."

                Je lui pris alors les vêtements qu'il m'apporta, il continuait à détourner le regard et posa plus loin le seau d'eau près du box du cheval.

                "Odon, c'est cela ?" Dis-je en rêvétisant mes braies. "Sache que l'innocence n'est pas une protection, elle ne sert qu'à montrer aux autres que tu es un festin sur pattes pour les autres.  Tu te feras manger tel un poulet qu'on viens de tuer mais si tu cache cette innocence et que tu te rêvetis d'une armure, tu ne te feras pas manger tout crus... tu m'écoute ?"
                "Oui ... oui."
                Je me vêtis alors de ma tunique alors que j'avais fini de serrer mes braies noires. Le jeune homme me regarda alors de ses yeux verts et il semblait moins paniquer que quelques instants plus tôt.

                "La peur est normale, c'est ce qui te rends humain, tu es un homme. Tu pleures, tu es un homme. Tu éprouve une attirance, tu es un homme. Tu es timide, tu es un homme.  Il ne suffit pas de savoir tuer pour en etre un, tu me comprends ?"
                Il hocha alors la tete et je me mis à sourire. Je lui pris alors la bourse des mains et j'en sortis une pièce d'argent.

                "Tiens, jeune homme et n'oublie pas ce que je t'ai dis ... peut être que nos chemins se recroiseront, qui sait ? Les voies des dieux sont inpénétrables et ils ont un plan pour chacun de nous. Donne de l'eau à cette gentille bête, je lui ai donné son avoine, je retourne là haut."

                Je pris alors mon armure ainsi que ma hallebarde puis je mis la bourse à la hauteur de mon bas de tunique verte et je retourna vers l'auberge. Je monta les marches trois par trois pour ensuite aller dans ma chambre qui avait était refermé correctement. Je mis mon attirail sur mon lit et je referma aussi sec la porte.

                Je me dirigea alors vers la porte de la jeune blessé et j'entendis une conversation, je ne compris pas ce qu'elles se disaient mais cela semblait intéressant du moins pour eux deux, au moins, la jeune Isabelle parlait, c'était déjà ça. Je me mis à frapper et j'ouvris la porte pour y passer ma grosse tête blanche.

                "Le palefrenier Eudes est revenu."
                Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Mar 21 Aoû - 20:28
                Isabelle Menescalcir
                  Isabelle Menescalcir
                  Palefrenière
                  En bien des façons, la miresse parla en des termes élogieux de l’homme qui avait eu le courage de sortir l’enfant de la Croix des Espines de son copieux pétrin évalonnien. Elle raconta comment ils avaient voyagé ensemble après qu’une circonstance équestre les ait rapprochés. Une chute, puis une impression d’être un poids mort qui s’était envolé au fil du temps.

                  Tout le long de son récit, Isabelle écouta avec une attention soucieuse. Pour l’instant, elle ne savait guère ce qu’elle avait à penser dans un pareil moment ; et si elle avait seulement quelque chose à penser à quelque chose. Accepter des paraissait assez évident. Juste prendre un repos mérité et attendre d’être en état pour supporter une nouvelle chevauchée. Le tout en se plaçant sous la protection de deux âmes dont elle ne connaissait pas les travers. Soit une prêtresse à l’insigne de serpent et un chevalier grisonnant. Pour l’instant, elle était forcée de constater avec une jubilation inquiète la bonne fortune de sa situation. La chance qui la moquait et la désertait semblait s’être rallié subitement. Au milieu de la fange, elle était tombée sur des anges.

                  Et à la fin du long compliment adressé à l’absent, la guérisseuse s’interrompit. Elle lui assura qu’elle pouvait rester encore. Mais tout le monde savait les qualités d’une fille du Temple et la cavalière savait qu’elle serait sûrement appelée ailleurs. C’est ce que les Trois voulaient. Alors, avec douceur, Isabelle pris la main blanche aux doigts longs, fin et aigus de la mère. Elle la pressa pour lui faire sentir toute sa reconnaissance. Et d’un geste, elle fit mine que ce n’était pas la peine. Qu’elle aurait pris sa présence prolongée comme un généreux affront. Isabelle pouvait s’en remettre. Elle devait s’en remettre.

                  Et c’est d’une voix bien frêle que la mère réclama son nom. C’est vrai, aucun des deux généreux ne lui avait demandé auparavant. Alors, modestement, la blessée tenta de se présenter :

                  C’est Isa…
                  Le palefrenier Eudes est revenu ! la coupa-t-on.

                  Les yeux des deux femmes tombèrent sur la face grise qui dépassait de l’entrebâillement de la porte. L’homme entra. Il avait eu le temps de quitter l’armure qui avait fait fuir son fieffé agresseur ; dans sa tunique de lin dans laquelle sa carrure paraissait presque étriquée, il paraissait soudain si… âgé. Comme appartenant à une époque pleine de chevalier et de nobles guerres aux allures de forges à héros. Quelque chose dont on avait rebattu les oreilles d’Isabelle lorsqu’elle n’était qu’une enfançonne. Elle ne remarqua que les traits marqués et accentué par le tannage de saisons.

                  La femme baissa les yeux et serra sa couverture de laine sur sa poitrine, se souvenant soudainement qu’elle se tenait fort peu vêtu. Contrairement à une prude châtelaine, elle se fichait de rester la gorge, les épaules et les bras nus. Chez les paysannes, il n’était ainsi guère rare de se découvrir de la sorte sous le soleil et l’effort. Elle savait d’ailleurs que sa peau tannée avait de quoi soulever le cœur d’une bourgeoise bien née et si passionnée par son teint de lait qu’elle préférait aller la face enfarinée.

                  Tiens, mon sire ! On parlait de vous, accueillit la jeune femme, la voix un peu sifflante.

                  Et, après une œillade complice avec la mère Anastasia, elle ajouta :

                  Elle me racontait combien vous lui avez sauvée la mise. Il faut croire que vous aimez sortir les gens du merdier, n’est-ce pas ?

                  Parce que c’était la seule chose à laquelle elle tenait, Isabelle s’empressa de prendre des nouvelles de sa monture :

                  Et Parreloup ? Il ne vous a pas trop bousculé ?

                  La cavalière connaissait son cheval mieux que personne. Là où il s’amusait à tester la patience des vaillants qui décident de l’approcher de trop près, il était d’une grande éducation avec sa fragile propriétaire. L’un connaissait les points faibles de l’autre. Et, comme sa maîtresse, elle savait que la ville le rendait nerveux. Ce n’aurait pas été le moment pour que lui aussi se blesse à l’enclos.
                  Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Mer 22 Aoû - 9:27
                  Anastasie Lunétoile
                    Anastasie Lunétoile
                    Prêtresse
                    La demoiselle prit encore une fois la main d'Anastasie, qui se laissa faire comme de coutume jusque là. Mais elle aurait beau lui faire tous les gestes du monde pour lui dire qu'elle n'était pas obligée de rester là, ça ne changerait rien. La prêtresse s'était inquiétée pour elle, assez en tout cas pour avoir envie d'obtenir de ses nouvelles. Même si on tentait de lui faire comprendre que sa présence n'était plus requise, elle n'hésiterait pas à passer pour s'assurer que tout allait bien. Anastasie faisait rarement les choses à moitié.

                    Elle n'eut pas le temps de comprendre le nom que la patiente voulut bien lui donner, et l'entrée brusque d'Eudes la fit sursauter au point qu'elle ne perdit pas une seconde pour se remettre debout et faillit renverser ce qu'elle avait apporté pour soulager la jeune femme. Heureusement les choses se passèrent bien. Enfin « bien »... Eudes ayant de nouveau insisté sur sa qualité de palefrenier, Ana commençait sérieusement à se demander si elle ne devrait pas s'excuser de lui avoir confié cette mission qui visiblement avait dû l'ennuyer. La clerc remarqua néanmoins qu'il avait eu l'occasion d'en profiter pour enlever son armure, et comme ce devait être quelque chose de particulièrement inconfortable à porter il devait en être heureux. Du moins, elle imaginait que ce devait être le cas.

                    Anastasie échangea un regard avec « Isa... » quand elle annonça qu'elles parlaient justement de lui. La prêtresse était bien trop timide pour ne pas se retrouver gênée dans pareille situation, mais en même temps il fallait avouer que cela l'amusait un peu. Elle baissa les yeux, comme si cela empêcherait de voir ses joues rouges, et quand son interlocutrice précisa de quoi elles parlaient, la prêtresse aurait bien voulu disparaître. Pour se donner une contenance, elle récupéra le baume qu'elle avait apporté pour les ecchymoses de sa patiente et la décoction qu'elle avait faite pour sa douleur. Mais elle ne fit rien du tout, craignant de dénuder à nouveau la demoiselle en présence de son sauveur, et ne souhaitant pas risquer de la faire s'endormir au milieu de la conversation alors qu'elle voulait des nouvelles de son animal. Aucun mot ne sortit de sa bouche. Elle n'était pas sûre d'avoir remercié Eudes de vive voix pour ce qu'il avait fait pour elle, et l'idée qu'il apprenne toute la reconnaissance qu'elle lui vouait de la voix d'une autre la mettait mal à l'aise. Il faudrait sans aucun doute qu'ils s'arrangent un moment pour avoir une petite discussion, mais les circonstances de ces retrouvailles rendaient la chose presque improbable.

                    Le seul son qui échappa à Ana fut un furieux gargouillis émanant de son ventre et lui rappelant, d'une façon qu'elle jugeait particulièrement gênante, qu'elle n'avait toujours pas mangé et qu'il faudrait qu'elle commence à s'en rappeler. Elle ne broncha pas, néanmoins, espérant que personne n'aurait remarqué, et ne fit pas un seul pas. Hors de question qu'elle disparaisse avant d'avoir fait tout ce qu'il fallait, et encore moins pour quelque chose de si égoïste que d'aller manger dans son coin. Tamas n'appréciait pas les excès, de toute manière. Une petite voix lui rappela qu'elle n'apprécierait pas non plus que la prêtresse se prive avec excès, mais ce n'était sans doute que son appétit qui tentait de défendre son point de vue. Louper un repas n'avait jamais tué personne, et ce soir elle mangerait quand elle l'aurait mérité.
                    Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Jeu 23 Aoû - 5:39
                    Anonymous
                      Invité
                      Invité
                      J'entrais alors dans la chambre de soins et je pus m'apercevoir que la jeune Isabelle semblait allait mieux, c'était déjà ça au moins elle n'était plus à l'article de la mort lorsque je l'avais récupéré dans cette maudite ruelle. Je referma alors la porte et je me retourna vers les deux jeunes femmes avec un petit sourire et celui-ci ne fit que s'accentuer lorsque j'appris qu'on avait parlé de moi, peut être que la jeune boiteuse voulait en savoir plus sur son héros, si elle savait tout elle ne serait plus motivée à lui parler ainsi.


                      Je m'assieds alors sur le tabouret non loin du lit et je me mis à soupirer, ah mes vieux os me faisaient un mal terrible, je n'avais plus du tout l'habitude d'avoir un tel manque de sommeil et de rester debout aussi longtemps mais je ne me laissa pas abattre et je montra mon plus beau sourire aux demoiselles.


                       « Durdinis ? Ce n'était rien, nous avions une mission. Nous étions deux pour cette mission, si j'avais laissé cette pauvre prêtresse venu du Nord se rompre le cou à cause d'une chute de cheval j'aurais était seul dans ce territoire hostile … et ruminer seul dans le froid et la désolation neigeuse c'est trop même pour un solide gaillard comme moi.' »


                      Je regarda alors la jeune prêtresse et je hocha la tête à son encontre, je savais qu'elle pouvait se reprocher des choses notamment le travail qu'elle m'avait proposé … hm. Je m'en étais rendu compte de sa trogne depuis que j'étais arrivé mais elle ne fallait pas qu'elle se morfonde pour cela, je n'étais qu'un vieil homme rouillé qui grogné pour un rien.


                       « Votre cheval ? En plus de lui avoir donné son avoine, son eau et du foin frais, il a pris une bonne douche, hahaha ! Ce gredin m'a poussé hors du box lorsque j'ai voulu entrer dans celui-ci et il m'a arrosé, le beau salopard d'où la tunique et non l'armure … mais il va bien, ne vous en faites pas. Oh, j'y pense, la prochaine fois que vous m'envoyez un messager … dites lui que les genoux c'est pas la meilleure partie pour dire merci. » Je lui avais dis cela avec un petit clin d'oeil.


                      Puis je reporta mon attention gris sur la prêtresse, la jeune femme n'avait pas parlé depuis que j'étais arrivé et elle semblait avoir faim si je me fiais aux cris d'alertes de son estomac. Je me leva.


                       « Je suppose que nous avons tous faim, voulez vous que j'aille voir notre ami l'aubergiste pour qu'il nous prépare quelque chose ? »
                      Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Sam 25 Aoû - 10:01
                      Isabelle Menescalcir
                        Isabelle Menescalcir
                        Palefrenière
                        Le chevalier tira un tabouret et s’assit près du lit pour donner des nouvelles qui soulagèrent Isabelle au seul endroit où elle pouvait être soulagée pour le moment. Elle s’en trouva la mine rassurée, allongée entre ces deux gargouilles protectrices. Il y avait une chaleur dans cette petite alcôve qu’aucun n’aurait trouvé ailleurs. Comme un sentiment d’avoir pompée toute l’humanité d’Evalon pour la réunir ici. Ce qui brûlait au centre, comme un âtre, c’était une petite paysanne, venue de la Croix des Espines. Avec des côtes cassées mais le sourire aux lèvres.

                        Le constat tomba alors : les évènements du début de soirée avaient creusé un trou immense dans leur gosier. Maintenant qu’ils parlaient de manger, Isabelle eut soudainement une faim de loup…

                        Comme Eudes se porter volontaire pour ramener victuaille à becqueter, elle tâtonna et sorti des piécettes de sa bourse. Avec entrain, elle les jeta mollement au pied du lit et ajouta avec un sourire, sur un ton qui n’aurait pas supporter l’insubordination :

                        Allez chercher de quoi boire, mon ami, je vous en prie. Prenez-moi quelque chose de costaud, s’il vous plait.

                        Un remontant ferait le plus grand bien à Isabelle. Quand elle avait perdu sa jambe, elle avait été imbibée du soir au matin pour supporter la douleur. Et maintenant que le mal était logé entre ses côtes, l’envie de réitérer grandissait. Elle avait envie de sentir sous sa langue cette gnôle qui adoucirait sa perception du monde le temps que ses os se ressoudent.

                        A la miresse, elle montra un baluchon qui trônait sur un petit coffre mis à disposition des voyageurs. C’était un sac boursouflé et ventru comme un petit ogre en cuir. Accroché au bas du sac, quelques licols et longe pendouillait alors que des brosses dépassaient sur les côtés, comme un étendoir sur lequel le forgeron range ses outils. A l’intérieur, il n’y avait que des affaires de voyages, des vêtements chauds. Et sur une poche, sur le dessus, il y avait un torchon qui emballait de quoi se sustenter.

                        Ma mère, vous voulez bien ouvrir mon sac ? Il y a un couteau dans la poche droite, sur le côté. Prenez-le aussi, ça peut servir.

                        Isabelle, comme tous les gens de terre, savait combien à la ville, ce qui pousse coûte cher. Elle emmenait toujours de quoi grailler pour au moins une semaine même si sa mission à Evalon ne s’était jamais étalée sur autant de jours. A l’intérieur du torchon, on trouverait une tomme de fromage, du pain de voyage à la farine d’épeautre, de la viande de génisse séchée et un quart de jambon que son oncle avait lui-même séché.

                        Une fois que le chevalier desarmuré aurait ramené de quoi assécher la soif, ils auraient de quoi festoyer simplement comme le font les petites gens. Si la crospinienne n’avait pas de quoi remplir leur bourse, elle saurait au moins leur remplir la panse. Si tel était le prix pour qu’on la sorte de cette ruelle, elle voulait bien se faire hôte souriante, elle qui accueillait dans une piaule sordide. Son sourire non plus n’était pas louée dans toutes les contrées. Pourtant, ce soir-là, malgré les piètres surprises de sa journée, elle avait le sentiment que le monde ressellait de quelque chose de bon. Eurate était suffisamment petit pour que les âmes valeureuses se retrouve autours d’un petit lit d’une auberge malheureuse, avec un petit festin et la sensation qu’il y avait des dieux pour veiller sur leurs fieffée destinée de mortels.
                        Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Dim 26 Aoû - 9:51
                        Anastasie Lunétoile
                          Anastasie Lunétoile
                          Prêtresse
                          Anastasie eut vraiment honte d'avoir trahi sa faim ainsi, mais la réaction d'Eudes et de leur jeune amie la rassura bien vite. Apparemment elle n'était pas la seule à en souffrir, et tous semblaient trouver que c'était un bon moment pour y remédier. Si elle n'avait pas remarqué ce consensus, la prêtresse aurait sans aucun doute refusé la proposition d'Eudes d'une manière ou d'une autre mais elle se contenta de sourire d'un air gêné. Elle allait remercier leur chevalier quand le mouvement de la patiente attira son attention, et la prêtresse ne la quitta pas des yeux pour s'assurer qu'elle ne se ferait pas trop mal – et que la couverture ne risquait pas de glisser de manière gênante, ce qui aurait probablement mis tout le monde mal à l'aise.

                          Ana suivit du regard le mouvement de la demoiselle jusqu'à tomber sur le sac. En entendant la requête de la jeune femme, la prêtresse lança un regard désolé en direction d'Eudes. Elle aurait voulu se proposer pour descendre à sa place, afin qu'il n'ait pas encore l'impression d'être relégué loin d'ici ou d'accomplir les menues tâches. S'occuper d'un cheval était hors de son domaine de compétence, et quand Eudes racontait l'espièglerie de Parreloup la chose devenait encore un peu plus évidente, mais aller chercher à boire ou à manger... Quoique, peut-être que les deux autres auraient craint que l'austérité de son ascèse ne déborde sur son choix de victuailles, et cette pensée fit sourire légèrement Ana bien qu'elle n'en dise rien.

                          -Bien sûr,
                          répondit-elle en s'approchant du sac.

                          La clerc chercha tout d'abord le couteau, qu'elle n'eut aucun mal à récupérer. Isa avait l'air d'être quelqu'un de particulièrement organisé et elle ne semblait pas être du genre à oublier ce qu'elle faisait de ses affaires. Comme les instructions étaient claires elle n'eut aucun mal à sortir ce qu'on lui avait demandé, et posa donc sur la petite table de la chambre le torchon qui contenait la nourriture et le couteau. La bonne odeur de la nourriture ne fit que réveiller un peu plus son estomac et elle lança un sourire à la propriétaire de tout ceci.

                          -Attendez moi une petite minute également, je reviens,
                          annonça alors Anastasie qui se dirigea rapidement vers la sortie de la petite chambre.

                          Elle n'allait pas bien loin, en vérité, et il ne lui fallut que très peu de temps pour revenir au chevet de la demoiselle. Quand elle passa la porte une nouvelle fois, elle tenait dans ses mains le gros morceau de pain ainsi que les deux pommes qui devaient constituer son repas avant le début de toute cette histoire et son mâla de bois, indispensable pour prier avant de se rassasier. Elle posa sa nourriture juste à côté de celle d'Isa, bien décidée à partager avec ses compagnons d'infortune si cela les intéressait, et regarda la jeune femme en souriant toujours autant.

                          -Voilà ma contribution,
                          dit-elle doucement, c'est peu, pour nous trois, mais c'est tout ce que j'ai.

                          Anastasie ne mentait pas sur ce point. Son voyage avait déjà commencé depuis quelques temps et les provisions qu'elle avait emportées avaient déjà été consommées. Elle mangeait bien peu, en temps normal, et pas de viande, ce qui faisait que ça ne coûtait généralement pas trop cher de toute façon, même si les prix en ville étaient toujours largement supérieur à ceux de la campagne.
                          Comme la chambre n'était visiblement pas faite pour accueillir tant de monde, et qu'Anastasie préférait laisser le tabouret à l'aîné de la bande, elle s'assit naturellement par terre à côté du lit, une nouvelle fois. Son visage ne manqua pas de trahir un léger amusement lorsqu'elle reprit la parole d'une voix timide.

                          -Nous en étions, je crois, aux présentations...
                          Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Lun 3 Sep - 11:06
                          Isabelle Menescalcir
                            Isabelle Menescalcir
                            Palefrenière
                            La mère, comme ses deux compères d’infortune voulu apporter une contribution au frugal festins qu’ils voulaient célébrer miteusement. Un temps, elle laissa la blessée seule avec ses onguents et ses curatifs. Une bien belle erreur.

                            Sitôt la robe de la miresse disparue dans l’entre-brasure de la porte, Isabelle se redressa en étouffant ses grognements dans le pli de son bras nu. Rapidement, elle fouilla les bocaux, les ouvrant pour sentir ce qu’il y avait à l’intérieur. Enfin, elle mit le nez dans ce qu’elle cherchait : de la pâte de pavot. Il n’y avait que les gens du temple qui avaient le droit d’utiliser ce genre de médicaments. Un instant, Isabelle voulu plonger son doigt dans le récipient d’une élégance austère. Ses côtes la faisaient souffrir et elle sentait le poids de son poumon au fond de sa cage thoracique. Pendant une poignée de secondes, elle se rappela les jours sombres qui avaient succédés à son amputation. La torpeur qui l’avait emmené sur une pente glissante qui s’enfonçait dans les ténèbres. Alors, elle savait certes la libération qu’offrait ce genre d’échantillon de pharmacopée. Et elle connaissait aussi le calvaire que c’était de se passer de ces substances. Elle hésita, le doigt tremblant au-dessus de la mixture. Et enfin, elle se souvint de la bienveillance qu’ils avaient eu tous à son égard. Agir en voleuse ne lui ressemblait guère. Elle rangea les effets qui ne lui appartenaient pas.

                            Quand la miresse fut de retour, Isabelle s’était rallongé et accueilli le pain et les fruits avec un sourire un rien crispé. Offrir cette part de victuaille coûtait à la guérisseuse au moins autant qu’à ceux qui, un jour passé, avait craint la faim ; Isabelle le sentait. Cependant, et parce que telle est la façon de faire à la Croix des Espines, elle ne chercha aucunement à détourner Anastasia de son dessein. Par contre, elle se permettait de lui laisser un peu de ce qu’elle avait emmené. Simple règle d’un troc bien mené. De la pâte de pavot contre ce qu’il resterait du quart de jambon séché, ce n’était pas cher payé.

                            Elle ne laissa pas la mère s’assoir à même le sol pour une raison évidente : là où la jambe manquait, au milieu des draps et des couvertures, il y avait largement la place pour que la jolie guérisseuse pose son maigrelet séant. Son humilité en restait fort admirable, cela dit. Et ce fut une fois assise sur le matelas que la prêtresse insista :

                            Nous en étions, je crois, aux présentations...

                            Ah oui. Il lui manquait encore son nom. C’est là un drôle de fardeau, un nom. C’est une signature dans la masse informe de la populace méprisable. Un nom, ça perse les mémoires jusqu’à les faire saigner d’humanité :

                            Isabelle. Isabelle Menescalcir, déclina la boiteuse alitée.

                            Sans s’éparpiller davantage, elle eut un petit sourire pour la miresse. Un de ceux qui précède une supplique.

                            Vous voulez bien me la mettre, cette bande autours des côtes, s’il vous plait ? Le temps qu'on est seules toutes les deux...

                            Avant que le chevalier sans armure remonte avec de quoi faire bombance, elle aurait voulu que quelque chose maintienne sa cage thoracique en place le temps qu’elle avale tranquillement un repas. Pour la nuit aussi, ça la rassurerait. Elle imaginait que cela empêcherait les fracas d’os de flotter à l’intérieur de ses chairs.

                            Alors, le temps qu’Eudes remonte, elles s’appliquèrent à poser les onguents et les renforts autours de sa blessure. Isabelle eut à serrer des dents maintes fois où les doigts gelés de la miresse effleurèrent la peau blanche de son ventre et de son dos. Mais quand le sieur Rogasang fut de retour, elle se tenait adossée au fond du lit sur les oreillers bourrés de paille, avec une chemise propre sur les épaules et un bout de fromage entre les dents.
                            Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Sam 29 Sep - 19:03
                            Anastasie Lunétoile
                              Anastasie Lunétoile
                              Prêtresse
                              Anastasie n'aurait jamais osé s'imposer sur le lit de la demoiselle, mais l'invitation fut si spontanée, si directe, et surtout si impossible à refuser, que la prêtresse finit par s'asseoir au bout du lit, là où il y avait un peu de place libre. Avec la même franchise et la même concision, la demoiselle termina alors de se présenter. Elle eut un sourire pour la clerc et celle-ci le lui rendit bien avec toute la sincérité du monde et sa douceur coutumière. 

                              -Eh bien je suis enchantée de faire votre connaissance, Isabelle, même si les circonstances de cette rencontre ne sont pas vraiment les plus heureuses que nous aurions pu imaginer. 

                              Les circonstances auraient aussi pu être bien pires que cela néanmoins, et elles pouvaient presque s'estimer chanceuses. Combien de fois Anastasie avait-elle fait connaissance avec quelqu'un au moment même où il se sentait perdre la vie ? Combien de fois avait-elle dû apaiser les craintes d'un inconnu alors qu'ils n'allait plus tarder à rejoindre les dieux ? Isabelle, bien que mal en point, allait s'en sortir. Ce ne serait pas indolore, Ana avait remarqué à quel point elle ne tenait pas en place et ce qui serait habituellement une qualité allait beaucoup la desservir si elle continuait ainsi, mais tout finirait par rentrer dans l'ordre. 

                              La prêtresse accéda finalement à la demande d'Isabelle. Ses craintes au sujet de la bande n'étaient pas tout à fait apaisées, mais elle reconnaissait également que cela pourrait être utile et si cela permettait au moins de rassurer Isabelle sans empirer sa situation, voilà qui devait être tenté. Il fallut quelques minutes pour mettre le tout en place et étaler les onguents sur la peau constellée de la jeune femme. Ana y glissa toute sa douceur et toutes les précautions qu'elle pouvait pour éviter de la faire souffrir, mais la chose n'était pas aisée et elle sentit tout de même plusieurs fois sa patiente se raidir sous l'effet de la douleur tandis qu'elle serrait les dents. Anastasie savait qu'elle n'aurait sans doute pas pu faire mieux que cela, mais ces moments lui rappelaient souvent son impuissance face à la douleur des autres et cela lui était particulièrement pénible.

                              Voir les traces bleues et les dents serrées de la cavalière faisait naître une profonde et sourde colère chez la clerc, qui ne comprenait pas pourquoi on pouvait en venir à de telles extrémités envers une demoiselle. Elle savait, au fond, que cela n'avait rien d'étonnant. Après tout, si elle était encore en vie au chevet d'Isabelle, c'était seulement parce que sa position de prêtresse avait empêché qu'on ne la tue. Pouvait-elle encore s'étonner de la violence du monde ? Eh bien oui. Parce qu'Ana avait autant envie que besoin de croire que les Hommes étaient bons, et qu'elle ne pouvait se résoudre à les juger sans les connaître, et donc à s'en éloigner. Sans un mot de plus, elle aida Isabelle à s'installer le plus confortablement possible et lui coupa un morceau de fromage pour éviter qu'elle ait à le faire elle-même. Attrapant alors une des pommes qu'elle avait apportée, elle récupéra son mâlâ en bois de son autre main et retourna s'asseoir sur le coin de lit qu'on lui avait alloué. 

                              -Bon appétit,
                              dit-elle doucement. 

                              Isabelle avait déjà commencé à manger, mais elle ne fit pas de même. Serrant entre ses doigts les perles léguées par son plus vieil ami, elle ferma un instant les yeux. Ses lèvres remuèrent en silence dans une longue prière remerciant les Trois pour tout ce qu'ils avaient fait, faisaient, et feraient pour elle. Elle y glissa bien sûr une pensée toute particulière pour Isabelle, dont elle avait pu croiser la route au bon moment grâce à eux, et pour son prompt rétablissement s'ils voulaient bien le lui accorder. 

                              Comme il n'était pas dans ses habitudes d'expédier ses prières, il fallut quelques temps avant qu'elle ouvre à nouveau les yeux. Elle lança un regard et un sourire en direction de son acolyte du soir, et croqua finalement dans la pomme en silence. Elles auraient peut-être dû attendre Eudes. Anastasie s'en voulait un peu de ne pas avoir au moins proposé cette possibilité, parce qu'elle avait l'impression que c'était son estomac qui avait agi à sa place en se jetant sur la nourriture. Elle tâcha d'éloigner cette pensée de son esprit, et entre deux bouchées, finit par dire quelque chose. 

                              -Vous disiez venir de la Croix des Espines, je me trompe ? Voilà un long voyage, tout de même. Est-ce indiscret de vous demander ce qui vous a poussé jusqu'à la capitale ?
                              Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─ Jeu 4 Oct - 17:42
                              Isabelle Menescalcir
                                Isabelle Menescalcir
                                Palefrenière
                                Les doigts longs et froids firent frémir Isabelle lorsqu’ils se posèrent sur elle. Partout où les poings avaient cogné, la crème s’étalait avec prudence. Pas de commentaire parce qu’il n’y en avait pas à faire. A Eurate, elles étaient trop nombreuses et trop anonymes, ces femmes qui mourraient dans les pires venelles, pour un regard en croix. Comme des chats qu’on traque pour mettre le feu à leur queue, dans ce jeu de gamins mal éduqués.  Isabelle examina chaque geste de la miresse et sa reconnaissance pour son aînée grandissait à chaque tour que faisait la bande autours de son tronc.

                                Plus tôt, elle avait gouté au pire. Maintenant, elle goutait au meilleur. Même si voir quelqu’un prendre soin d’elle ranimait une certaine angoisse chez Isabelle, elle ne pouvait que se rendre compte que sans le soutien de l’inconnu et de la prêtresse, elle ne se serait probablement jamais relevée de son caniveau. Brisée comme un oiseau abattu par une fronde.

                                Une mauvaise passe qu’elle pensait derrière elle, maintenant.

                                Tout le temps où Anastasia avait les yeux baissés sur les blessures, avec ce mélange de courroux et de miséricorde, Isabelle s’autorisait à laisser les yeux trainer sur elle. Ses doigts trainaient bien sur son corps disloqué alors elle pouvait bien la toucher du regard. Sur ses traits cireux de modestie de la mère, ses doigts presque malingres et ses paupières au bord desquelles la palefrenière sentait peser une fragilité étonnante. Au fond, les deux femmes se ressemblaient plus qu’elles se seraient laissé penser. Peut-être que quiconque n’aurait jamais vu en elles des morceaux de vulnérabilité, pourtant, ce qui suintait au bord de leur yeux et au fond de leur âme, c’était une ténacité énorme. Pour vouer sa vie aux dieux comme aux voyageur, il en fallait, du caractère, de la constance et du cran.

                                Bientôt, les soins se conclurent. La bande qui tenait désormais les côtes de la cavalière en place avait quelque chose de rassurant : Isabelle sentait ses os prendre appuie dessus comme les ramification d’une branche sur un tuteur. A voix basse, la blessée souffla plusieurs remerciements, se mettant à éviter de nouveau de poser le regard sur celle qui venait de se rassoir à l’endroit du lit où la jambe manquait.

                                Comme Eudes ne remontait toujours pas, d’un commun accord, elle se permirent de commencer à grignoter. C’est que les émotions leur avaient creusé la panse, au point qu’Isabelle sentait presque sa ventraille se contacter sur du vide. Elle se coupa un morceau de formage et s’apprêtait à mordre dedans quand elle vit la pieuse sortit un chapelet de ses longs vêtements plein de plissures gracieuses. Respectueusement, elle la regarda serrer les doigt autours des perles de bois sombre et remuer les lèvres. La prière préprandiale se répandait en une complainte aussi silencieuse que mystérieuse.

                                Cette vision fit remonter un lot de souvenirs dans le cœur encore jeune et tendre d’Isabelle. Ceux de la petite fille qu’elle avait été qui se prêtait à ce jeu des grâces avec sa mère avant qu’un hivers l’emporte. Une paysanne fort pieuse avec des habitudes héritées de sa famille de servants. Les mêmes qui se plaisaient à calquer les habitudes des nobles de leurs maisons respectives pour espérer se hisser au même rang de dignité. Voilà des années que la cavalière n’avait plus assisté à ce genre de rituel solennel : après la disparition de sa mère, il n’y avait eu plus que des hommes dans sa vie. Et les traditions s’étaient perdues au milieu des tâches quotidiennes. Eclatées comme des assiettes de porcelaine.

                                Les yeux de la blessée fuirent instinctivement vers la petite fenêtre encore ouverte par laquelle on voyait les toits d’Evalon s’imbriquait de leur étrange façon. Ils glissèrent vers le ciel. La peur de la mort l’avait forcée à se raccrocher aux vivants. Une fois sa condition stabilisée en vie, la voilà qui pensait fort à ceux qui étaient mort. Un long soupire s’échappa de ses lèvres et elle ignora la douleur que le souffle causait dans son flanc émietté.

                                Ses pensées ricochèrent en même temps que ses pupilles sur les tuiles grises, couvertes de la suif que crachaient les cheminées en cœur. Des visages. Des souvenirs. Des sourires d’autrefois.

                                Soudain, la prêtresse interrompit le cycles des images qui se formaient derrière sa rétine :

                                Vous disiez venir de la Croix des Espines, je me trompe ? Voilà un long voyage, tout de même. Est-ce indiscret de vous demander ce qui vous a poussé jusqu'à la capitale ?

                                Isabelle se râcla la gorge et se rendit compte qu’elle avait oublié d’avaler le morceau de fromage qu’elle avait commencé à mâcher. Elle mordit dedans pour mieux l’avaler et articula précipitamment :

                                Oui, oui, c’est bien mon pays que celui-là. Je le quitte une fois par an pour venir vendre mes bêtes par ici. Je suis cavalière, en fait.

                                Certes, elle avait conscience que, dans son état, ça ne sautait pas aux yeux. Pas comme la jambe qui lui manquait par exemple.

                                Et vous donc, ma mère ? D’où venez-vous ? Est-ce le Temple qui vous retient à la capitale ?

                                La réponse importait vraiment à Isabelle parce qu’elle aurait aimé trouvé dans le récit de la jeune femme un prétexte à se rendre fort serviable. Et elle mordit dans un autre bout de pain.
                                Re: Les revers de la paysannerie [Eudes & Anastasia] ─
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